Archives pour la catégorie se joue en Décembre 2024

J’AI MAL AU SIÈCLE

En écrivant deux actes qui semblent être deux pièces en un acte, indépendantes l’une de l’autre (au point de donner un titre différent à chacune), j’ai désiré surprendre le spectateur en faisant se rejoindre deux personnages qui paraissent être à l’opposé l’un de l’autre : un pauvre homme à la vie manquée, un homme soumis, vaincu, dominé, puis son contraire : un grand bourgeois en pleine réussite professionnelle, aisé, lancé dans la société.
Le premier se construit une existence rêvée, mais dont il ne peut en réalité se suffire, car il possède une intelligence du cœur que le talent de l’imagination ne peut tromper. Le jeu d’inventions sentimentales qu’il se construit, et auquel il joue devant nous, il n’en est pas la dupe. Au contraire, ce jeu le mène à la prise de conscience de sa solitude affective.
Donner les deux rôles à un unique comédien me semble un attrait supplémentaire pour ce spectacle : d’une part, c’est la mise en lumière d’un sujet identique pour deux personnages en apparence antinomiques, et c’est, d’autre part, la possibilité d’exploiter la palette élargie de l’interprète.
NOIR
Le second personnage, un soir, se trouve confronté au problème inverse : loin de comprendre a priori l’échec, il doit pourtant se mêler d’en protéger la victime – c’est son métier. Pour la première fois peut-être, la profondeur et l’enjeu de son travail lui apparaissent d’évidence, et la recherche de la psychologie du vaincu devient peu à peu sa propre introspection… et plus encore : il apparaît que c’est une société toute entière qui est en cause, et qui court à l’échec des individus.
Un message ? On se défend comme on peut, avec de la chance… ou pas.
Depuis longtemps, j’avais envie d’écrire ces répliques : « Je suis le seul à pouvoir vous aimer tous, parce que je n’ai pas besoin de vous pour cela » – et en réponse : « Si vous reconnaissez qu’un être est victime de son temps et que vous lui rendez sa liberté, c’est à son désespoir que vous le renvoyez ». Voilà, c’est fait.

Xavier Jaillard

EN ATTENDANT GODOT

À peine conçus, nous attendons. La naissance nous délivre de cette attente. Alors commence l’attente du devenir. C’est l’époque où une certaine insouciance nous permet de croire que la mort ne viendra pas. Les jours, les heures, les secondes passent et l’attente devient de plus en plus présente jusqu’à l’instant inévitable.
Entre-temps, nous aurons su profiter du peu de temps qui nous aura été imparti.

La troupe de l’Épée de Bois

***

« Que faisons-nous ici, voilà ce qu’il faut se demander. Nous avons la chance de le savoir. Oui, dans cette immense confusion, une seule chose est claire : nous attendons que Godot vienne. »

VLADIMIR, in
En attendant Godot de Samuel Beckett,
Éditions de Minuit.

LES CARNETS DE HARRY HALLER

La nuit initiatique d’un homme révolté.

Il est des livres qui vous touchent et vous accompagnent. Le Loup des Steppes, dont sont extraits Les Carnets de Harry Haller, est de ceux-là.

Ces carnets, restitués fidèlement, constituent un véritable récit d’apprentissage. Celui d’une libération confiée par un homme à son journal intime. Au fil d’une épopée nocturne mi-réelle mi-fantastique, qui préfigure le reste du roman, nous accompagnons Harry dans son cheminement extérieur, mais surtout intérieur, et assistons à sa libération progressive… Celle de son propre enfermement, de ses habitudes de vie “petite bourgeoise“ qui lui sont devenues insupportables. À quoi bon vivre si c’est pour ne (plus) rien ressentir ! À travers révoltes, souvenirs, sensations, Harry va se reconnecter peu à peu au monde sensible et redécouvrir des moments magiques de la vie. Tout n’est peut-être pas perdu ?

Roman initiatique, Le Loup des Steppes questionne la solitude de l’homme face à l’univers et réinvente, pour nous comme pour Harry, une vie pleine, riche et surprenante. Publié en 1927 et interdit sous le régime nazi, Le Loup des Steppes est redécouvert dans les années 60, 70 où il devient culte pour toute une génération éprise de liberté.

Un texte fort, initiatique et porteur de sens dont nous souhaitions partager l’énergie de vie.

 

Extraits presse

« Frédéric Schmitt officie avec une virtuosité qui laisse pantois et embarque le spectateur dans cette folle équipée nocturne qui ne révèle pas tous ses secrets. Un excellent travail. » Froggy’s DelightMartine Piazzon

« Une densité d’interprétation fascinante où se rejoignent pour notre plus grand plaisir la magie de la littérature et le génie du théâtre. » Politique MagazineMadeleine Gautier

« Une telle agilité ne fait que ramener au principe théâtral d’un homme seul sur une scène vide et à la puissance modulée de sa voix. L’exercice est maîtrisé de bout en bout. » WebthéâtreGilles Costaz

« Le comédien colle à son personnage de schizophrène lumineux. La nuit obscure qu’il traverse dans son désir de liberté, on a l’impression de la voir et de s’y complaire de phrase en phrase. À ne pas manquer. » Théâtrothèque Pierre Bréant

« Une superbe interprétation et une magnifique performance d’acteur qui invite à relire l’œuvre de Hesse. » It Art Bag –  Valérie Baudat

« Un loup des steppes lumineusement incarné. » Le Monde LibertaireEvelyne Trân

« Frédéric Schmitt, avec une remarquable intensité, donne corps au héros. Habité par sa partition, il en donne toutes les facettes et toutes les sonorités et nous laisse entendre la richesse, la beauté et la mélodie d’un texte né sous la plume d’un grand mélomane. »
Artistik RezoPhilippe Escalier

« Une performance littéraire et théâtrale à la mesure du texte de Hermann Hesse. »
Arts Mouvants

« Une superbe interprétation et une vraie performance d’acteur qui nous font rentrer complètement dans l’univers de Hesse. » Fréquence ProtestanteEvelyne Selles

« On écoute et on regarde vraiment tout ce qui se passe dans cette salle et on en ressort conquis. Nous aimerions beaucoup qu’il y ait une suite… » La Parisienne Life

« CRÉATURE(S) »

La nuit du massacre de la Saint Barthélemy, le 24 août 1572, une ombre arrache une petite créature aux cris, à la violence, aux lueurs d’incendie. C’est Ambroise Paré, médecin de Catherine de Médicis et « inventeur » de la chirurgie moderne. Il prend soin de masquer tous les miroirs de sa maison. Éduquée par Paré dans l’ignorance de son aspect physique, l’enfant grandit, devient une jeune femme impertinente. Un jour, écartant par curiosité le voile qui recouvrait le miroir, elle découvre qu’elle est couverte de poils. Un monstre.

Tout bascule. C’est le sujet de la pièce.

Comment vivre dans le regard des autres avec ce qui fait de vous au mieux une anomalie, au pire un monstre ? Le monstre désigne aussi bien des êtres réels que des créatures fantastiques. Il nomme ce que nous ne voulons pas être et nous permet de mettre un mot sur ce que nous ne pouvons pas comprendre. La différence fait peur parce qu’elle représente ce qu’on ne connaît pas.

Teresa Ovidio interprète ce personnage et Jean Marie Galey joue le chirurgien Ambroise Paré.
Le nom d’Ambroise Paré, à l’instar de Jeanne d’Arc qui orne le fronton de nombreux établissements scolaires et administratifs en France, a été donné à une multitudes d’établissements hospitaliers et noms de rue, mais qui connaît sa vie, son œuvre ? Ce spectacle en dessine un portrait tout à fait singulier, qui n’est pas éloigné de ses contemporains humanistes, des esprits éclairés de son temps comme Léonard de Vinci et Montaigne, puis un peu plus tard les scientifiques du siècle des Lumières. Il gagne beaucoup à être enfin connu dans ce qu’il a apporté à l’humanité, et nous nous y employons dans ce texte, en même temps que nous ouvrons un dialogue imaginaire entre ce Pygmalion qu’il aurait pu être et une jeune femme singulière au tempérament proche des jeunes femmes de la génération #MeToo.

Il est utile de préciser que si sa rencontre avec Ambroise Paré est une fiction – plausible -, Madeleine Gonzalès a réellement existé. Son histoire, devenue un mythe, a inspiré le conte de la Belle et la Bête, écrit en 1740 par une aristocrate, madame de Villeneuve.

DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE

« Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. Je ne veux pas que vous le heurtiez, ni que vous l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse dont on dérobe la base, tomber de son propre poids et se briser. »

« Certes, ainsi que le feu d’une étincelle devient grand et toujours se renforce, et plus il trouve de bois à brûler, plus il en dévore, mais se consume et finit par s’éteindre de lui-même quand on cesse de l’alimenter : pareillement plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus on leur fournit, plus on les gorge ; ils se fortifient d’autant et sont toujours mieux disposés à anéantir et à détruire tout ; mais si on ne leur donne rien, si on ne leur obéit point; sans les combattre, sans les frapper, ils demeurent nus et défaits: semblables à cet arbre qui ne recevant plus de suc et d’aliment à sa racine, n’est bientôt qu’une branche sèche et morte. »

« Souffrir les rapines, les brigandages, les cruautés, non d’une armée, non d’une horde de barbares, contre lesquels chacun devrait défendre sa vie au prix de tout son sang, mais d’un seul ; nommerons-nous cela lâcheté ? » 

« Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! C’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir, puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel. »

« …si l’on voit, non pas cent, non pas mille, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir, ne pas écraser celui qui, sans ménagement aucun, les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves : comment qualifierons – nous cela ? »

« N’est-ce pas honteux, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais ramper, non pas être gouvernés, mais tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants,  ni leur vie même qui soient à eux ? »

« Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. »

Étienne de La Boétie