Mon premier est une histoire de femme au singulier, celle que l’on dit «hors-norme», anormale, car au lieu de donner la vie, elle a tué son mari ; c’est la «criminelle» et uniquement la criminelle aux yeux de la société. Mon second est une histoire de femmes au pluriel, celles qui ont des prénoms. Il y a Farida, l’écrivaine, élégante et talentueuse à qui tout réussit ; il y a aussi Fathia, qui fait les ménages dans l’immeuble, travaille dur pour élever seule ses nombreux enfants et qui a préféré quitter son incapable de mari. C’est aussi l’histoire des codétenues de la criminelle qui suscitent, toutes, compassion et révoltes devant leurs destins brisés par la prostitution et la violence. C’est aussi l’histoire de la mère de «l’accusée», toujours en filigrane, qui pèse sur le destin de sa fille comme un mauvais génie. Tous ces portraits ciselés avec talent par Maïssa Bey, se confondent avec celui de l’Algérie, à la fois victime et bourreau pendant une décennie d’exactions et d’actes terroristes. Les mots claquent comme des fouets, ils vont droit au but et les chapitres courts permettent de reprendre souffle dans cet univers de souffrances et de violences. L’histoire est distillée, l’émotion à son comble, le suspens maintenu jusqu’au dernier souffle du spectacle.
Archives pour la catégorie se joue en Décembre 2023
RUY BLAS
Don Salluste, ministre du roi d’Espagne, vient de tomber en disgrâce et d’être exilé par ordre de la jeune reine. Il jure de se venger et songe un moment à se servir dans ce but de son cousin, don César de Bazan, homme perdu de débauches ; mais celui-ci, apprenant qu’il s’agit de tendre un piège à une femme, se récrie et refuse avec fierté.
À défaut de son cousin, Salluste se servira de Ruy Blas, son laquais, ancien camarade de don César. Une conversation qu’il a écoutée entre ces deux amis lui fait surprendre un secret qui suffira pour ourdir la trame infâme qui doit perdre son ennemie, Ruy Blas vient d’avouer à don César, chose inouïe, qu’il est amoureux de la reine. Le plan de Salluste est dès lors tout tracé. Il fait quitter à Ruy Blas sa livrée, le revêt du costume de grand d’Espagne et l’introduit auprès des seigneurs de la cour sous le nom de don César dont il a châtié la hardiesse par l’exil. Le laquais, qui s’est laissé faire, s’engage en retour, par un billet, à servir son maître en toute occasion comme un bon domestique ; puis le ministre se borne, en s’éloignant, à donner au nouveau seigneur, qui ne comprend rien aux intentions de son maître, un seul ordre: plaire à la reine et s’en faire aimer.
Les voeux de Salluste ne tardent pas à se réaliser. Les circonstances favorisent la fortune de Ruy Blas ; la reine l’élève aux plus hautes dignités et en fait son ministre d’État.
Cette élévation rapide excite l’étonnement et la jalousie des conseillers du roi ; Ruy Blas les surprend en séance dans la salle du gouvernement, se partageant les revenus du royaume. Tout à coup, il s’avance et flétrit leur cupidité ; puis, songeant à la grandeur passée et à la décadence actuelle de l’Espagne, il interpelle dans un monologue célèbre Charles Quint dans sa tombe. Au moment où les conseillers foudroyés se retirent, la colère dans le coeur, une tapisserie se soulève et la reine apparaît rayonnante ; elle a tout entendu du cabinet obscur qui communique à ses appartements et elle félicite son courageux ministre. Mais pendant qu’elle s’éloigne, laissant Ruy Blas ivre d’extase et de bonheur, un homme, vêtu d’une livrée, est entré par la porte du fond et vient brusquement lui poser la main sur l’épaule ; c’est don Salluste. Après avoir rappelé à Ruy Blas ses anciennes fonctions, il lui ordonne d’aller l’attendre le lendemain dans sa petite maison avec carrosse attelé ; le ministre, qui soupçonne un piège contre la reine, se débat et refuse ; mais Salluste le menace de tout découvrir et lui rappelle la promesse qu’il lui a faite autrefois de lui obéir aveuglément. Ruy Blas, humilié, brisé d’émotion s’incline et promet.
Il songe avec accablement à son élévation et à sa chute prochaine, mais surtout aux dangers que court la reine. Pour éviter les pièges, il lui a fait dire de ne sortir du palais sous aucun prétexte ; mais le message n’a pas été rempli ; au contraire, don Salluste a fait parvenir à la reine un billet par lequel le ministre, menacé d’un grand danger, l’appelle à son secours. La reine n’hésite pas, et, au risque de se compromettre, se rend seule, de nuit, dans la maison de Ruy Blas. À sa vue, le ministre, épouvanté, la supplie de fuir ; elle s’y refuse et montre la lettre. L’odieuse trame est découverte ; le monstre qui s’était caché apparaît lui-même; sa vengeance est complète : il apprend à la reine que le ministre qui a sa confiance n’est qu’un laquais et la menace de dévoiler cette entrevue nocturne qui doit la perdre à jamais. Après un vif échange, Ruy Blas, qui s’était contenu avec peine, se précipite sur don Salluste, lui arrache son épée et la lui plonge dans le coeur ; puis, ne pouvant survivre à son déshonneur, il avale une fiole de poison et meurt sous les yeux mêmes de la reine, après avoir obtenu son pardon.
[D. Bonnefon, Les écrivains modernes de la France]
L’ENFANT DE VERRE
Sur une falaise, se dresse le royaume de verre de la famille Kilvik.
Hella, la fille aînée, nage dans la mer. Esther, la mère, prend soin de ses mésanges. Frederik, le père, pêche seul les poissons qu’il relâche perpétuellement. Liv, la cadette, danse en cachette. Nino, le fiancé d’Hella, s’occupe de tout et pour tout le monde. Pio, le souffleur de verre, répare sans fin. Anja, la grand-mère, attrape sans cesse les mains autour d’elle. Ecosystème énigmatique…
La nuit où Liv brise sa mésange de verre, l’édifice des Kilvik, aussi lumineux qu’inquiétant, fragile que tranchant, se fissure…
Entre réel et onirisme. Ici, tous les personnages entourés de mystère et de poésie vivent au quotidien dans une forme de déni. Par amour ? Par hyperprotection ? Par trop de bienveillance ? Par peur secrète ?
Face à Liv, mue par un besoin de dire, un monde qui se tait vacille…
Ce désir d’une fable poétique autour des silences familiaux est né d’une amitié entre le metteur en scène Alain Batis et l’autrice Léonore Confino, publiée aux éditions Actes Sud-Papiers. Il est le fruit de l’intérêt réciproque qu’il et elle portent à leurs parcours artistiques depuis 2005. Géraldine Martineau, autrice, metteuse en scène et comédienne les a rejoints pour enrichir l’aventure et collaborer à l’écriture.
Portée par sept comédien.n.e.s, la création déroule sa partition libératrice convoquant théâtre, musique, chorégraphie.
DÉSINTÉGRATION
« Nos parents ne joueront jamais au tennis, au badminton, au golf. Ils n’iront jamais au ski. Ils ne mangeront jamais dans un restaurant gastronomique. Ils n’achèteront jamais un bureau Louis Philippe, une bergère Louis XV, des assiettes Guy Degrenne, des verres Baccarat, ni même un store Habitat. Ils n’assisteront jamais à un concert de musique classique. Ils ne posséderont jamais de leur vie un appartement ou une jolie propriété quelque part en France où finir leurs jours tranquillement. Non, ils ont préféré investir dans des maisons au bled, en ciment, au prix de plusieurs décennies de sacrifices, qui ressemblent vaguement à des cubes et qu’ils appellent des villas. »
Une voix tente de se faire entendre. Celle d’une génération, celle que l’on nomme ‘issue de l’immigration’. Ils sont français, nés en France, mais un peu trop colorés pour être acceptés. D’un exotisme attachant lorsqu’ils a des gâteaux après l’Aïd, ce sont les mêmes que l’on regarde avec appréhension dans un wagon désert, le soir. Cette voix passe au crible tout ce qui les a construits, tout ce qui a généré ce tiraillement perpétuel, cette révolte sourde.
Les tabous, les traditions, la pauvreté et l’humiliation s’ajoutent au regard de la France qui, forte de son passé colonial, leur voue un amour hypocrite. Une nation en laquelle ils placent cependant leurs espoirs, mais pour les voir aboutir, les mentalités doivent changer. Alors que l’immigration ne quitte plus le débat politique, Ahmed Djouder écrit un texte d’une force inouïe dans laquelle il dresse les carences de l’intégration.
CRÉANCIERS
« Créanciers » est pour moi une ronde à la fois amoureuse et destructrice entre 3 êtres : deux hommes et une femme au centre des deux.
Strindberg, au moment où il écrit la pièce, est en pleine rupture amoureuse et les échos dans les questionnements et la douleur des personnages sont évidents.
Ce qui me touche depuis toujours au coeur de la pièce, c’est la présence de l’art, de la création, et le fait qu’elle raconte des artistes et leur questionnement. Tout comme La mouette, que j’ai déjà monté.
Dans la version originale Adolphe (que je rebaptiserai AL) est un peintre en mal de création qui se met à sculpter. Tekla est écrivaine, tandis que Gustav est professeur.
Dans cette adaptation que je propose, Julie Debazac sera une actrice sortie du Conservatoire National de plus en plus aspirée par le cinéma et qui se désintéresse des mises en scène de son mari. Benjamin Baroche, sera un acteur reconnu (ce qui a permis la rencontre avec AL) mais dont son ex-femme cache l’identité dans sa biographie. Le faisant passer pour un homme qui a raté sa vocation. Enfin, je jouerai un metteur en scène de théâtre qui a démarré fort mais dont le désir s’émousse.
Volonté de contrôler l’autre, jusqu’à la domination parfois ; il s’agira de pouvoir montrer tout cela.
À leur rencontre, Al « dominait » Tekla professionnellement et intellectuellement, puis peu à peu, sa force créative s’est épuisée jusqu’à ce qu’il tombe dans un oubli de la profession, tandis que Tekla est devenue une actrice célébrée et reconnue. Elle ne vibre dans la pièce que dans ses désirs, c’est ce qui la rend de loin la plus lumineuse des trois. Une Marylin qui connaîtra aussi son heure tragique à la fin de la pièce. Les hommes sont beaucoup plus perdus et flous dans leur désir, il s’agira aussi de pouvoir montrer ces différences vibratoires.
Difficultés à circuler dans différents espaces artistiques, sans souffrir des préjugés de la profession elle-même : autant de questions que cette pièce me permettra d’aborder dans cette nouvelle adaptation. Il s’agit bien sûr de restituer au plus vif le rapport de forces et de destruction que nous présente Strindberg.
Le besoin de succès et de reconnaissance, sa fragilité, questionne et renforce les failles et brisures du couple ou plutôt des couples de la pièce.
Car ce jeu cruel entre couples s’avère assez vertigineux. Bien sûr, il y a le couple actuel (Tekla et Al), l’ancien (Tekla et Gus), mais pour finir, un troisième couple se construit, celui formé par les deux hommes…
Philippe Calvario
ISLANDE ENTRE CIEL ET TEXTE
Islande entre Ciel et Texte est une immersion dans la fascinante littérature islandaise. 4 lectures-spectacles mis en musique interprétées sur scène, nous proposent de s’embarquer pendant une cinquantaine de minutes dans l’univers si particulier de Entre Ciel et terre de Jón Kalman Stefánsson pour une première lecture- spectacle, de Karitas – l’Esquisse d’un rêve de Kristín Marja Baldursdóttir pour une seconde, Le moindre des mondes de Sjón pour une troisième et dans La Géante dans une barque de pierre – Contes Islandais soit dans leur version adulte ou leur version jeune public pour la quatrième.
Chaque lecture-spectacle est dotée d’une scénographie simple mais suggestive, d’éclairages spécifiques favorisant un climat d’intimité et d’écoute et d’une musique originale composée et interprétée sur scène par Christine Kotschi. A cette musicalité répond celle des mots lus par Bénédicte Jacquard. C’est à ces univers sonores nés de récits qui bien qu’écrits par des contemporains puisent tous leur histoire dans l’Islande de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle. Récits épiques – les sagas ne sont pas loin – où malgré la dureté de la vie en cette période sur cette île au Nord du Nord, des destinées s’inventent.
Ici, comme au concert, on peut fermer les yeux, se laisser aller à ses récits.
Nous donnerons deux lecture-spectacles chaque jour et le cycle intégral sur deux jours consécutifs. La bienvenue à ces 4 rendez-vous.
« Tel un agent de voyages, le metteur en scène Claude Bonin, aussi délicat qu’audacieux, nous convie à un fascinant périple littéraire et musical en Islande. […]. Dans une scénographie volontairement sobre, les paysages sonores de Christine Kotschi, composés avec des instruments traditionnels, ajoutent une force sensorielle à l’interprétation de Bénédicte Jacquard, qui exalte la vie pittoresque et sauvage des gens du « pays de glace ». »
Thierry Voisin – Télérama (lire la suite ici) – le 31/10/22
Entre Ciel et Terre
Karitas
Le moindre des mondes
Contes islandais