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OH LES BEAUX JOURS

LES BEAUX JOURS….
Plus le temps passe plus on fait appel au passé pour retrouver l’hypothétique bonheur. Lorsque les instants présents nous semblent dérisoires ou même absurdes, il nous arrive de jeter un regard en arrière en quête d’un possible sens au présent. Mais, hélas, les beaux souvenirs sont toujours accompagnés des mauvais. La vie n’étant qu’une succession de jours et de nuits. Faut-il arriver au seuil de la mort, voulue ou subie, pour faire le bilan des nos beaux jours écoulés ? Voilà la question que le Poète nous poserait avant, pendant et après avoir vu sa pièce.

A. D.-F.
17.05.25

LE MAMELON
Une fois passé le temps des jeux avec les poupées, les marionnettes, les figurines, ceux qui ont le bonheur de rester liés au théâtre, peuvent nourrir le rêve d’achever leurs jours en jouant. Être enterré sous les planches où nous avons vécu tant de beaux jours, trouver notre dernière demeure sous la scène, mêler nos cendres à celles des innombrables personnages qui l’ont habitée, nous élancer du plateau devenu promontoire pour nous envoler vers l’au-delà, voilà notre souhait ultime.

A. D.-F.
23.05.25

CENDRES
L’enfant construit au bord de la mer un château de sable avec la joie et l’espérance qu’il restera sur pied, pour toujours, mais au fond de lui-même il sait que, dans quelques heures, la marée viendra et démolira tout, ne laissant sur la plage que du sable et quelques coquilles vides.
Devenu adulte, l’enfant continue à rêver et bâtit des villes, et même des théâtres, tout en sachant que demain d’autres hommes viendront tout détruire, tout brûler, ne laissant après leur passage que des cendres.
Mais l’homme sait aussi que sous les cendres couve la vie, que demain, une minuscule plante jaillira, faisant renaître un espoir.
Un jour, notre plateau, notre « mamelon », sera détruit et brûlé, la comédienne disparaîtra sous les cendres en se demandant « quel est ce vers merveilleux »…
Mais demain, le théâtre renaîtra, pour mourir à nouveau, et revivre…

A. D.-F.
24.05.25

LE TEXTE TOUJOURS
La passion pour un texte peut nous saisir dès la première lecture.
Au cours des répétitions, nous commençons à deviner pourquoi.
Plus on avance dans le travail, plus on est ébahi devant la beauté que l’auteur nous présente.
Mais il arrive que ce chemin merveilleux débouche tout à coup sur une impasse. Nous restons troublés, sans savoir quoi faire ni où aller. L’angoisse nous envahit alors, le vent du découragement commence à souffler sur la Troupe… c’est alors qu’il faut revenir à la source, c’est-à-dire au texte écrit par l’auteur.
Au bout de longues heures d’effort, il arrive que l’espace blanc qui sépare un mot d’un autre révèle soudain, comme sur un papier photographique, quelque chose de totalement inattendu.
« C’est génial ! », nous exclamons-nous ; mais ce mot peine à exprimer le sentiment d’être dépassés par quelque chose de plus puissant que l’auteur même… Le texte, toujours le texte.

A. D.-F.
30.05.25

*

« Soudain une souris… sur sa petite cuisse… plus haut… plus haut… et Mildred, lâchant Fifille dans son épouvante, se mit à crier ─ (Winnie pousse un cri perçant) ─ et cria et cria ─ (Winnie crie deux fois) cria et cria jusqu’à ce qu’ils accourent tous, dans leurs vêtements de nuit, Papa, Maman, Bibbie et la vieille… Annie, pour voir ce qui n’allait pas, ce que ça pouvait bien être mon Dieu mon Dieu qui n’allait pas. (Un temps.) Trop tard. »

WINNIE,
in Oh les beaux jours, Acte II

LE DOUBLE

« Ô ne croyez pas à l’unité de l’homme » Dostoïevski

Cette adaptation du deuxième ouvrage de Dostoïevski, Le Double, est un projet auquel je pense depuis plus de 20 ans !

Ce qui m’a toujours passionné dans Le Double de Dostoïevski c’est la combinaison du tragique et du comique. Le petit fonctionnaire Goliadkine dans ses magnifiques monologues prête à rire et à pleurer. On a véritablement affaire à un personnage de théâtre, bien vivant, qui exprime son mal être, sa solitude, sa mesquinerie et sa frustration dans une superbe langue, très proche de l’oralité, très bien rendue par le traducteur.

Dostoïevski est aussi un romancier et il ne se prive pas de le montrer par de très belles descriptions sonores et visuelles comme l’orage sur St Pétersbourg qui surprend le pauvre Goliadkine chassé de la fête donnée par le conseiller d’état Olsoufi Bérendéiev. Ce qu’on essaiera de rendre par un film très musical. C’est dans ce déluge d’images et de bruits que Goliadkine, tout près du suicide, rencontre son double .

Fidèle à mes travaux précédents( Fin 2023 – dans ce même théâtre Il est interdit de vieillir) le film va une nouvelle fois DEVENIR UN PARTENAIRE DE JEU . Le cinéma que je mêle depuis toujours au théâtre offre dans cette perspective un double aspect : celui de représenter à la fois le réel et le rêve.
Le monde de Goliadkine est effectivement beaucoup un monde de fantasmes. Godliadkine se construit sa propre réalité et la provoque d’une certaine façon pour après s’en plaindre. Il veut entrer « dans ce film-là » celui de la haute société où sait si bien évoluer son double. Il dénigre la facilité, l’habileté, la duplicité de « l’intrigant » tout en l’enviant car lui ne sait pas s’y prendre.

Sur la scène, le même comédien interprètera Goliadkine et son double.
Ce qui est fascinant (on l’espère pour le spectateur) et exaltant pour le comédien c’est de donner à voir l’invisible. Faire exister par la force du regard, la précision du geste une personne absente. La confrontation entre les deux personnages doit faire illusion. Comment remplir le vide, lui donner vie ? Des questions troublantes et passionnantes pour un comédien et un metteur en scène.
Goliadkine a non seulement un double sur la scène mais aussi un autre à l’écran ! Un double qui pourrait être Dostoïevski lui-même qui s’amuse de son personnage, le commente, le désavoue, le ridiculise et parfois l’étreint comme un frère. Nous sommes tous un peu des « Goliadkine » souffrant de ne pas être reconnus, de ne pas être à notre place.et d’ailleurs Dostoïevski va jusqu’à avouer « je deviens de plus en en plus un Goliadkine »

Sur l’adaptation
L’action principale est la relation entre le petit fonctionnaire et son double ; j’ai ainsi éliminé les diverses lettres échangées et réduit le nombre des protagonistes. Parmi eux, j’ai privilégié Guérassimytch, le vieux serviteur du Conseiller d’État. Il est la figure paternelle qui se penche avec tendresse sur les désarrois du petit fonctionnaire, rêveur, solitaire et tragiquement comique. Il est interprété par Gérard Muller qui enfermé dans son film interpelle un autre enfermé, Monsieur Goliadkine conseiller titulaire de Neuvième rang.
L’autre grande question que soulève l’ouvrage est celle de son ambiguïté. Est-ce un récit fantastique ou une hallucination ? Ce récit a donné lieu à de multiples interprétations contradictoires. C’est un des ouvrages de Dostoïevski les plus commentés.
Dostoïevski lui-même, semble en effet ne pas avoir choisi. J’ai conservé en partie cette ambiguïté .
Et le récit oscille ainsi d’un aspect à l’autre . À vous de choisir .

Henri Gruvman

ÊTRE VIVANT – Paroles des oiseaux de la terre

Au lever du jour, une cabane nomade est arrivée sur le plateau du théâtre et semble s’animer toute seule. Des poules entrent en scène. La clowne Fourmi est juste là pour les accompagner. Elles ont quelque chose d’essentiel à partager avec le public. Fourmi ne sait pas comment cela va se manifester, ni à quel moment. Dans cette attente, Fourmi trouve des espaces de parole pour raconter son histoire et partager avec les poules de surprenants moments de vie et de jeux. Ouvrant un espace sonore drôle, et intriguant, elle dialogue avec elles pour questionner notre monde, tout en questionnant le leur et le regard que nous leur portons. Chaque instant devient précieux. Nous sommes suspendus à ces petits êtres à la présence étonnante sur scène, qui nous touchent, nous surprennent, nous questionnent. Et on ne sait jamais vraiment comment ça va se passer… Fourmi fait le lien entre le monde humain et le monde animal, entre le plateau et le public. Par sa sensibilité, elle témoigne d’un lien d’affection, de leurs chemins respectifs qui se croisent et font écho au monde actuel. Une façon de porter un regard d’égalité, loin des préjugés. Il ne s’agit pas de « dressage », mais de collaboration. Tout est basé sur le plaisir que les poules peuvent éprouver au travers de la relation avec l’humain, et parle jeu. Nous nous adaptons à leurs rythmes et à leurs envies, à leur personnalité. C’est par un lien de confiance mutuelle, et de respect profond tout en privilégiant leur bien-être que nous arrivons à œuvrer ensemble. A partir d’un texte de François Cervantès, et faisant suite à une fructueuse collaboration avec Catherine Germain et Emmanuel Dariès, cette création laisse le « vivant » s’épanouir sur le plateau, avec toutes ses maladresses, ses imperfections, et ses « coups de théâtre », qui convoquent le rire, et l’étonnement de l’enfance.