Archives pour la catégorie se joue en Février 2023

LA MORT D’EMPÉDOCLE (Fragments)

La vie et l’œuvre d’un poète ne se laissent limiter ni par l’espace ni par le temps, parce que leurs racines sont ailleurs. Elles ont bien pourtant, une genèse commune : elles se déroulent et se composent sur la terre et dans l’histoire, c’est-à-dire dans leur « actualité » et poursuivent leur existence dans les rapports qu’elles entretiennent avec leur « avenir »- avec le temps de ceux qu’elles interpellent au-delà de la mort.

Parce qu’il sait voir la réalité sous tous ses aspects – la réalité de son temps comme celle au-delà du temps- Hölderlin est allé jusqu’au bout de ses forces pour la saisir dans sa totalité, dans sa plénitude. Confondue avec la vie même, son expérience en a fait éclater les limites et, transmuée en œuvre, elle peut devenir nôtre si nous savons entendre enfin le dialogue de l’Homme et de l’œuvre.

Hölderlin André Alter – Édition Champ Vallon

Extraits de presse

« Bernard Sobel met en jeu, de main de maître, cette épopée philosophique de haut voltage. Sur la vaste scène vide, devant un mur de pierre troué de trois bouches d’ombre , la fable visionnaire se calligraphie en toute clarté, comme obéissant à un secret théorème de géométrie dans l’espace. Entrées et sorties se font souvent par la salle, option démocratique, car tout ici, dans la plus digne austérité formelle, sans aucune bassesse, s’attache avant tout au respect de la vision du poète, sa profonde nécessité et sa rhétorique profuse où se tressent déchirements et enfantements de monde en une sublime cristallisation. Le dire, la profération, soit le souffle d’un type particulier et la gestuelle qu’exige une telle partition, somme toute héroïque, caractérise l’interprétation générale »
Jean-Pierre LéonardiniL’Humanité (Lire plus)

« Bernard Sobel réunit un aréopage de comédiens de très haute vertu dans la salle en pierre du théâtre de l’Epée de Bois. Le jeu, le texte, le sens. Un geste épuré pour une partition exigeante. Sublime ! »
Catherine RobertLa Terrasse
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« Dans un espace vide sur lequel surgissent les comédiens venus de la salle, depuis le haut des gradins, scène dont les trois portes – voûtes arrondies de pierre – font apparaître la lave lumineuse de l’Etna en fusion, des couleurs rougeoyantes soutenues par la sonorisation des éruptions volcaniques, s’accomplit, préparée, l’atteinte à sa vie, choisie irréversiblement par le thaumaturge. Grand plaisir de théâtre où résonne la force poétique verbale – écho à la conscience existentielle. »
Véronique HotteHottello (Lire plus)

« Ici, avec Sobel, chaque comédien est toujours à son exacte place, là où il doit être. C’est un poème tragique : pas de mouvements, ni de gestes inutiles qui distrairaient notre écoute. Résultat : tous les comédiens, y compris les jeunes élèves de la Thélème Théâtre École (que dirige Julie Brochen), sont formidables. C’est un travail de troupe. Et puis, l’épure est toujours signe de beauté. »
Chantal BoironUbu Apite (Lire plus)

UNE DÉMOCRATIE SPLENDIDE D’ARBRES FORESTIERS

Un orgue Farfisa, un piano Rhodes, un acteur, une cabane, des joncs, une chaise, la lune, des bouts de film, les mots d’un poète.
Chaque spectacle est un pari !
Celui que sur scène quelque chose va venir, quelque chose va s’adresser à nous et en nous à ce que nous avons de plus précieux.
Ici, ce quelque chose, ce seront les mots de John Keats.
John Keats – fils du propriétaire d’une écurie de louage, convaincu que l’humanité plutôt qu’une « lande rase » pouvait devenir « une splendide démocratie d’arbres forestiers », mort à 26 ans, devenu en moins de cinq ans un des plus grands poètes romantiques.
Durant 1h20, nous allons devenir les destinataires de ses lettres et de ses poèmes, destinataires de sa fougue, de sa jeunesse, de sa droiture, de sa profondeur, de sa fantaisie.

JUSTE LA FIN DU MONDE

« Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. »

J’emprunte à Nicolas Boileau cette strophe, tant elle paraît répondre à ma volonté de re-créer Juste la fin du monde.
Car il s’agit bien ici de « refaire » et non de reprendre, pour citer Peter Brook.
Depuis ma première mise en scène de ce texte, voilà déjà douze ans, j’ai exploré la totalité de l’œuvre de Lagarce. C’est en partie mon interprétation de Du luxe et de l’impuissance sous la direction d’Ivan Morane en 2014, qui m’a donné l’envie de refaire ce spectacle, m’en donnant une lecture nouvelle. Comme une nécessité.
Évidemment, le temps aussi m’a donné de nouvelles armes pour aborder un spectacle, sa forme et ses enjeux.
À l’origine, c’est l’écriture de Lagarce qui m’a tout d’abord captivé et fait découvrir son œuvre récente, mais déjà classique; cette nécessité et cette précision du langage pour mieux se connaître soi et les autres. Une écriture dans un entonnoir, des mots dans un alambic; une parole «en marche», qui bute, trébuche, s’accélère, ralentit, mais avance avec opiniâtreté dans le seul souci de dire, de résoudre, de remettre l’homme dans la cité.
2005/2017 : que c’est-il passé ? L’histoire nous apprend que le temps tente de nous apporter la paix et le progrès, tant industriel que social. Ces récentes dernières années et celles qui se dessinent clairement, semblent bien vouloir écrire une toute autre histoire du monde…
Juste la fin du monde, comme une expression de l’impossible: «Si je fais ça, ce sera la fin du monde!»?
Un homme «jeune encore», à la porte de sa propre disparition, la fin de son monde, son univers, son environnement, sa famille, ses communautés… tout cela à la fois! Le prisme familial de cette pièce est le reflet de nos sociétés, avec ses intolérances, ses replis, ses conflits, ses désirs, ses doutes, ses pulsions destructrices ou merveilleuses, dans un incessant aller-retour émotionnel.
À notre époque où domine le renoncement à l’autre, regarder autour de soi, rester éveillé, vigilant, dans une saine colère, c’est ce que nous dit Juste la fin du monde et au sens plus large, l’œuvre de Jean-Luc Lagarce et qu’il faut mettre en évidence ici.
Enfin, toute l’action de Juste la fin du monde est menée par l’unique volonté et le seul point de vue d’une personne: Louis. Sommes-nous dans la réminiscence, dans l’espoir, l’envie ou le fantasme de son retour? Il y a ici, une vision quasi cinématographique (une proposition d’angle de caméra, de montage) qui continue à m’interroger et me fasciner; c’est aussi à cet endroit que se trouve tout l’enjeu de notre travail, en s’appropriant la construction et la rythmique de l’écriture, sans la rendre formelle.
Et toujours «faire spectacle» de tout cela, sans lamentations, sans ennui.

La presse en parle

« Aussi cruel que brillant. »
L’humanité

« Une mise en scène taillée au cordeau. »
Marianne

« Une vision vertigineuse. »
Le Monde

« Universel et mordant. »
Le JDD

« Des acteurs bouleversants. »
Télérama

« Excellents ! »
Le figaro

DU LUXE ET DE L’IMPUISSANCE

Chez Jean-Luc Lagarce, tout est théâtre.
Son œuvre théâtrale, bien sûr ; mais pas seulement.
Ses récits également ; cela a été largement prouvé.
Mais aussi son journal.
Et cela me paraît évident encore d’avantage avec Du luxe et de l’impuissance, le recueil de ses éditoriaux.
Tout y est théâtre, parce que rien n’y est théâtral.
La Vie est là, à chaque mot, entre chaque mot. Évidente, simple, bouleversante, elle est là, à en pleurer, à en rire aussi.
La Vie ; et la Mort aussi.
Cette succession d’articles est un seul récit; qui a son unité de temps, de lieu et d’action.
Le personnage est chez lui (ou dans sa loge); il va sortir (ou entrer en scène); pour toujours (il se rend à l’hôpital où il sait qu’il va mourir) ; il doit se préparer à sa mort, choisir ce qu’il va emporter.
Aucun accessoire réaliste, ou le minimum; l’acteur et les mots les font exister.
La présence de l’acteur dans un grand espace presque vide et les mots de Lagarce, et toutes les pensées, les émotions non dites, et qui, je le souhaite, seront entendues, comme l’infini- ment grand et l’infiniment petit qui affleurent entre les mots du dernier texte du recueil, définition admirable du comédien, et de l’humain, ce qui chez Lagarce revient au même.
Crée en juillet 2014 au Théâtre des Halles (dir. Alain Timar). Nous ne «reprenons» pas ce spectacle, mais, comme le dit Peter Brook, nous le « refaisons », riches tous deux de nos ressentis depuis le plateau et depuis la salle.
Le cadre et le dessin sont les mêmes, mais nos doigts sur la toile ferons encore plus ressortir les détails, creusant, lissant, écrêtant…

Ivan Morane

LE TEMPS DES OGRES

Dans les contes, l’Ogre est souvent dépeint comme un monstre bestial, aveugle et sanguinaire, animé d’un appétit féroce de chair fraîche. Mais ce qui le rapproche « dangereusement » de nous, c’est sa faculté d’éprouver les sentiments qui nous animent tout au long de notre existence, la colère, la joie, la tristesse, la peur. Il est «L’homme sauvage qui mange les enfants », selon Charles Perrault, et qui nous inspire une crainte enfantine et ancestrale de la dévoration, mais il nous ressemble un peu. Qui sont les Ogres, où sont-ils ?
Débordant d’un désir insatiable de pouvoir et de richesse, l’Ogre des contes de notre enfance a changé d’apparence, et si je l’imagine en chef d’état, en chef religieux, il reste un Ogre, il est devenu celui qui dévore nos libertés. Je pourrais l’imaginer en apôtre de la finance, promoteur d’une machine économique néolibérale qui soumet les individus aux exigences de la compétition et du profit et qui menace nos libertés. Mais je préfère imaginer son visage d’enfant, et je me dis qu’avant d’être un monstre, il a connu les mêmes frayeurs que les autres enfants, et je suis sûr que lui aussi il a eu peur d’être englouti par le Grand Méchant Loup. J’imagine alors la paranoïa du tyran prendre le visage de ce Grand Méchant Loup, avec la peur de perdre le pouvoir et la richesse, une peur viscérale qui lui ronge les entrailles et qui va inévitablement provoquer sa chute. LA CHUTE DU TYRAN, c’est possible !
J’ai imaginé un grand jeu de massacre, une sorte de chamboultout géant où l’on pourrait incendier les effigies des Ogres Pol Pot, Hitler, Staline, Bokassa, Pinochet, Mao, Bachar el-Assad, et tous ceux qui sévissent encore aujourd’hui, comme un exorcisme pour crier sa colère et sa révolte contre les fossoyeurs de la LIBERTÉ, pour exprimer sa tristesse au souvenir de toutes les victimes de la barbarie des hommes. ALORS j’ai imaginé une version sanglante de « L’arroseur arrosé », un conte tragi-grotesque que l’on appellerait LE TEMPS DES OGRES, ou comment l’Ogre devient à son tour victime de la crainte qu’il inspire, celle de la DEVORATION.
Et puis des condamnations et des sentences de mort qui résonnent comme des coups de marteaux sur une enclume, depuis trop longtemps… et puis cet interminable cortège funèbre de martyrs, des noms de toutes les couleurs, depuis trop longtemps… 19 ans de prison pour avoir osé chanter dans sa langue maternelle le kurde. Torturée, violée, assassinée pour avoir manifesté son désir de justice, de liberté et d’égalité. Morts après plusieurs mois de jeûne de protestation contre la répression. 33 ans de prison et 148 coups de fouet pour avoir exprimé son désaccord avec l’obligation de porter le hijab. Morts pour la liberté d’expression. Nasrim Sotoudeh, Daniela Carrasco, Havrin Khalaf, les journalistes de Novaïa Gazeta, Nudem Durak, Ibrahim Gökcek et Helin Bölek, et tous les autres, des enfants, des femmes, des hommes, dans les pogroms d’Europe de l’Est, dans les camps d’extermination nazis, au Rwanda, au Cambodge, en Syrie, en Palestine, quel avenir pour les Kurdes? Combien reste-t-il d’Indiens sur le continent américain ? Depuis trop longtemps…
Alors, pleurer sur le sort des opprimés, OUI ! Mettre la tristesse, la révolte et la colère au service du rire, c’est encore mieux ! Alors j’ai choisi le rire, le rire cruel. L’humour et la cruauté pour aiguiser notre vigilance et notre sens critique face à la montée des doctrines nationalistes et des intégrismes religieux. L’humour et la cruauté pour évoquer le comportement despotique des dictateurs, la privation des libertés fondamentales et le déshumanisation de l’individu dans les régimes totalitaires. Du burlesque dans le tragique, et du tragique dans le burlesque, à la manière de Ionesco, Brecht, Jarry, et tant d’autres qui ont préféré choisir le rire cruel pour parler de la spirale infernale de la folie du pouvoir, et du pouvoir de la folie… du pouvoir. Plus qu’un désir, UNE NÉCESSITÉ.

Daniel Violette

La presse en parle

« La métaphore fait mouche, et la mise en scène laisse des images marquantes. »
Vaucluse Matin

« Signé Daniel Violette, Le temps des Ogres est un spectacle rare, pédagogique et d’une grande intelligence. Voilà un spectacle important sur le propos et exemplaire sur la forme déployée ici pour dénoncer en réalité toutes les dictatures. »
La Provence

« Le temps des Ogres mérite le détour. Il met en exergue de manière plutôt ludique et inventive les tensions des dictatures. Peuple opprimé, dirigeants ambitieux et quasi schizophrènes, armée lobotomisée et clown réfractaire. La compagnie Taïko nous entraîne dans une fresque décalée de ce régime politique pour mieux le dépeindre. »
Rue du Théâtre

« Meurtre, trahison et coup d’état glissent gracieusement au milieu des voix… mais même à la fin vous restez figé sur ce siège lorsque tout signe de vie quitte la scène. »
Le bruit du off Avignon

DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE

« Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. Je ne veux pas que vous le heurtiez, ni que vous l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse dont on dérobe la base, tomber de son propre poids et se briser. »

« Certes, ainsi que le feu d’une étincelle devient grand et toujours se renforce, et plus il trouve de bois à brûler, plus il en dévore, mais se consume et finit par s’éteindre de lui-même quand on cesse de l’alimenter : pareillement plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus on leur fournit, plus on les gorge ; ils se fortifient d’autant et sont toujours mieux disposés à anéantir et à détruire tout ; mais si on ne leur donne rien, si on ne leur obéit point; sans les combattre, sans les frapper, ils demeurent nus et défaits: semblables à cet arbre qui ne recevant plus de suc et d’aliment à sa racine, n’est bientôt qu’une branche sèche et morte. »

« Souffrir les rapines, les brigandages, les cruautés, non d’une armée, non d’une horde de barbares, contre lesquels chacun devrait défendre sa vie au prix de tout son sang, mais d’un seul ; nommerons-nous cela lâcheté ? » 

« Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! C’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir, puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel. »

« …si l’on voit, non pas cent, non pas mille, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir, ne pas écraser celui qui, sans ménagement aucun, les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves : comment qualifierons – nous cela ? »

« N’est-ce pas honteux, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais ramper, non pas être gouvernés, mais tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants,  ni leur vie même qui soient à eux ? »

« Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. »

Étienne de La Boétie

LE GRAND INQUISITEUR

Dans l’Espagne de l’Inquisition ou dans la Russie des pogroms et du goulag, Dostoïevski nous rappelle qu’à partir d’une saine croyance, tout homme peut sombrer dans le délire.

Ainsi des inquisiteurs, comme de tous ceux qui, poussant leur doctrine à l’extrême, tombent dans l’abîme du fanatisme et de la destruction de l’Homme.

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