L’Homme et son pantalon : un homme d’âge moyen, solitaire, doit réparer un accroc fait à son pantalon. Cette humble besogne suscite dans sa mémoire des souvenirs d’enfance et surtout ceux de sa mère. Dans la cour voisine, des femmes bavardent et bercent un enfant. Dans sa solitude pitoyable, l’homme s’invente de l’amour pour l’une d’entre elles…Revenu à la réalité, il n’a pour interlocuteurs que ses meubles et un chat…
Bien que considérée comme un « seul en scène », la pièce est plus qu’un monologue. Elle
s’ouvre sur le monde réel (les voisines, un chat) mais surtout sur le monde intérieur du protagoniste, sur ses souvenirs d’enfance, ses fantasmes amoureux, le souvenir de sa mère, sa profonde solitude… C’est une véritable performance qu’accomplit l’acteur, livré à ce texte bouleversant, dont l’humanité et l’universalité restent intactes, après plus de cinquante années
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CŒUR SANS ÉCHO – Textes de Federico García Lorca en Espagnol et en Français
A travers la présence d’une figure oscillant entre le matador (figure emblématique du jeu avec la mort, celui qui la frôle, la provoque) et un pierrot lunaire (allégorie de la poésie et du sourire /rire du clown blanc, nécessaires pour rendre supportables les douleurs de nos vies), une transformation du costume tout au long du voyage poétique, une cape rouge, une chaise et un prie-Dieu, grâce aussi à la musique Flamenco, des figures graphiques et des images en mouvement qui évolueront et feront entendre ou voir des textes en espagnol et / ou en français, je dirai les poèmes: Murió al amanecer / Il mourut à l’aube; El niño loco / L’enfant fou; Soneto/ Sonnet; Romance sonámbulo / romance somnambule; Muerto de Amor / Mort d’Amour ; Thamar y Amnón / Thamar et Amnon; Soledad / Solitude; Casidas de las Palomas Oscuras / Casida des colombes obscures; Llanto por Ignacio Sanchez Mejias (I- La cogida y la muerte, Il- La sangre derramada, III- Cuerpo presente, IV- Alma ausente) / Champs funèbres pour Ignacio Sanchez Mejias (I- La blessure et la mort, Il- Le sang répandu, III- Corps présent, IV- Âme absente); Soneto / Sonnet de la douce plainte.
Tous ces poèmes conduisent à réaliser la violence du monde, de la trahison et des dures sanctions implacables de la vie mais avec une déroutante intensité de couleurs et d’émotions comme une immense ironie.“Ces cris sans détours. Ces tremblements de pudeur, de crève-cœur et d’angoisse, c’est l’eau fraîche et noire de la Peine andalouse dont parle Lorca et qu’il a recueillie très tôt, à la source pour nous la partager”, comme l’écrit le traducteur Yves Véquaud dans “La peine de vivre”
Même si Lorca part de l’univers des gitans, célébrant ainsi les pasteurs, les nomades qui jouissent de l’instant et qui profitent des dons de la terre, il parle aussi bien à ceux qui sont plus proches de Caïn que d’Abel car en tout homme se cache une danse permanente avec la mort comme pour le Torero Sanchez Mejias et parce que ses poèmes “conservent la braise, le sang et l’alphabet de la vérité andalouse et universelle”, comme l’a écrit un journaliste.
En effet, Lorca utilise “des mots simples” en “un certain ordre assemblés” pour décrire, décrypter, traduire ou évoquer le grand mystère de la vie, la joie et la souffrance des hommes, tous différents, tous pareils, et qui s’appellent tous Adam. Son vocabulaire est semblable à celui des Paraboles : le jour, la nuit, le soleil, la lune, l’ombre et la lumière, l’amour et la mort, le marbre ou l’olivier. Et puis l’oeillet qui est son lys des champs. Des mots dont le lecteur connaît bien la musique. Comme ajoute le poète Jorge Guillen, “sa clarté est envahissante.” Lorca, même s’il prend des libertés, rend souvent hommage au peuple de Grenade et inscrit souvent sa poésie dans une tradition poétique et musicale andalouse : un retour aux sources et à la présence arabe, gitane et juive. Un « romancero » (genre appartenant à la tradition poétique espagnole) est consacré aux gitans, comme pour réconcilier les deux mondes. Avec toutes les formes se référant au « Cante », la musique et le chant deviennent deux éléments constitutifs du poème lorquien.
UNE SAISON DE MACHETTES
Ils sont dix.
Dix copains rwandais, hutus, copains de classe, de matchs de foot, de travaux des champs. En trois mois, d’Avril à Juin 1994, ils ont massacré à la machette, « sans rien penser », tout ce que leur bourgade et les collines voisines comptaient de tutsis, près de cinquante mille, hommes, femmes, enfants, leurs « avoisinants », avec qui ils avaient aussi partagé bancs de classe, bancs d’église, soirées arrosées et matchs de foot.
Jean Hatzfeld les a rencontrés dans la prison où ils purgeaient leurs peines (A ce jour, tous, sauf un, ont retrouvé la liberté, leur village, et ceux qu’ils n’avaient pas eu le temps de tuer) : ils ont raconté calmement, placidement, d’une voix posée, presque neutre.
Paroles sans précédent, si l’on se réfère aux autres grands génocides du siècle (même si l’on pense, ici, au journal tenu par Rudolf Höss, le Commandant d’Auschwitz, ou, là, au film de Rithy Panh, S 21). Paroles littéralement sidérantes, au moins autant par la forme qu’elles prennent que par leur contenu, qui posent les questions essentielles sur l’homme, et ce qu’on a appelé, il y a moins d’un siècle « la banalité du mal », mais aussi sur les mécanismes – idéologiques, collectifs et individuels- qui en autorisent l’épanouissement. En 1995, j’ai mis en scène des Conversations avec Primo Levi, qui posaient déjà les mêmes questions, à propos d’Auschwitz. Un spectacle qui, vingt-huit ans plus tard, poursuit son chemin, dans toute la France. Ce travail en est le second volet. Le livre de Jean Hatzfeld alterne les paroles des « coupeurs », le regard aigu, bouleversant, de quelques rescapés – leurs « avoisinants »-, en majorité des femmes, et les réflexions, les mises en perspective de l’auteur. Tout y est passionnant. Le choix des textes, inévitable, s’est entièrement resserré autour des récits des cultivateurs, dans la volonté d’une confrontation nue, directe avec chaque spectateur. Pour que chacun, en toute liberté, se construise son jugement, ses interrogations. De Jean Hatzfeld, on a seulement conservé, en guise d’ouverture, les premières pages, et quelques interventions, comme autant de respirations nécessaires.
Difficile de parler de « spectacle ». Il s’agit plutôt d’une mise en voix collective, d’une « livraison » de récits : un choeur tragique du siècle – le tragique trouvant ici une dimension supplémentaire dans le décalage entre l’acte et la manière de le dire, un décalage tel qu’il frôle parfois, même s’il est difficile de le reconnaître, le burlesque. Tout le travail, ici, consiste à tenter de faire entendre ce décalage, dans la recherche de la transmission la plus juste, loin de toute réduction, ethnique ou psychologique. Quatre comédiens, une contrebasse, un mur et quelques lumières. Le mot, ici, est l’essentiel, et il s’agit, dans le temps et l’espace resserrés de la représentation, d’en dilater le sens, au maximum. Sans pathos ni métaphore. Primo Levi : « L’horreur est. Il vaut mieux laisser les choses se raconter d’elles-mêmes. »
Il ne s’agit pas de désespérer l’auditoire -à quoi bon ? – mais d’essayer de comprendre. Parce que ce qui interroge le plus, finalement, dans ces paroles, c’est leur insupportable proximité.
Dominique Lurcel
LE CIMETIÈRE DES VOITURES
Dans un monde sans femme et où la musique est interdite, une poignée d’individus survit dans un cimetière de voitures. Ils sont tous surveillés ou recherchés par une sorte de milice dont on ignore l’origine, et particulièrement l’un d’eux : Émanou, un musicien qui joue pour les pauvres.
Mis en scène pour la première fois en France en 1966, mais ayant été interdit jusque-là, Le Cimetière des Voitures, a finalement été mis en scène en espagnol pour la première fois en 1977, deux ans après la mort de Franco.
Le Cimetière des Voitures de Fernando Arrabal n’est pas à proprement une œuvre de théâtre au sens traditionnel mais plutôt un terrain de jeu, un champ d’investigation formidable pour le metteur en scène et les acteurs, parce qu’il propose moins un discours dramatique cohérent que des visions, une atmosphère et la possibilité d’une extrême théâtralité.