Archives pour la catégorie actuellement

EN ATTENDANT GODOT

À peine conçus, nous attendons. La naissance nous délivre de cette attente. Alors commence l’attente du devenir. C’est l’époque où une certaine insouciance nous permet de croire que la mort ne viendra pas. Les jours, les heures, les secondes passent et l’attente devient de plus en plus présente jusqu’à l’instant inévitable.
Entre-temps, nous aurons su profiter du peu de temps qui nous aura été imparti.

La troupe de l’Épée de Bois

***

« Que faisons-nous ici, voilà ce qu’il faut se demander. Nous avons la chance de le savoir. Oui, dans cette immense confusion, une seule chose est claire : nous attendons que Godot vienne. »

VLADIMIR, in
En attendant Godot de Samuel Beckett,
Éditions de Minuit.

LES TIGRES SONT PLUS BEAUX À VOIR

L’écriture comme rédemption
Certaines écritures demandent à revenir, ou à venir à notre rencontre, c’est tout l’art de certains auteurs de nous parler de loin, et de nous éveiller à l’essentiel.

Encore une fois je m’attache à une femme qui écrit.
Après L’Homme-Jasmin d’Unica Zürn, après La princesse de Clèves de Madame de Lafayette, Jean Rhys (1890/1979), anglaise, née à la Dominique, ayant vécu à Paris où a commencé sa vie d’écrivain dans les années 20.
Une auteure qui m’a bouleversée jusqu’à garder en mémoire l’impact physique de sa découverte, et à ne céder en rien au désir de partager cette émotion.
Une auteure dont la vie a oscillé entre apparition magistrale et disparition incompréhensible de la scène littéraire, au point qu’on l’a crue morte de son vivant.

Ici pas d’histoires de cour, de grands de ce monde, mais plutôt des portraits de laissés-pour-compte, qui avancent à visage découvert, en dehors de la machine, mais résistants, avides de justice et de liberté. Un parlement des invisibles.

D’un style à la tonalité inoubliable, l’écriture de Jean Rhys nous atteint toujours de manière inattendue, et nous laisse surpris, émerveillés.

En 1970, à l’occasion de la sortie en France de Les Tigres sont plus beaux à voir, Jacques Cabeau, critique littéraire écrit :
«Si trente ans après on redécouvre soudain les complaintes de Jean Rhys, ce n’est pas seulement pour son talent d’écrivain. C’est qu’elle dénonce la difficulté de vivre dans une société de la réussite obligatoire. Dans cette chronique des laissés-pour-compte, elle parle pour tous ceux qui ne sont ni toujours beaux, ni toujours jeunes, ni toujours dynamiques. À une société qui a fait du tigre dans le moteur le symbole de la compétition sauvage, Jean Rhys répond du fond du désastre des années 20, qu’en réalité les tigres sont plus beaux à voir que les hommes.»

De la littérature…
J’ai découvert Jean Rhys par un chemin dont le spectacle témoignera.
Jean Rhys, qui êtes-vous ? Un livre de Christine Jordis. En deuxième partie de ce livre, se trouve une interview de Jean Rhys par un autre auteur, David Plante. Elle est au crépuscule de sa vie, et lui à l’âge de tous les possibles. A l’origine de leurs rendez-vous, un contrat les liait : David Plante venait aider Jean Rhys à mettre de l’ordre dans sa mémoire et ses écrits qui allaient devenir son autobiographie inachevée: Souriez, s’il vous plaît qui paraîtra après sa mort.
Nous ferons la connaissance de Jean, et du jeune homme, au rythme de leur rendez-vous, sorte de fil conducteur, qui nous ramènera au présent.
La matière du spectacle aurait pu s’en tenir à ces rencontres.
Mais comme le théâtre invite à des chemins de traverses, et que je ne pouvais pas nous priver de la découverte de Jean Rhys, par quelques-unes de ses œuvres, où elle transcende magnifiquement sa vie, nous prolongerons la visite en s’aventurant dans ses nouvelles pour être encore plus proche de sa voix.

Entremêler les différents espaces de narration
Passer du présent au passé,
Se laisser porter par la puissance narrative de ces écrits.
Décliner les angles d’entrées,
Guider le spectateur dans ces contrées.
Se laisser envahir par la matière de la vie et de l’œuvre.
Voilà notre visée.

…Au plateau
premiers temps de répétitions
Chacun s’est confronté à l’œuvre. Chacun a commencé à tisser un lien intime avec cette écriture, par des axes différents, suscités par la distribution dans l’adaptation.
Et un coude à coude s’est installé pour porter ensemble cette densité, où présent et passé, fictions et récits autobiographiques s’entremêlent et affluent comme des rafales, des bouffées d’air.
Des ponts nécessaires se sont inventés pour tenir l’avancée, sans éclats, et s’approcher de l’essentiel.

Ce spectacle part de la littérature et se prolonge par la découverte de ce qui ne peut se déployer qu’au plateau, par la magie du théâtre.
C’est une plongée dans les mondes narratifs et un chemin pris en commun vers la densité des éclats de cette œuvre.
Nous n’échapperons pas au trouble.
Il s’agira d’emporter les spectateurs avec nous vers la perception sensible de cette écriture qui va loin, très loin, au bord d’un précipice.
La puissance des fictions et le regard porté vers l’intérieur des âmes nous montrent la voie.
La musique nous accompagnera dans ce voyage que j’espère inédit.

Magali Montoya

LES CARNETS DE HARRY HALLER

La nuit initiatique d’un homme révolté.

Il est des livres qui vous touchent et vous accompagnent. Le Loup des Steppes, dont sont extraits Les Carnets de Harry Haller, est de ceux-là.

Ces carnets, restitués fidèlement, constituent un véritable récit d’apprentissage. Celui d’une libération confiée par un homme à son journal intime. Au fil d’une épopée nocturne mi-réelle mi-fantastique, qui préfigure le reste du roman, nous accompagnons Harry dans son cheminement extérieur, mais surtout intérieur, et assistons à sa libération progressive… Celle de son propre enfermement, de ses habitudes de vie “petite bourgeoise“ qui lui sont devenues insupportables. À quoi bon vivre si c’est pour ne (plus) rien ressentir ! À travers révoltes, souvenirs, sensations, Harry va se reconnecter peu à peu au monde sensible et redécouvrir des moments magiques de la vie. Tout n’est peut-être pas perdu ?

Roman initiatique, Le Loup des Steppes questionne la solitude de l’homme face à l’univers et réinvente, pour nous comme pour Harry, une vie pleine, riche et surprenante. Publié en 1927 et interdit sous le régime nazi, Le Loup des Steppes est redécouvert dans les années 60, 70 où il devient culte pour toute une génération éprise de liberté.

Un texte fort, initiatique et porteur de sens dont nous souhaitions partager l’énergie de vie.

 

Extraits presse

« Frédéric Schmitt officie avec une virtuosité qui laisse pantois et embarque le spectateur dans cette folle équipée nocturne qui ne révèle pas tous ses secrets. Un excellent travail. » Froggy’s DelightMartine Piazzon

« Une densité d’interprétation fascinante où se rejoignent pour notre plus grand plaisir la magie de la littérature et le génie du théâtre. » Politique MagazineMadeleine Gautier

« Une telle agilité ne fait que ramener au principe théâtral d’un homme seul sur une scène vide et à la puissance modulée de sa voix. L’exercice est maîtrisé de bout en bout. » WebthéâtreGilles Costaz

« Le comédien colle à son personnage de schizophrène lumineux. La nuit obscure qu’il traverse dans son désir de liberté, on a l’impression de la voir et de s’y complaire de phrase en phrase. À ne pas manquer. » Théâtrothèque Pierre Bréant

« Une superbe interprétation et une magnifique performance d’acteur qui invite à relire l’œuvre de Hesse. » It Art Bag –  Valérie Baudat

« Un loup des steppes lumineusement incarné. » Le Monde LibertaireEvelyne Trân

« Frédéric Schmitt, avec une remarquable intensité, donne corps au héros. Habité par sa partition, il en donne toutes les facettes et toutes les sonorités et nous laisse entendre la richesse, la beauté et la mélodie d’un texte né sous la plume d’un grand mélomane. »
Artistik RezoPhilippe Escalier

« Une performance littéraire et théâtrale à la mesure du texte de Hermann Hesse. »
Arts Mouvants

« Une superbe interprétation et une vraie performance d’acteur qui nous font rentrer complètement dans l’univers de Hesse. » Fréquence ProtestanteEvelyne Selles

« On écoute et on regarde vraiment tout ce qui se passe dans cette salle et on en ressort conquis. Nous aimerions beaucoup qu’il y ait une suite… » La Parisienne Life

VINCENT VAN GOGH, LA QUÊTE ABSOLUE

Au fil des tableaux qui se succèdent, Van Gogh parle.

Il se raconte dans les lettres qu’il écrit à son frère Théo. A travers elles, il lance son appel, crie sa faim de Dieu, sa soif d’absolu, l’exclusion, la solitude, le désir de créer, et son amour infini, jusqu’à la brisure, jusqu’à la folie, jusqu’à la fin.

La meilleure description du jeu sublime et passionné du comédien reste certainement celle du journal Le Monde :

« Est-ce la ressemblance physique frappante avec son modèle, la passion qui semble l’habiter à chaque réplique… ?« 

En tout cas, une chose est sûre :

« Gérard Rouzier ne se contente pas simplement de jouer un rôle, il EST Vincent jusqu’au bout de sa pipe.« 

L’AVIS DU PUBLIC…

Moment magnifique…un tête à tête avec Van Gogh inespéré. Merci a vous. Quelle vérité ! Quelle pureté! Quelle émotion! Geneviève

Une grande vie servie par un grand interprète; Merci pour ces émotions. J-C R.
Je ne pourrai plus regarder un tableau de Van Gogh comme avant. Alain

L’avez-vous connu ?
Vous semblez l’avoir vécu. Merci de nous permettre de le vivre avec vous… Catherine

Merci pour ce choix et cette sobriété plus éclairante sur l’art, l’artiste et l’œuvre, que tout ce que je connais sur le peintre ne l’a jamais été jusqu’à présent. Catherine

Merci d’avoir remis dans le cœur d’une artiste un peu perdue, un peu de foi et de flammes! Charlotte

PALAIS

Un chœur : musiciennes et musiciens, actrices et acteurs, nous dessinons comme autant d’étoiles échouées sur le théâtre, au hasard et à la grâce des rencontres, une fragile et douce cosmologie.

Poèmes, chansons, paroles perdues…Palais d’un jour.

Tout ça ressemble un peu à une prière. Sans cesse interrompue, puis recousue. Plus ou moins…Quelquefois les enfants commandent le navire.

« …à la lueur de nos palais brûlants… »
Paroles d’Andromaque rappelant à Céphise le saccage de Troie… Et le feu nous en parvient encore, comme d’un foyer de notre mémoire commune.

En suivant les traces laissées par celles et ceux qui ont accepté la vocation d’écrire, à travers les siècles, à travers notre siècle, nous tenterons nous aussi de nous écrire, de nous écrire une histoire.

L’année dernière, j’avais choisi de mêler sur l’affiche les noms des poètes et ceux des interprètes. Les vivants et les morts.

(Rilke, Pessoa, Jon Fosse, Pierre Guyotat, Gertrud Kolmar, Constantin Cavafy, Louise Glück, Ilarie Voronca, Henri Michaux, Antonio Machado, Ahmad Shamlou,Tomas Tranströmer, Jean Racine, Jean-Sebastien Bach, Georges Enesco, Paco Ibanez, Kayhan Kalhor…)

(Avec : Sabianka Bencsik, Marc Berman, Stephen Butel,  Valentine Catzéflis,  Mahdokht Karampour, Matthieu Marie, Elà Nuroglu, Shahriar Sadrolashrafi, Thibault Saint-Louis, Mathilde Schaller, Stéphane Valensi, François Veilhan, Jonas Vitaud et la voix de Jany Gastaldi)

Matthieu Marie

DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE

« Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. Je ne veux pas que vous le heurtiez, ni que vous l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse dont on dérobe la base, tomber de son propre poids et se briser. »

« Certes, ainsi que le feu d’une étincelle devient grand et toujours se renforce, et plus il trouve de bois à brûler, plus il en dévore, mais se consume et finit par s’éteindre de lui-même quand on cesse de l’alimenter : pareillement plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus on leur fournit, plus on les gorge ; ils se fortifient d’autant et sont toujours mieux disposés à anéantir et à détruire tout ; mais si on ne leur donne rien, si on ne leur obéit point; sans les combattre, sans les frapper, ils demeurent nus et défaits: semblables à cet arbre qui ne recevant plus de suc et d’aliment à sa racine, n’est bientôt qu’une branche sèche et morte. »

« Souffrir les rapines, les brigandages, les cruautés, non d’une armée, non d’une horde de barbares, contre lesquels chacun devrait défendre sa vie au prix de tout son sang, mais d’un seul ; nommerons-nous cela lâcheté ? » 

« Chose vraiment surprenante (et pourtant si commune, qu’il faut plutôt en gémir que s’en étonner) ! C’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir, puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel. »

« …si l’on voit, non pas cent, non pas mille, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir, ne pas écraser celui qui, sans ménagement aucun, les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves : comment qualifierons – nous cela ? »

« N’est-ce pas honteux, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais ramper, non pas être gouvernés, mais tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants,  ni leur vie même qui soient à eux ? »

« Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. »

Étienne de La Boétie