Archives pour la catégorie se joue en Février 2024

PORTRAIT D’UNE FEMME

Un fait divers qui avait frappé les esprits au début des années 50 : la jeune Pauline Dubuisson, jugée et condamnée pour le meurtre de son amant sans que quiconque – et surtout pas l’appareil judiciaire, ne parvienne à décider d’un mobile réellement satisfaisant.

Michel Vinaver, comme il le fera tout au long de sa vie quand il s’intéresse à une « affaire », prélève et collecte dans la presse quotidienne ce qui s’y rapporte. Ici, les compte-rendus du procès dans le journal Le Monde.

En 1953, année du procès de Pauline Dubuisson, Vinaver est au commencement de sa carrière d’auteur, il a publié deux romans : Lataume et L’Objecteur, chez Gallimard sous l’impulsion d’Albert Camus. Il n’est pas encore devenu un « écrivain de théâtre » (ce sont ses mots), il le deviendra avec Les Coréens en 1956. Mais ce n’est que 30 ans plus tard qu’il écrira Portrait d’une femme.

Pourquoi 30 ans?

Pour que la lumière crûe du présent immédiat se nuance et se diffuse dans un tableau devenu mémoire, et pour que la réalité des paroles d’un procès scrupuleusement reproduites dégage un parfum d’étrangeté mieux capable de restituer le drame silencieux qui se jouait alors? 30 ans après les faits, le moment était venu pour Vinaver, habitué pourtant à traiter ses sujets immédiatement « à chaud », de renouer avec cette histoire qui, il l’a reconnu plus tard, avait sans doute été pour lui la matrice de nombreuses autres. L’ombre amicale d’Albert Camus a sans doute accompagné ce retour, et avec lui le personnage de l’Etranger, cousin de celui de Sophie alias Pauline D.

Ma rencontre avec Michel Vinaver a eu lieu en 2004 à l’occasion d’un atelier qu’il dirigeait. Esquisses devenues ensuite spectacles, longtemps joués : autour de lui le groupe hétéroclite de 20 actrices et acteurs était rapidement devenu un chœur, et avait pu donner à voir et à entendre avec une heureuse limpidité les deux pièces très complexes que sont À la renverse et Iphigénie Hôtel.

Par la suite j’ai moi-même porté à la scène La Visite du chancelier autrichien en Suisse, texte-intervention dans lequel Vinaver s’expose publiquement, dit son irréductible refus face au péril de l’extrême-droite arrivant au pouvoir : explication en forme d’autoportrait et portrait d’une Europe aux prises avec ses démons.

Il y a un an, en avril 2022, ayant fait la connaissance d’un groupe de 11 élèves comédiens du Studio de formation théâtrale de Vitry, j’ai mis en scène avec eux Portrait d’une femme. Un chœur, donc. Et l’évidence de la jeunesse. Il fallait la grâce des commencements pour laisser paraître et s’épanouir la subtile lumière difractée de ce poème qui, par la rigueur de la polyphonie et les secousses du montage parvient à dessiner le portrait que le procès, 30 ans plus tôt, avait échoué à faire : celui plein d’énigme d’une femme – et d’une France – sous l’Occupation.

Comme une mémoire vive retourne au lieu du traumatisme. À l’origine.

À l’origine il y a la France de l’après-guerre, qui juge une femme, dont l’adolescence dans la guerre a fait qu’elle ne peut pas ne pas être coupable. N’en disons pas plus : ce serait risquer de trahir la nature de la pièce, qui ne fait pas le procès du procès mais donne une seconde vie à l’événement, et ressuscite avec lui la femme qui en est le cœur. Une femme en France en 1953. Son exigeante et fragile liberté.

Pas de « décor ». Le texte, son titre nous l’indique, est une peinture. Et la mémoire comme le rêve joue, et se joue des lieux et des époques : il faut lui laisser le champ libre.

Rien qui arrête le flux. Et que les mots qui voulaient juger reprennent place, avec l’ironie de l’allégresse, dans le mouvement de la vie.

Pas d’autre musique, non plus, que celle des mots, des gestes et des pas.

Dans notre temps troublé et rendu plus indéchiffrable encore par le bruit assourdissant des fausses certitudes, puisse la parole exacte et paradoxale de ce poète des temps modernes nous éclairer et nous surprendre.

Quelques jours avant sa mort, Michel Vinaver avait assisté à une présentation de ce travail, il l’avait aimé, il avait souhaité qu’il puisse être vu encore.

Nous continuons…

Journal d’Armelle Héliot

« Il faudrait avoir le temps d’analyser ici dans la précision, ce travail remarquable. C’est une mise en scène fluide et vive, une direction d’acteurs très précise. […] Il est rare de pouvoir applaudir un ensemble si convaincant. Mais avouons que, pour anonymes soient-ils, on aimerait saluer chacun des onze, avec des mots précis. » Lire la suite

Armelle Héliot

Friction

Matthieu Marie agence avec ses onze interprètes dans un travail choral de toute beauté ; c’est effectivement – par-delà même du fait divers à travers les minutes du procès, notamment celles parues à l’époque dans Le Monde – le portrait en éclats d’une femme qui surgit avec une belle fluidité et que portent avec cohérence, rigueur et conviction les onze comédiens” Lire la suite

Jean-Pierre Han

Théâtre du Blog

“Rien n’arrête le flux des séquences qui passent rapidement d’un lieu à l’autre et enjambent les époques. Les mots sont précis, les prises de paroles brèves et ce groupe de jeunes comédiens interprète ce texte d’un rythme nerveux, sans décor, avec quelques accessoires pour changer de personnage.” Lire la suite

Mireille Davidovici

BARTLEBY LE SCRIBE

« Je préfèrerais pas… » dit un jour l’employé modèle.

Et du jour au lendemain, c’est toute la machine qui s’enraye, comme si un petit grain de sable en grippait les rouages.

« Je préfèrerais pas… » dit un jour Bartleby, … et c’est l’éternelle injonction à vivre qui est remise en cause.

Bartleby le Scribe parle de l’altérité, la différence, le refus, l’acceptation, l’incompréhension, la compassion.

Je suis toujours frappé, à l’issu d’une représentation, des interprétations toujours si différentes, qu’il inspire au public. Les uns citent Deleuze, les autres parlent d’autisme, de lutte contre le système, de révolution…

Si nous pensons que chacun est libre de son interprétation, nous avons voulu voir avant tout la rencontre de deux esprits que tout devrait opposer et qui pourtant se cherchent tout au long de la pièce. Oui, l’histoire de ce scribe énigmatique s’achèvera dramatiquement, mais elle aura fait grandir ce personnage du Notaire par qui l’histoire nous est contée.

Je ne sais pas vraiment, au fond, de quoi parle Bartleby le Scribe. Mais je sais ce qu’il provoque en moi : l’émotion et le désir d’aller vers l’autre.

Tout ce que je cherche au théâtre. »

Pierre Imbert
juillet 2023.

EN SCÈNE MONSIEUR GUITRY

« Le succès a été constant pour Sacha Guitry, durant vingt ans, le rendant insupportable aux critiques jaloux, qui lui reprochaient sa prétention, sa mégalomanie, sa misogynie… entre autres.
Mais l’artiste est plus complexe que cela. Notre intention, pour cette création, est de découvrir qui était l’homme. Seul en scène, dans un décor épuré, nous entendons les réflexions de Sacha Guitry, ses passions, ses colères, ses envies…
Au cinéma, on lui reproche de dévoiler les dessous du tournage ? Soit. Pour lui rendre hommage, grâce à une documentation fournie, nous proposons ici de dévoiler les dessous de sa vie privée, en passant une journée dans son intérieur, dans l’intimité de son quotidien.
Afin de révéler la complexité d’un artiste en réalité méconnu, ses contradictions, sa vision du monde, sa philosophie de vie et… son humour. »

Pierre Blain

SPLENDEURS ET MISÈRES

Notre choix : suivre le personnage Lucien de Rubempré présent sur deux romans « Illusions Perdues » et « Splendeurs et Misères des courtisanes ». On retrouvera les rêves d’écrivain de Lucien, sa quête vaine de l’absolu, son âme prête à être vendue à tous les diables qui passent dans n’importe quelle rue de Paris. C’est un sujet si passionnant et bouleversant que je trouve une vraie nécessité à mettre en scène cette histoire. Elle est remplie d’ironie, de critiques acerbes sur le monde de la culture, ainsi que sur un pouvoir masculin et violent qui ne pense qu’au profit et à l’ascension sociale.

LA MORT D’EMPÉDOCLE (Fragments)

La vie et l’œuvre d’un poète ne se laissent limiter ni par l’espace ni par le temps, parce que leurs racines sont ailleurs. Elles ont bien pourtant, une genèse commune : elles se déroulent et se composent sur la terre et dans l’histoire, c’est-à-dire dans leur « actualité » et poursuivent leur existence dans les rapports qu’elles entretiennent avec leur « avenir »- avec le temps de ceux qu’elles interpellent au-delà de la mort.

Parce qu’il sait voir la réalité sous tous ses aspects – la réalité de son temps comme celle au-delà du temps- Hölderlin est allé jusqu’au bout de ses forces pour la saisir dans sa totalité, dans sa plénitude. Confondue avec la vie même, son expérience en a fait éclater les limites et, transmuée en œuvre, elle peut devenir nôtre si nous savons entendre enfin le dialogue de l’Homme et de l’œuvre.

Hölderlin André Alter – Édition Champ Vallon

Extraits de presse

« Bernard Sobel met en jeu, de main de maître, cette épopée philosophique de haut voltage. Sur la vaste scène vide, devant un mur de pierre troué de trois bouches d’ombre , la fable visionnaire se calligraphie en toute clarté, comme obéissant à un secret théorème de géométrie dans l’espace. Entrées et sorties se font souvent par la salle, option démocratique, car tout ici, dans la plus digne austérité formelle, sans aucune bassesse, s’attache avant tout au respect de la vision du poète, sa profonde nécessité et sa rhétorique profuse où se tressent déchirements et enfantements de monde en une sublime cristallisation. Le dire, la profération, soit le souffle d’un type particulier et la gestuelle qu’exige une telle partition, somme toute héroïque, caractérise l’interprétation générale »
Jean-Pierre LéonardiniL’Humanité (Lire plus)

« Bernard Sobel réunit un aréopage de comédiens de très haute vertu dans la salle en pierre du théâtre de l’Epée de Bois. Le jeu, le texte, le sens. Un geste épuré pour une partition exigeante. Sublime ! »
Catherine RobertLa Terrasse
(Lire plus)

« Dans un espace vide sur lequel surgissent les comédiens venus de la salle, depuis le haut des gradins, scène dont les trois portes – voûtes arrondies de pierre – font apparaître la lave lumineuse de l’Etna en fusion, des couleurs rougeoyantes soutenues par la sonorisation des éruptions volcaniques, s’accomplit, préparée, l’atteinte à sa vie, choisie irréversiblement par le thaumaturge. Grand plaisir de théâtre où résonne la force poétique verbale – écho à la conscience existentielle. »
Véronique HotteHottello (Lire plus)

« Ici, avec Sobel, chaque comédien est toujours à son exacte place, là où il doit être. C’est un poème tragique : pas de mouvements, ni de gestes inutiles qui distrairaient notre écoute. Résultat : tous les comédiens, y compris les jeunes élèves de la Thélème Théâtre École (que dirige Julie Brochen), sont formidables. C’est un travail de troupe. Et puis, l’épure est toujours signe de beauté. »
Chantal BoironUbu Apite (Lire plus)

ARTAUD-PASSION

L’histoire est librement inspirée de la rencontre de la jeune Florence Loeb, fille du galeriste Pierre Loeb avec le poète Antonin Artaud après ses neuf années d’internement.

La mise en scène est comme le point de départ d’une création qui puise sa force dans le direct, nourrie de poésie, de mots, d’images, de sons, qui touchent à la façon d’électrochocs. Le spectateur est immergé dans un univers d’expérimentation poétique à la manière d’un rêve qui se vit sans fin, un monde où la folie éclate un temps donné, celui de la représentation.

***

Extraits de presse

Ewa Kraska a construit une mise en scène au diapason de la puissance conjuguée du texte et de ses interprètes. Les deux comédiens sont redoutables pour porter haut et fort cette pensée douloureuse. Incontournable.
www.toutelaculture.com

Pénétré par le poète visionnaire, William Mesguich délivre le texte au vitriol de Patrice Trigano avec une telle vérité que l’on se dit qu’Artaud a trouvé là son double. Il y a là à coup sûr, un brûlot paroxysmique, une violence révolutionnaire salutaire de nature à secouer les indifférences.
www.larevueduspectacle.com

Une pièce qui nous sort de notre zone de confort, une pièce qui dérange, et qu’il faut voir.
www.classiqueenprovence.fr

Une pièce singulière et captivante, finement écrite, habilement mise en vie et magistralement jouée. Un moment illuminé et intelligent, à l’audace nécessaire.
www.spectactif.com

La mise en scène signée Ewa Kraska est formidable de puissance évocatrice : dans l’écrin sublime de la salle du Roi, les projections lumineuses qui envahissent l’espace au son d’une musique électronique nous transportent dans un univers onirique à la fois glaçant et sublime, énigmatique et saisissant.                                                                            https://theatreactu.com

L’ARLÉSIENNE

L’Arlésienne n’est pas seulement le titre d’une des nouvelles des Lettres de mon Moulin d’Alphonse Daudet. C’est aussi celui d’une pièce de théâtre (qui fut accompagnée, à sa création en 1872, d’une musique de scène de Georges Bizet devenue célèbre depuis) merveilleuse de raffinement, de subtilité et d’émotion.

« Daniel Mesguich lit pour nous la pièce en donnant une voix à chacun des personnages (le vieux berger, Balthazar ; le jeune héros, Frederi ; Rose, la mère de Frederi ; mais aussi la timide Vivette ; le frère de Frederi, qui n’est autre que le très clairvoyant idiot du village ; etc.), en prenant également un accent provençal qu’on jurerait vrai. Rien n’est affecté ni grotesque. Là où un mauvais acteur s’égarerait dans une espèce de parodie, il s’agit, au contraire, d’un numéro de comédien d’une virtuosité confondante, ou plutôt, d’une multiple incarnation qui donne une vérité poignante au texte de Daudet. Le fait que Mesguich, en outre, lise les didascalies donne à cette lecture habitée une espèce de réalité vertigineuse. »

Christian Wasselin