A travers la présence d’une figure oscillant entre le matador (figure emblématique du jeu avec la mort, celui qui la frôle, la provoque) et un pierrot lunaire (allégorie de la poésie et du sourire /rire du clown blanc, nécessaires pour rendre supportables les douleurs de nos vies), une transformation du costume tout au long du voyage poétique, une cape rouge, une chaise et un prie-Dieu, grâce aussi à la musique Flamenco, des figures graphiques et des images en mouvement qui évolueront et feront entendre ou voir des textes en espagnol et / ou en français, je dirai les poèmes: Murió al amanecer / Il mourut à l’aube; El niño loco / L’enfant fou; Soneto/ Sonnet; Romance sonámbulo / romance somnambule; Muerto de Amor / Mort d’Amour ; Thamar y Amnón / Thamar et Amnon; Soledad / Solitude; Casidas de las Palomas Oscuras / Casida des colombes obscures; Llanto por Ignacio Sanchez Mejias (I- La cogida y la muerte, Il- La sangre derramada, III- Cuerpo presente, IV- Alma ausente) / Champs funèbres pour Ignacio Sanchez Mejias (I- La blessure et la mort, Il- Le sang répandu, III- Corps présent, IV- Âme absente); Soneto / Sonnet de la douce plainte.
Tous ces poèmes conduisent à réaliser la violence du monde, de la trahison et des dures sanctions implacables de la vie mais avec une déroutante intensité de couleurs et d’émotions comme une immense ironie.“Ces cris sans détours. Ces tremblements de pudeur, de crève-cœur et d’angoisse, c’est l’eau fraîche et noire de la Peine andalouse dont parle Lorca et qu’il a recueillie très tôt, à la source pour nous la partager”, comme l’écrit le traducteur Yves Véquaud dans “La peine de vivre”
Même si Lorca part de l’univers des gitans, célébrant ainsi les pasteurs, les nomades qui jouissent de l’instant et qui profitent des dons de la terre, il parle aussi bien à ceux qui sont plus proches de Caïn que d’Abel car en tout homme se cache une danse permanente avec la mort comme pour le Torero Sanchez Mejias et parce que ses poèmes “conservent la braise, le sang et l’alphabet de la vérité andalouse et universelle”, comme l’a écrit un journaliste.
En effet, Lorca utilise “des mots simples” en “un certain ordre assemblés” pour décrire, décrypter, traduire ou évoquer le grand mystère de la vie, la joie et la souffrance des hommes, tous différents, tous pareils, et qui s’appellent tous Adam. Son vocabulaire est semblable à celui des Paraboles : le jour, la nuit, le soleil, la lune, l’ombre et la lumière, l’amour et la mort, le marbre ou l’olivier. Et puis l’oeillet qui est son lys des champs. Des mots dont le lecteur connaît bien la musique. Comme ajoute le poète Jorge Guillen, “sa clarté est envahissante.” Lorca, même s’il prend des libertés, rend souvent hommage au peuple de Grenade et inscrit souvent sa poésie dans une tradition poétique et musicale andalouse : un retour aux sources et à la présence arabe, gitane et juive. Un « romancero » (genre appartenant à la tradition poétique espagnole) est consacré aux gitans, comme pour réconcilier les deux mondes. Avec toutes les formes se référant au « Cante », la musique et le chant deviennent deux éléments constitutifs du poème lorquien.