Archives pour la catégorie se joue en Juin 2023

ANTIGONE – travail d’atelier amateur

« Je ne veux pas comprendre. C’est bon pour vous. Moi je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir. »

Antigone, figure de la révolte et de la résistance, se dresse seule contre le pouvoir royal, et meurt pour avoir voulu donner une sépulture à son frère Polynice.
Personnage clé de la tragédie antique, elle apparaît chez Eschyle, Sophocle, Euripide, puis se retrouve au fil des siècles sous la plume de Rotrou, Racine, Cocteau, Brecht, Yourcenar… et bien sûr Anouilh, qui lui donne une résonance particulière dans le contexte de la seconde Guerre mondiale :
« L’Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l’ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre».

La mise en scène de Véronique Gargiulo, sobre et épurée, tend à créer cet « espace vide » cher à Peter Brook pour mieux faire entendre le texte, dans sa force directe et sa puissance poétique.

CASSÉ

Une ouvrière licenciée de Prodex, comprenant le licenciement inévitable de son mari de chez Sodecom, trouve dans son désespoir l’énergie folle d’organiser une rocambolesque supercherie…
Quiproquos, rebondissements, personnages hauts en couleur, Cassé est un vaudeville noir hilarant et impitoyable.

« Rémi De Vos est un des auteurs, si ce n’est l’auteur, qui a le plus travaillé la question du travail. Nous avons d’ailleurs assisté lors du festival d’Avignon 2019 à une rencontre sur cette thématique à l’occasion de laquelle plusieurs de ses pièces ont été lues. Nous réfléchissions alors déjà à un travail autour de l’œuvre de Rémi De Vos dans le traitement de sa thématique du travail. »
Anne-Sophie Pathé – codirectrice artistique de la compagnie

L’idée de créer un dyptique sur le travail autour des pièces Débrayage et Cassé de Rémi de Vos est née.

Débrayage est créé lors du festival Off d’Avignon 2022.
https://www.libredesprit.net/creations/debrayage/

« Ces problématiques me plongent dans mon passé personnel. La question du flux des réfugiés fait écho à mes origines, étant moi-même kosovar arrivé en France en 1991 alors que je ne parlais pas un mot de français… Mon emploi chez Citroën, où j’ai alors travaillé à la chaîne de jour comme de nuit, me rendent familières les usines qui ont déserté le Pas-de-Calais dans les années 90, laissant la population comme orpheline. Ma sensibilité propre à la question du travail et sa résonance permanente lorsque nous sommes en résidence à Gravelines ou Noeux-les-Mines au plus près des populations associées à la rencontre avec Rémi De Vos, qui a bien connu lui aussi la perversité des entreprises en enchaînant les petits boulots, et son œuvre autour de cette question m’ont conduit tout naturellement à un diptyque sur le travail autour des pièces Débrayage et Cassé. Ces deux pièces, dont le format diffère, sont complémentaires et permettent d’aborder en profondeur la complexité de cette problématique fondamentale. Dans les deux, on rencontre une galerie de personnages témoignant de l’universalité de la question. Les ravages du travail touchent tout le monde, avec des problématiques propres : jeunes, vieux, riches, pauvres… chômeurs mais aussi travailleurs… L’humour décapant de Rémi De Vos et son sens aiguisé de l’absurde permettent de prendre de la distance et de détacher de ses idées reçues pour ouvrir de nouvelles pistes de réflexion… »
Nikson Pitaqaj – metteur en scène des pièces Débrayage et Cassé

Cassé ouvre le débat sur les thématiques du travail, plutôt les ravages de la perte du travail. Si le travail peut être source d’épanouissement, il peut pareillement détruire individus et sociétés.
Suite aux déclarations récentes de la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher qui associe l’industrie à la magie, les voix des ouvriers s’élèvent pour dénoncer les cadences infernales, la surveillance suspicieuse et infantilisante, les conséquences lourdes sur la santé physique et psychique et leur espérance de vie inférieure de six à sept ans à celle des cadres…
Cassé, son humour impitoyable, l’absurde des situations et la légèreté du jeu des comédiens, permet de prendre de la hauteur face à une réalité qui nous fait perdre nos repères jusqu’à notre dignité et alerte notre vigilance mieux que de longs discours.
Après de nombreux mois où la Culture, taxée de « non essentielle », a été mise à l’arrêt, il est urgent qu’elle reprenne sa place au cœur de la Cité pour s’emparer des préoccupations partagées ici et maintenant. Loin d’une image de la Culture inaccessible qui témoignerait du fossé creusé entre une élite et le quotidien de millions de travailleuses et travailleurs en France, la compagnie Libre d’Esprit, avec Cassé, fait le choix d’un théâtre populaire et exigeant qui interpelle tout en profondeur, humour et finesse sans tomber dans un manichéisme simpliste.

BABYLONE

Sur une chaise, habillé de son ancien costard, nous rencontrons Valmont, un ex-employé promu manager au moment où son entreprise se lance dans une vaste opération de réduction de personnel. Cette opération ne prévoyait pas de licenciements, mais préconisait plutôt un encouragement au départ par l’organisation d’une campagne de harcèlement moral à grande échelle à l’encontre des salariés supprimables. Valmont a été l’un des managers de l’entreprise chargés par la direction des ressources humaines d’exécuter cette campagne de harcèlement dans le cadre de son équipe.

Valmont, sur sa chaise, s’adresse à une avocate. Il aurait découpé une femme en morceaux, et il revient sur les quelques semaines où il a été chef d’équipe et qui ont précédé ce crime.

Son récit nous plonge dans la folie managériale d’un monde du travail en entreprise où tout paraît possible et, dans cet univers presque fantastique où l’humain n’entrave jamais les rêves les plus fous des aventures économiques, Valmont, le petit chef inspiré, l’admirateur d’Alexandre le Grand – guide de sa vie – finit par perdre pied, et nous avec lui.

Le procès France Télécom en 2019 – qui s’est soldé par une condamnation purement symbolique – est sans doute l’un des événements déclencheurs de l’écriture de Babylone. L’autre a été le harcèlement moral subi par une personne de notre entourage chez un prestataire de Renault, advenu au moment même où se tenait ce procès.

Avec Babylone, nous n’avons pas souhaité incarner une victime directe de ce harcèlement institué, ni un bourreau complètement cynique des ressources humaines. Nous avons voulu imaginer un petit manager, rouage essentiel de la machine, bourreau (car ce mot lui correspond mieux qu’au PDG ou au responsable RH) mais victime aussi, d’une certaine manière et à son insu, de cette machine. L’engrenage des événements qui articulent son récit tournera forcément au cauchemar ; à aucun moment pourtant ce petit manager ne renoncera à la logique implacable de son discours – performatif de par la nature même de son métier – car, comme il le dit lui-même, il tient par-dessus tout à ce qu’on comprenne qu’il est, avant toute chose, un homme « raisonnable ».

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Extraits de  l’article de Nicolas Thevenot dans le site Un fauteuil pour l’orchestre, http://unfauteuilpourlorchestre.com/babylone-texte-et-interpretation-de-maurici-macian-colet-mise-en-scene-max-millet-au-theatre-le-colombier-a-bagnolet/

« Babylone nous apparait comme une toile du Caravage, Maurici Macian-Colet en est l’ange déchu. Comme chez le célèbre peintre, la foi, le miracle ou la chute, ont leur poids de chair, leur lot de regards aux abois. Le tragique est stupéfait du passage de l’instant.
Clair-obscur de notre époque. Maurici Macian-Colet écrit sa pièce furieuse et folle en partant d’une matière bien réelle : les stratégies de harcèlement que certaines entreprises, sanctionnées depuis par la justice, échafaudèrent pour pousser au départ une partie de leurs employés sans avoir à les licencier, générant des vagues de suicides sans précédent. »
« Par cette magistrale réécriture d’un phénomène social, par ce dépaysement de la langue du crime vers une autre langue, classique et luxuriante à la fois, fécondée par les poètes qui l’ont précédé, Babylone, mis en scène efficacement par Max Millet et interprété avec virtuosité par Maurici Macian-Colet porte le fer dans le fondement même du monde de l’entreprise : dans l’ordre de son discours ! »

LETTRES À UN JEUNE POÈTE

Un parcours aux sources de la création.

En conseillant un jeune poète en 1903, Rainer-Maria Rilke a écrit un monument de philosophie, un manuel spirituel qui peut nous guider, nous aussi, sur le chemin de la création et de l’existence.

L’immense poète que deviendra Rilke n’a que 28 ans quand il commence à répondre à Franz Kappus, 20 ans, poète en herbe et cadet à l’école militaire que Rilke avait désertée quelques années plus tôt. Rilke lui enverra dix lettres en cinq ans depuis Paris où il est secrétaire de Rodin, la Suède, Rome, les alentours de Brême, où il ne cesse d’écrire. Dix petits traités de philosophie pratique, dix méditations sur la solitude, l’amour, la création, l’existence.

Un manuel de vie accessible dans lequel chacun, de l’étudiant au plus sage, trouvera un terreau riche et nourricier pour fertiliser ou éclairer sa pensée.

L’OPÉRA DE QUAT’SOUS

Brecht et Weill nous plongent dans les bas-fonds de Londres, où tous les coups sont permis par-delà toute morale, par-delà bien et mal. Les personnages sont immoraux, pourtant on les envie. Sans foi ni loi – en tout cas, en apparence – ils nous happent, nous attrapent, nous fascinent. On devrait avoir pitié mais on devient cruels. Irrésistiblement attirés par le mal, vivant en toute impunité, refusant le bien-pensant et le politiquement correct, on savoure sans honte. Parce que finalement, qu’est-ce qu’on a à craindre ? C’est de la fiction. C’est l’opéra. C’est le théâtre. C’est « irréel », dit Brecht.

LE GRAND INQUISITEUR

Dans l’Espagne de l’Inquisition ou dans la Russie des pogroms et du goulag, Dostoïevski nous rappelle qu’à partir d’une saine croyance, tout homme peut sombrer dans le délire.

Ainsi des inquisiteurs, comme de tous ceux qui, poussant leur doctrine à l’extrême, tombent dans l’abîme du fanatisme et de la destruction de l’Homme.

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