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PARADOXE SUR LE COMÉDIEN

Très lié dans sa jeunesse au monde du théâtre, Diderot, dans un dialogue où se mêlent la passion, l’humour et la réflexion de l’encyclopédiste, pose une question essentielle et toujours irrésolue : qu’est-ce que l’acteur ? Nous avons voulu tout d’abord mettre à l’épreuve les principes du philosophe, les confronter à notre pratique quotidienne de la scène, pour finalement n’en conserver qu’une réflexion généreuse et passionnante sur notre métier.

Nous ne prétendons ni respecter à la lettre une tradition du XVIIIe siècle, ni moderniser une théorie que Diderot lui-même ne voulait pas dogmatique. Nous nous proposons de partager avec le public cette lecture qui peut encore, avec ses limites, interroger, stimuler, faire vivre des comédiens.

L’IMPROMPTU DE VERSAILLES

Une pièce de combat

L’Impromptu de Versailles prend place dans une longue et pénible lutte qui commence en 1662 avec L’École des Femmes et qui ne verra son aboutissement qu’en 1669, lorsque les représentations de Tartuffe seront enfin autorisées.
Le succès de L’École des Femmes auprès du public fait passer Molière du statut de farceur à celui d’auteur dramatique et le désigne aux intrigues de ses rivaux jaloux, tandis que la nouveauté d’une pièce qui remet en question certaines valeurs morales et sociales traditionnellement admises l’expose très vite aux cabales des dévots, sous des accusations qui vont de l’obscénité au blasphème.
En réponse aux attaques et aux polémiques, Molière donne en juin 1663 La Critique de l’Ecole des Femmes, pièce de combat qui s’inscrit dans une querelle déjà bien alimentée de libelles, pamphlets et pièces contre Molière. Peu de temps après, le roi lui accorde une gratification de mille livres ; les attaques et les jalousies continuent de s’enflammer, et un jeune et obscur auteur, Edme Boursault, qui sert probablement de paravent à d’autres écrivains plus en vue, fait jouer Le Portrait du Peintre par les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne.
En octobre 1663, une dizaine de jours, dit-on, après avoir vu Le Portrait du Peintre, et vraisemblablement encouragé par le roi, Molière donne avec sa troupe L’Impromptu de Versailles. Cette fois, il ne s’agit plus de personnages ressemblants ou caricaturaux, mais des comédiens eux-mêmes en plein travail.
Molière annonce dans cette pièce qu’après ce règlement de comptes, il en restera là, sans perdre davantage de temps ni galvauder son talent pour des choses qui n’en valent pas la peine. Ses adversaires cependant redoublent de rage, sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne avec des pièces où ils s’efforcent de ridiculiser Molière, Molière comédien, mais aussi Molière homme privé. Hors scène, le comédien Montfleury ira jusqu’à adresser au roi une dénonciation calomnieuse, visant à accuser Molière d’inceste. Le roi y répondra en acceptant d’être le parrain du premier fils de Molière en février 1664.