Archives pour la catégorie se joue en Novembre 2023

CAUSERIE AVEC LACLOS

Dans cette causerie, la conscience de Valmont est examinée par celui qui l’a fait naître : Laclos.
Ce dialogue au Purgatoire a pour enjeu le salut et du maître et de sa créature.
En ayant fait de Valmont un « prédateur sexuel », Laclos relève la corruption des aristocrates de son siècle.
Il est à la fois celui qui en fait état et celui par qui le scandale arrive.
Pour avoir écrit Les liaisons dangereuses, ses dettes lui seront-elles remises ?
Comment le libertinage de Valmont pourra-t-il être réparé ?

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D’après Georges Banu, Travail théâtral, hiver 1977 :
« (Valmont)… se présente aux spectateurs dans une attente immobile, où l’on peut voir des souvenirs lointains du Purgatoire. C’est là que se trouvent les « négligents » selon l’appellation de Dante, ceux qui ont vécu sans but, ni direction. Incapable de cristalliser le vice ou la vertu, ils ont erré jusqu’au dernier moment, celui de la presque invocation du pardon. Grâce à celle-ci, ni damnés, ni élus, ils ont accès à cette frange de la topographie céleste où l’attente s’installe comme régime général. »
C’est donc d’après les chants VII et VIII du Purgatoire de Dante, dans la Divine Comédie, qu’est venue l’idée de Causerie avec Laclos.
Le texte se présente comme un poème en prose centré sur un dialogue entre Valmont et Laclos.
La dialectique entre le personnage et son auteur permet une réflexion méta-théâtrale nourrie des Liaisons dangereuses.

RUY BLAS

Don Salluste, ministre du roi d’Espagne, vient de tomber en disgrâce et d’être exilé par ordre de la jeune reine. Il jure de se venger et songe un moment à se servir dans ce but de son cousin, don César de Bazan, homme perdu de débauches ; mais celui-ci, apprenant qu’il s’agit de tendre un piège à une femme, se récrie et refuse avec fierté.

À défaut de son cousin, Salluste se servira de Ruy Blas, son laquais, ancien camarade de don César. Une conversation qu’il a écoutée entre ces deux amis lui fait surprendre un secret qui suffira pour ourdir la trame infâme qui doit perdre son ennemie, Ruy Blas vient d’avouer à don César, chose inouïe, qu’il est amoureux de la reine. Le plan de Salluste est dès lors tout tracé. Il fait quitter à Ruy Blas sa livrée, le revêt du costume de grand d’Espagne et l’introduit auprès des seigneurs de la cour sous le nom de don César dont il a châtié la hardiesse par l’exil. Le laquais, qui s’est laissé faire, s’engage en retour, par un billet, à servir son maître en toute occasion comme un bon domestique ; puis le ministre se borne, en s’éloignant, à donner au nouveau seigneur, qui ne comprend rien aux intentions de son maître, un seul ordre: plaire à la reine et s’en faire aimer.

Les voeux de Salluste ne tardent pas à se réaliser. Les circonstances favorisent la fortune de Ruy Blas ; la reine l’élève aux plus hautes dignités et en fait son ministre d’État.

Cette élévation rapide excite l’étonnement et la jalousie des conseillers du roi ; Ruy Blas les surprend en séance dans la salle du gouvernement, se partageant les revenus du royaume. Tout à coup, il s’avance et flétrit leur cupidité ; puis, songeant à la grandeur passée et à la décadence actuelle de l’Espagne, il interpelle dans un monologue célèbre Charles Quint dans sa tombe. Au moment où les conseillers foudroyés se retirent, la colère dans le coeur, une tapisserie se soulève et la reine apparaît rayonnante ; elle a tout entendu du cabinet obscur qui communique à ses appartements et elle félicite son courageux ministre. Mais pendant qu’elle s’éloigne, laissant Ruy Blas ivre d’extase et de bonheur, un homme, vêtu d’une livrée, est entré par la porte du fond et vient brusquement lui poser la main sur l’épaule ; c’est don Salluste. Après avoir rappelé à Ruy Blas ses anciennes fonctions, il lui ordonne d’aller l’attendre le lendemain dans sa petite maison avec carrosse attelé ; le ministre, qui soupçonne un piège contre la reine, se débat et refuse ; mais Salluste le menace de tout découvrir et lui rappelle la promesse qu’il lui a faite autrefois de lui obéir aveuglément. Ruy Blas, humilié, brisé d’émotion s’incline et promet.

Il songe avec accablement à son élévation et à sa chute prochaine, mais surtout aux dangers que court la reine. Pour éviter les pièges, il lui a fait dire de ne sortir du palais sous aucun prétexte ; mais le message n’a pas été rempli ; au contraire, don Salluste a fait parvenir à la reine un billet par lequel le ministre, menacé d’un grand danger, l’appelle à son secours. La reine n’hésite pas, et, au risque de se compromettre, se rend seule, de nuit, dans la maison de Ruy Blas. À sa vue, le ministre, épouvanté, la supplie de fuir ; elle s’y refuse et montre la lettre. L’odieuse trame est découverte ; le monstre qui s’était caché apparaît lui-même; sa vengeance est complète : il apprend à la reine que le ministre qui a sa confiance n’est qu’un laquais et la menace de dévoiler cette entrevue nocturne qui doit la perdre à jamais. Après un vif échange, Ruy Blas, qui s’était contenu avec peine, se précipite sur don Salluste, lui arrache son épée et la lui plonge dans le coeur ; puis, ne pouvant survivre à son déshonneur, il avale une fiole de poison et meurt sous les yeux mêmes de la reine, après avoir obtenu son pardon.

[D. Bonnefon, Les écrivains modernes de la France]

LES LIAISONS DANGEREUSES

La marquise de Merteuil est très prisée. Elle est à la fois éminence grise et confidente. Il s’avère que, dans la coulisse, sa petite société a d’autres buts que seulement recevoir le grand monde. En effet, par un jeu de lettres, la marquise s’apprête à déshonorer sa pupille, Cécile de Volanges, grâce à son allié de toujours, le vicomte de Valmont. Le pacte passé entre les deux est scellé par le libertinage : en échange de la vertu de sa pupille, Merteuil promet de se donner à nouveau à son ancien amant.
Le plan de la prédatrice aurait pu réussir si la présidente de Tourvel n’était pas entrée dans l’équation. En effet, cette dernière, mue par la passion religieuse et des principes stricts, se refuse à la conquête ordonnée par Merteuil. Valmont, athée au dernier degré, va sentir basculer un point de son être : Tourvel lui fera prendre conscience de sa vacuité et l’éveillera à autre chose que le donjuanisme. De fait, Merteuil sera confrontée à la victoire du sentiment sur son instinct dominateur. Bien qu’elle soit quand même payée en retour par l’élimination de Cécile de Volanges, son ancien amant périra par le fer.
À force de vouloir « venger son sexe », elle ne sera plus maitresse du jeu, et son pouvoir passé la contraindra à être répudiée par toute la cour.

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La presse en parle

« Le dramaturge et metteur en scène, se servant des nombreuses thématiques présentes dans le roman, met en abyme le jeu des relations humaines, toujours aussi présentes aujourd’hui, où, par exemple, au moment où l’emprise manifeste qu’exerce la marquise de Merteuil sur les êtres qui l’entourent s’effrite et disparaît, seul l’orgueil qui la définit intrinsèquement lui permet de faire face. Beau travail d’écriture et belles incarnations à découvrir sur scène ! »
Fabrice Brunaud, Directeur du conservatoire à rayonnement régional de Rueil Malmaison

LES FLEURS DU TEMPLE

LES FLEURS DU TEMPLE
Un conte indien

La Pièce

Un prêtre brahmane mène une vie paisible, entièrement vouée à son temple et au Lingam, symbole du dieu Shiva et de l’énergie masculine.
Sa furtive rencontre avec Ranganayaki, courtisan d’une extrême beauté, vient soudainement bouleverser les conventions de son existence d’homme pieux, de mari fidèle et de sujet dévoué à son roi.
Confondu, il implore Shiva de lui venir en aide.
A travers l’adaptation de ce conte en un monologue dramatique, Girish Karnad, un des plus grands auteurs du théâtre indien contemporain, attire l’attention sur des sujets qui lui tiennent à cœur : l’hypocrisie des conventions, le conservatisme, le fanatisme religieux, qu’il combat tous.
Mais c’est aussi, et surtout, à mes yeux, un texte érotique sur le questionnement philosophique du désir et de la sagesse et les conflits intérieurs auxquels les êtres humains peuvent être confrontés.
Le péché même pour ceux qui n’ont pas la foi, est d’aller à l’encontre de sa propre conscience.
La vérité ne se résume pas dans la révélation divine mais le chemin que chacun parcourt dans sa propre conscience pour la découvrir et être en harmonie avec elle.

Cette pièce est  jouée et chantée par Asil Rais qui est aussi  le metteur en scène.

Asil Raïs

L’AVARE

Dans cette comédie, Harpagon impose à ses enfants et ses servant·e·s une austérité qui tourne au cauchemar. Il brime sa maison, rechigne sur chaque dépense jusqu’à plonger chacun·e dans un profond désarroi. Son avarice semble sans limite : il prive ses enfants des ressources indispensables à leur épanouissement, le cuisinier des moyens nécessaires pour nourrir la maison, les servant·e·s de leurs étrennes et les chevaux de leur foin…

Harpagon redoute ce que chacun·e peut lui coûter. Il cherche à marier sa fille sans devoir en payer la dot, s’adjoint les services d’une entremetteuse et d’un commissaire sans vouloir en payer les honoraires… Il lui est impossible de donner de l’argent sans avoir le sentiment qu’il se saigne, qu’il se vide de l’essentiel. Il veille sur ses économies comme sur sa vie, jour et nuit, redoutant que le moindre bruit annonce l’arrivée d’un voleur, suspectant son entourage jusqu’à ses propres enfants.

Il enterre et déterre mille fois par jour une cassette remplie d’écus, objet transitionnel, tentative désespérée de conjurer la mort. Persuadé que son or est un refuge au monde des vivants, il thésaurise. Harpagon est avare, certes, mais c’est pour lui une question de survie.

L’Avare est une pièce sur la mort, la jeunesse et l’argent. Molière y dépeint avec précisions, dérisions, excès, toute la folie d’un homme gagné par l’avarice. Cette comédie est une fable sociale sur l’ordre patriarcal, qui dénonce sa cruauté et la place réservée à la jeunesse.

LA PAIX PERPÉTUELLE

« Odin‚ Emmanuel et John-John sont les trois chiens finalistes du concours d’intégration à la prestigieuse unité antiterroriste K7. Il reste trois épreuves et un seul « collier blanc » à la clef. Selon Odin‚ les perdants seront « transformés en saucisses »‚ autant dire que l’atmosphère est tendue […       ]. Trois chiens‚ trois personnalités qui nous ressemblent. Sommes-nous meilleurs qu’eux ? À vous de juger ! »
Présentation des éditions Les Solitaires Intempestifs

Le lieu : un huis clos, sorte de rectangle vide, hangar sans ouverture et coupé du monde, vaste conteneur dont l’éclairage proviendrait dont ne sait où. Il y a de soudaines interventions de la musique.

La brutalité, la violence des personnages n’évacuent pas l’humour. Et l’humour n’évacue pas la brutalité et la violence. Et l’émotion.

Ces chiens trop humains sont-ils des mercenaires, des légionnaires de choc, des sous-prolétaires réquisitionnés et dressés pour être envoyés au feu moyennant finance ?

Qui a raison des trois chiens ? Odin, le rottweiler, lui le véritable mercenaire, rusé, revenu de tout, rejetant toute idéologie et toute morale et qui se vend au plus offrant ? John-John, le plus jeune, croisé entre plusieurs races, sorti frais émoulu – et passablement perturbé ! – de la meilleure école de combat et qui se veut résolument fidèle à l’homme ? Emmanuel, le berger allemand, en questionnement sur cette violence, humaniste, éduqué par une jeune maîtresse qui suivait des cours de philosophie ? Ou Cassius, le vieux labrador esquinté qui dirige le concours, figure héroïque et guerrière de l’anti-terrorisme ? Ne serait-ce pas en définitive L’Humain qui cherche le bon équilibre entre la violence de la raison d’Etat et la préservation de la démocratie ?

 Chacun à sa manière a ses raisons.

Aujourd’hui, en contraste avec la précédente pièce de Mayorga, Le Cartographe (ample pièce grave autour du ghetto de Varsovie), montée par la compagnie en 2021 au Théâtre de L’Opprimé, Hervé Petit, accompagné d’une partie de la même équipe,  a choisi cette allégorie animalière bouffonne et grave, profonde et légère. Un élément dramatique commun cependant  aux deux pièces l’a retenu particulièrement : la révélation d’un fait tragique  intime dans le cours de chacun des deux récits dramatiques, historique et politique dans Le Cartographe, contemporain, drolatique et d’actualité dans La Paix perpétuelle. Nous n’en dirons pas plus.

Juan Mayorga est né en 1965. Docteur en philosophie‚ professeur de dramaturgie à l’École royale supérieure d’art dramatique de Madrid‚ il est aujourd’hui l’un des auteurs espagnols les plus importants de sa génération. Il est auteur également d’essais sur la politique et sur le rapport de l’écriture dramatique à lʼHistoire. Ce questionnement se retrouve dans la trentaine de pièces qu’il a écrites à ce jour et qui ont quasiment toutes été mises en scène‚ publiées et traduites en plusieurs langues.

C’est un barcelonais, Josep M. Benet i Jornet, grande figure du théâtre catalan contemporain, et dont la cie a monté précédemment quatre de ses pièces traduites du catalan, qui a fait connaître à Hervé Petit le madrilène Juan Mayorga.  Josep –Papitu comme on l’appelait dans son pays- nous a quittés récemment. Qu’il lui soit ici rendu hommage.

CRÉANCIERS

Eté 1888, Strindberg et sa femme Siri von Essen, louent des chambres pour leurs vacances au Danemark dans un château appartenant à une comtesse. Celle-ci a confié la gestion du domaine à un jeune et beau bohémien. De cette simple anecdote va découler deux œuvres majeures de Strindberg : Mademoiselle Julie et Créanciers. En effet, c’est là, dans cette ambiance particulière que Strindberg va écrire Créanciers d’une traite, en seulement quinze jours. Un véritable thriller psychologique dans une écriture qu’il définira « d’automatique », quasiment sans y apporter de correction.

Fou de jalousie, en plein tourment amoureux, il est convaincu que sa femme le trompe avec ce bohémien. Il va alors régler ses comptes, extérioriser toute sa jalousie et sa souffrance dans le texte de cette pièce. Plus rien ne va dans son couple. C’est donc l’art qui devra le sauver ! Dans Créanciers, il est question d’une ronde amoureuse et destructrice entre trois êtres : deux hommes (Gustav et Adolph) et une femme (Tekla) au centre des deux. Le personnage féminin ne vibre que dans ses désirs, c’est ce qui la rend de loin la plus lumineuse des trois. Une « Marylin » qui connaîtra aussi son heure tragique à la fin.

Il s’agit bien de restituer au plus vif le rapport de force et de destruction que nous présente la pièce de Strindberg. Le centre, c’est cette lutte amoureuse menée par ces trois solitudes, chacun deviendra à tour de rôle le créancier de l’autre mais tous perdront finalement la partie. Tous trois pris au piège des rapports fusionnels où passion et haine seront les deux faces d’une même médaille.

ISLANDE ENTRE CIEL ET TEXTE

Islande entre Ciel et Texte est une immersion dans la fascinante littérature islandaise. 4 lectures-spectacles mis en musique interprétées sur scène, nous proposent de s’embarquer pendant une cinquantaine de minutes dans l’univers si particulier de Entre Ciel et terre de Jón Kalman Stefánsson pour une première lecture- spectacle, de Karitas – l’Esquisse d’un rêve de Kristín Marja Baldursdóttir pour une seconde, Le moindre des mondes de Sjón pour une troisième et dans La Géante dans une barque de pierre – Contes Islandais soit dans leur version adulte ou leur version jeune public pour la quatrième.

Chaque lecture-spectacle est dotée d’une scénographie simple mais suggestive, d’éclairages spécifiques favorisant un climat d’intimité et d’écoute et d’une musique originale composée et interprétée sur scène par Christine Kotschi. A cette musicalité répond celle des mots lus par Bénédicte Jacquard. C’est à ces univers sonores nés de récits qui bien qu’écrits par des contemporains puisent tous leur histoire dans l’Islande de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle. Récits épiques – les sagas ne sont pas loin – où malgré la dureté de la vie en cette période sur cette île au Nord du Nord, des destinées s’inventent.
Ici, comme au concert, on peut fermer les yeux, se laisser aller à ses récits.

Nous donnerons deux lecture-spectacles chaque jour et le cycle intégral sur deux jours consécutifs. La bienvenue à ces 4 rendez-vous.

« Tel un agent de voyages, le metteur en scène Claude Bonin, aussi délicat qu’audacieux, nous convie à un fascinant périple littéraire et musical en Islande. […]. Dans une scénographie volontairement sobre, les paysages sonores de Christine Kotschi, composés avec des instruments traditionnels, ajoutent une force sensorielle à l’interprétation de Bénédicte Jacquard, qui exalte la vie pittoresque et sauvage des gens du « pays de glace ». »
Thierry Voisin – Télérama (lire la suite ici) – le 31/10/22

Entre Ciel et Terre

Karitas

Le moindre des mondes

Contes islandais

DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE

« Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. Je ne veux pas que vous le heurtiez, ni que vous l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse dont on dérobe la base, tomber de son propre poids et se briser. »

« Certes, ainsi que le feu d’une étincelle devient grand et toujours se renforce, et plus il trouve de bois à brûler, plus il en dévore, mais se consume et finit par s’éteindre de lui-même quand on cesse de l’alimenter : pareillement plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus on leur fournit, plus on les gorge ; ils se fortifient d’autant et sont toujours mieux disposés à anéantir et à détruire tout ; mais si on ne leur donne rien, si on ne leur obéit point; sans les combattre, sans les frapper, ils demeurent nus et défaits: semblables à cet arbre qui ne recevant plus de suc et d’aliment à sa racine, n’est bientôt qu’une branche sèche et morte. »

« Souffrir les rapines, les brigandages, les cruautés, non d’une armée, non d’une horde de barbares, contre lesquels chacun devrait défendre sa vie au prix de tout son sang, mais d’un seul ; nommerons-nous cela lâcheté ? » 

« Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! C’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir, puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel. »

« …si l’on voit, non pas cent, non pas mille, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir, ne pas écraser celui qui, sans ménagement aucun, les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves : comment qualifierons – nous cela ? »

« N’est-ce pas honteux, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais ramper, non pas être gouvernés, mais tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants,  ni leur vie même qui soient à eux ? »

« Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. »

Étienne de La Boétie