Un des principaux aspects de l’écriture de Copi, et notamment de La tour de La Défense, c’est cette manière qu’elle a d’en faire trop, de dépasser toutes les bornes, de pousser dans leurs retranchements les acteurs et les limites de la machine théâtrale.
Dans la pièce, les évènements se succèdent, et tous sont plus fous les uns que les autres : un serpent remonte les canalisations, une mouette rentre par la baie vitrée, un hélicoptère s’écrase sur la tour d’en face… l’écriture semble toujours vouloir en rajouter une couche, elle déborde d’idées. Pourtant, on y lit quelque chose de mélancolique ; comme si elle s’acharnait en vain, tentait par tous les moyens de rendre sa force à une vie qui, depuis longtemps, a perdu toute sa consistance.
Les personnages, par leurs réactions, racontent ce rapport étrange aux évènements, traversés avec une intensité sincère, mais ne laissant aucune trace, comme oubliés aussitôt après avoir été vécus. Pendant la quasi-totalité de la pièce, aucun de Jean, Luc, Micheline, Daphnée ou Ahmed n’est véritablement marqué par ce qu’il vient de traverser ; tous semblent guidés par leurs seuls instincts, dans une naïveté qui n’est pas sans rappeler celle de l’enfance, comme un grand jeu auquel ils seraient en train de prendre part, et dans lequel ils passeraient indifféremment d’un état à un autre.
Côté public on s’amuse, mais à peine a-t-on le temps de rire qu’un autre événement survient, et puis un autre, puis encore un, et qu’on se retrouve alors, peu à peu, plongé dans cet état étrange, à mi-chemin entre l’ivresse et l’asphyxie, si caractéristique de l’univers de Copi.
Lewis Janier-Dubry