Archives pour la catégorie se joue en Avril 2023

POUR LE MOMENT

Ce projet est né suite à la rencontre de 3 comédiennes originaires d’Amérique Latine immigrées volontairement en France : Gabriela Aranguiz (chilienne), Johanna Rua (argentine) et Leticia Casanova (uruguayenne). Cette richesse multiple nous a encouragé à nous réunir pour questionner un thème qui nous ait cher : les exils à l’époque de la dictature militaire dans les années 70’s et 80’s en Amérique latine. « Je suis née réfugiée politique. Je suis née avec un accent circonflexe sur ma tête. Je m’appelle Alice. Alice pour le moment. Parce qu’il fallait bien décider d’un prénom à notre arrivée ici. »

LES FILLES DE LA MER

Couchée dans les herbes hautes par cette froide nuit de mars,
Je regardais la lune ronde et claire entourée d’étoiles
J’entendis un oiseau,
Son chant annonciateur était troublant,
Le vent se leva, puis au loin
Les cris déchirant de la mort
Je me suis mise à courir, de manière irrésistible
Comme attirée par une force invisible
Elle était là, toute vêtue de blanc
Sa robe tachée de son sang
Un ogre lui serrait la gorge
Ses serres se resserraient sur son cou éclairé par la lune
La colombe n’avait plus de voix
J’ai mis la main au sol par instinct
J’ai saisi ce qui était à ma portée
Je me suis avancée vers l’homme qui était de dos
Je l’ai frappé à la tête pour qu’il lâche sa proie
Il s’est écroulé sur le côté
Je me suis penchée sur la femme vêtue de blanc
Elle ne respirait plus
L’oiseau vint se poser à ses côtés
C’est là que je me suis aperçue que j’étais trois

LE JEUNE AMOUR

Deux Contes humoristiques, dramatiques et savoureux de Jean de La Fontaine sont mis en sens et en musique par deux artistes du premier mouvement baroque : Christine Bayle, actrice, et Marianne Muller, violiste, aiment la fantaisie des histoires d’amour de « La Matrone d’Ephèse » et de « la Courtisane amoureuse » où le suspens le dispute à l’humour.

Empruntant à Pétrone et à Boccace, La Fontaine les place sous la bannière du « jeune Amour », peut-être pour excuser les faiblesses humaines. Il y exerce son talent ironique à côté des musiques choisies en Europe, de Ste Colombe, Dubuisson, Marais, à Hume et Abel.

« Diversité c’est ma devise. » La Fontaine

*

Christine Bayle est danseuse, chorégraphe – elle a créé et dirigé L’Eclat des Muses et Cie Belles Dances et réalisé plus de cinquante productions –  on sait moins qu’elle est aussi actrice (Jeune Théâtre), passionnée par la belle danse, le théâtre, la musique, la recherche sur les différents styles de danse du XVIe au XVIIIe siècle autant que sur la pratique de l’opéra, et la transmission conjointe de ces différents arts. Enseignante au DMA du CRR de Strasbourg (1987-2013).

Témoin et actrice du renouveau baroque, Marianne Muller mène dans le monde entier, une carrière de concertiste. Elle crée l’Ensemble Spirale qui se consacre au répertoire soliste de la basse de viole. L’ensemble « Du souffle à L’archet » explore le répertoire des consorts songs. Ses goûts pour le théâtre, la musique contemporaine et la danse enrichissent encore son jeu. Professeur au CNSMD de Lyon (1988-2021). Sa discographie compte plus d’une cinquantaine de titres.‌

CARNET DE VOYAGE Diarios de motocicleta : Notas de viaje por América Latina

Le 29 décembre 1951, deux jeunes argentins entreprennent un voyage à travers l’Amerique latine sur une vieille Norton 500 « La Poderosa II ». Ernesto Guevara est un jeune étudiant en médecine de 23 ans, spécialisé en léprologie. Alberto est un biochimiste de 29 ans. Sur leur chemin, ils pénètrent les racines d’un passé invisible mais encore habité et rencontrent des êtres simples et bouleversants. La confrontation avec la réalité sociale et politique des pays visités et les rencontres qu’ils vont faire les amènent à prendre conscience de la réalité du monde et la misère dans laquelle vivent les populations. Cette expérience éveillera de nouvelles vocations…

Ce qui m’intéresse et me touche dans ce « Carnet », c’est l’universalité qui émane de cette œuvre. Il s’agit de vivre ce voyage avec cet homme, à cette période de sa vie. « Voyage à Motocyclette » est une expérience, une traversée qui change tout homme. D’une beauté poétique fulgurante, l’écriture est à la fois concrète et d’un réalisme au plus près de l’action et du ressenti émotionnel. Comme le dit l’auteur lui-même, il ne s’agit pas d’un récit mais « de fragments de vies parallèles ou entrecroisées ». Les mots respirent la vie et transpirent cette expérience du terrain, « l’expérience vécue ». L’œuvre se compose d’une narration, de paysages extraordinaires, de sentiments intimes, de rencontres, de bouillonnements d’êtres et de destins et de prise de conscience.

« Voyage à Motocyclette » nous fait pénétrer au cœur du continent Sud-Américain, dans le grand théâtre du monde. Universelle et intemporelle, l’œuvre s’inscrit à la fois dans le présent mais aussi dans le passé, celui des cités perdues, des civilisations oubliées, celui des peuples disparus qui aujourd’hui errent sur les routes, du peuple chassé et humilié : celui des indiens d’Amérique, d’un âge d’or, d’un monde aujourd’hui mort et elle nous renvoie ainsi à notre propre histoire : Comment comprendre le présent si tu ne connais pas ton passé ? Un peuple peut-il continuer d’exister sans ses racines ?

L’œuvre est subjective, nostalgique et mélancolique mais aussi portée vers l’avenir. Elle est une vision des enjeux et des conflits de demain et avec lucidité, l’auteur nous catapulte dans ce que sera l’Amérique du Sud : les grands bouleversements politiques (dictatures, conflits), économiques (injustices, exploitations), sociaux (inégalités, fractures), culturels (pertes d’identité et disparition de certaines communautés autochtones) et écologiques (exploitations des richesses naturelles, déforestations, pollution, extinctions de certaines espèces, sécheresse, etc.).

J’ai voulu porter cette « vie » et « faire ressentir cet élan », « ce bouillonnement d’êtres » sur la scène. Il s’agit de faire vivre au spectateur « l’expérience » de ce voyage, de faire exister ces rencontres et de faire ressentir les éléments physiques et naturels que les personnages vont traverser : donner à ressentir les conséquences des bouleversements, le poids du passé et le vide d’aujourd’hui pour arriver à plonger véritablement au cœur des destinées et de se laisser pénétrer par « l’Esprit » de cette Amérique en pleine mutation. La Nature est ici au cœur du voyage, elle jouera un rôle essentiel et va directement agir sur les personnages.

Il s’agit aussi d’entraîner le spectateur au cœur d’un destin, à l’intérieur d’une âme pour donner au spectateur l’expérience que vivra l’auteur : Celle de l’universalisme et de l’humanisme et cet invisible mouvement qui va faire d’un « homme ordinaire », un « combattant révolutionnaire ».

A fleur de peau, toujours à la limite, extrême, sur le fil sensible de la vie ce « Carnet » est au cœur d’une actualité sensible et explosive. Ce texte ouvre sur toutes les déchirures actuelles : Frontières, immigration, capitalisme, mondialisation, exploitation des richesses naturelles, misère, choc des cultures et des civilisations tout en nous donnant le recul essentiel, le froid sublime de ne pas être sous le flux de l’information et de la communication stérile d’un système.

Mais surtout ce « Carnet de Voyage » est un message d’amour, un cri de liberté, un appel à l’humanité, à l’idéalisme, au rêve de fraternité, cet idéal de jeunesse éternel, d’inconscience, de naïveté, de sagesse, d’un homme nouveau, d’un monde meilleur. Une quête pour un message d‘union, mais aussi de singularité, un voyage dans le présent mais aussi dans le temps à la rencontre de l’histoire, des racines de chaque peuple, loin de la mondialisation et du capitalisme, loin de la société de consommation. C’est la vision utopique d’un monde de partage véritable.

Il était essentiel de ne pas anticiper les événements et de préserver la naïveté et l’inconscience de ce Carnet pour nous amener a percevoir l’évolution d’une âme, d’un être, à travers les événements qu’il traversera jusqu’à cette invisible prise de conscience au fur et à mesure des rencontres, sur le fil, et qui va faire naître un homme nouveau… Le tournant dans le destin d’une vie.

JE SUIS UN OISEAU DE NUIT

C’est l’histoire de Ida, histoire singulière qui commence à sa mort. Ida, projetée à huit ou neuf mètres de l’autre côté de la rue par un camion, est morte. Pourquoi est-elle morte ? Tel un polar, une femme à la fois narratrice, Ida, Mme Besson, Gertrude, un homme, Hélène Bessette… nous conte cette énigme.

Un simple accident ? Les yeux baissés, elle regardait toujours ses pieds… Une histoire de classe sociale ? Ida est propriété de Madame Besson non par le mariage mais par la domesticité, par l’appartenance au delà de la mort. Elle est partie sans laisser de préavis. Impossible même de lui faire un reproche. Ses exemployeurs s’interrogent, jugent Ida, les « Ida » personnes inférieures. Une maladie mentale ? Sa phrase posée comme une énigme « je suis un oiseau de nuit » ouvre sur un monde où les frontières deviennent floues entre rêve, réalité, cauchemar et délire…
Confusion de propriété d’être de personne, est-elle ou n’est-elle pas ? Est-elle Ida ou Madame ?… Ou Ida consciente de la condition humaine ? Ida, nouvel Icare, morte d’avoir ouvert les yeux. Elle a vu ce qu’il ne faut pas voir. Ce qui est insupportable à voir.
Ida, femme de ménage chez les Besson, n’arrosera plus les fleurs la nuit.

Hélène Bessette joue avec les mots, elle camoufle les personnages. Ils sont à la fois présents mais peu voire pas définis, ils sont dans le flou poétique de l’écriture. La parole navigue entre différentes eaux. Qui parle : une narratrice ?, Gertrude ?, Madame Besson ? Hélène Bessette elle-même ? Hélène Bessette maîtrisait la langue, ses subtilités, elle aimait la tordre pour proposer des pistes cachées.

Lorsque débute le roman, l’histoire est terminée pour Ida, elle est morte. Elle n’est plus, mais occupe l’espace, investit l’histoire en devenant le centre des discussions de ses anciennes patronnes et ce pendant plusieurs mois, comme une revanche sur sa vie de femme de ménage invisible. Tel un fantôme, sa présence est impalpable, invisible mais incontournable. Ida-comédienne se joue enfin du monde qui l’entoure.
Cette dichotomie peut être portée par la marionnette, elle peut assumer ce paradoxe, être à la fois là sans y être. Être dans l’interstice du vivant et de la mort.

La Presse en parle

Blog Culture du SNES-FSU (Jean Pierre Haddad) :
« Laurent Michelin qui n’a pas craint d’adapter au théâtre cet objet littéraire hors norme, a eu raison d’oser cette aventure car le résultat est surprenant et superbement réussi.»
« Dans le cube-tube à essai, Christine Koetzel, comédienne à l’immense talent de présence et de diction, est celle qui parle. Elle nous immerge dans un flux de paroles nourri de variations de voix et de points de vue, de personnages sans corps. »
« De la réalité insondable à la réalité approchée de la folie, le chemin passe par le théâtre de Laurent Michelin. »

Double Marge (Sylvie Boursier) :
« Laurent Michelin et sa compagnie explorent des textes contemporains rares ; leur recherche autour de la marionnette et du théâtre d’objets magnifie ces écritures, les recrée avec beaucoup de liberté. »
« Venez les rencontrer au théâtre de l’épée de bois en avril, vous n’en sortirez pas indemne et découvrez Hélène Bessette, enfin ! »

Arts-Chipels
« Les écrits d’Hélène Bessette méritent largement d’être sortis de l’oubli. C’est ce que propose Laurent Michelin en explorant les limites entre jeu marionnettique et jeu théâtral, entre la figure humaine et son double. »
« Et dans la zone grise où se mêlent conscience, mémoire et folie, où le fantasme du réel rejoint la réalité du fantasme, une femme se tient, qui finira sa vie, d’abord recluse et solitaire avant de sombrer dans la folie : Hélène Bessette, qu’il faut réentendre aujourd’hui, aussi bien pour la puissance de son écriture que pour la douleur que celle-ci laisse transparaître sous l’ironie, le fantasme et la poésie. »

Sur les planches (Laurent Steiner)
« Laurent Michelin accomplit un joli travail d’orfèvre dans cette mise en scène éclairée par la folie de la réalité.»

Théâtre du Blog (Philippe du Vignal)
« Laurent Michelin a dirigé ses actrices avec un soin extrême: Christine Koetzel et Marion Vedrenne font sonner le texte avec une diction précise qui n’exclut en rien une belle intelligence du texte et une grande sensibilité aux mots d’Hélène Bessette. »

LE JEU DE DON CRISTOBAL (Retablillo de don Cristobal)

La farce
Cette farce andalouse est devenue, depuis sa création en 1934 par Federico Garcia Lorca, un classique de la littérature dramatique pour marionnettes.
Comme pour « los titeres de cachiporra », soeur jumelle de « Retablillo de don Cristobal », F. G. Lorca s’est inspiré de la tradition populaire de marionnettes.
Lorca rassemble dans son canevas toutes les intrigues d’une bonne Comédia dell’arte : le pouvoir ou l’autorité, le désir amoureux et l’argent.
Don Cristobal, le vieux riche, se prétend médecin. Il soigne le malade à sa manière à coups de gourdin, et ramasse assez d’argent pour se marier avec Rosita. Mais Cristobal est un ivrogne. Insatisfaite, Rosita retrouvera son amant. Au cours de la pièce, le poète dialogue avec ses personnages et parfois même interpelle le public.
La farce unit ici la langue rugueuse et truculente de la marionnette et le lyrisme poétique. Le théâtre de Federico Garcia Lorca est le prolongement de sa poésie ; elle y prend forme humaine.

Le poète chef d’orchestre
L’adaptation et la mise en scène ont donné un sens particulier au personnage nommé dans la pièce « le poète ».
Il est le chef d’orchestre de tout ce petit monde. Son rôle est tenu par le comédien qui est, de fait, le manipulateur des cinq personnages de la farce.
Les marionnettes évoluent « à vue » (sans castelet) sur scène et forment des tableaux. Le comédien manipulateur se confond avec sa marionnette, comme pourrait le faire le masque avec l’acteur. Il dialogue avec elles et avec le public.

Son Théâtre
Au-delà de sa vitalité et de sa joie de vivre, Federico Garcia Lorca est un homme complexe aussi est-il sensible au monde et à ses injustices. Il sera toujours du côté de ceux qui souffrent. Son théâtre est combatif. En écrivant pour le théâtre de marionnettes, il a su colorer son théâtre d’une poésie à la fois rugueuse et profondément humaine. Surprenante dramaturgie que son théâtre de marionnettes, construit à partir de ces personnages profondément humains. “Le théâtre est une tribune libre où les hommes, par des exemples vivants, peuvent mettre en évidence les normes éternelles du cœur et du sentiment humain.” Federico Garcia Lorca

Le thème de la solitude amoureuse
L’homme est seul avec son amour. C’est avec constance qu’il développera ce thème dans son théâtre peuplé souvent de paysans aux sentiments simples et intenses. Retablillo de don cristobal est une pièce qui rassemble tous les thèmes majeurs de l’œuvre de Federico Garcia Lorca : l’amour, la mort, la révolte. “Au-delà de la solitude amoureuse, la vie est un désir à satisfaire. Un désir qui échappe à l’homme, immanquablement, au moment même où il semble le saisir.” Federico Garcia Lorca.

Un théâtre combatif et vital
En écrivant pour le théâtre de marionnettes, Lorca a su colorer son théâtre d’une poésie à la fois rugueuse et profondément humaine, dans une surprenante dramaturgie. L’AMOUR, LA MORT ET LA RÉVOLTE C’est avec constance qu’il développera ces thèmes dans son théâtre peuplé souvent de paysans aux sentiments simples et intenses. Retablillo de don Cristobal,  Le jeu de don Cristobal en français, est une pièce qui rassemble tous les thèmes majeurs son œuvre : l’amour, la mort, la révolte.
“Le théâtre est une tribune libre où les hommes, par des exemples vivants, peuvent mettre en évidence les normes éternelles du cœur et du sentiment humain.” Federico Garcia Lorca.

« EL DUENDE est fait de sang, de culture ancestrale et de création en acte. Ce pouvoir mystérieux, que nous ressentons tous un jour et que nul philosophe ne peut expliquer. Il est l’esprit même de la terre. » Federico Garcia Lorca.

 

J’AIME LA VIE

J’aime la vie est un texte adapté de Refus d’obéissance de Jean GIONO. Paru en 1937, il rassemble deux textes distincts. Le premier est un manifeste pour la paix dans lequel Giono évoque l’atrocité de ce qu’il a vécu dans les tranchées, durant la Première guerre mondiale qui ne cesse de le hanter et son refus d’obéir à un ordre de mobilisation. Vingt années se sont écoulées et Jean Giono apparaît sous les traits d’un soldat blessé : Joseph.
Notre marionnette, le poilu conférencier décrit l’horreur des combats et sa passion pour la vie. Ecrit entre les deux guerres, ce texte est un formidable plaidoyer pour la paix en dénonçant l’absurdité de la guerre. « Ce qui me dégoûte dans la guerre, c’est son imbécilité ! J’aime la vie ! je n’aime même que la vie … c’est beaucoup ! »

PILOTE

Thème
Délivrer les vocations et avoir confiance sont les grands thèmes que nous voulons aborder avec « PILOTE« .

Se sentir lié au monde n’est pas une question de compétence mais de confiance. *  » Il n’y a pas de fatalité extérieure, mais il y a une fatalité intérieure : vient une où l’on se découvre vulnérable ; alors les fautes nous attirent comme un vertige ».
L’homme est sauvé à partir du moment où il a la vocation. L’Œuvre de Saint Exupéry est celle d’un homme qui a décidé de vivre en accord avec la nature profonde de sa personnalité où l’on retrouve fréquemment les mots vérité, vocation, terrain favorable … terrain qui fertilise les vocations ou pas : *« …Les vocations sans doute jouent un rôle. Les uns s’enferment dans leurs boutiques. D’autres font leur chemin, impérieusement, dans une direction nécessaire : nous retrouvons en germe dans l’histoire de leur enfance les élans qui expliqueront leur destinée. » Se sentir responsable, là réside le courage.

Le courage est un des grands thèmes de l’œuvre d’Antoine de Saint Exupéry. Il en a fait un axe majeur de son existence. « …/…se délivrer du monde des villes et de leurs comptables… de ces dimanches absurdes…de la machine à emboutir…lancer des passerelles. » Comme pour cet enfant, le petit prince, méconnu des grandes personnes qui crie son droit « d’être lui-même « .

Synopsis
Un PILOTE entreprend de faire une course reliant l’Europe à l’Asie en avion. D’abord la course puis la panne, l’accident, la chute. L’accident met à nu. Le dépassement de soi se fait dans l’épreuve du vide. Certaines nuits, l’enfant est là, il lui raconte son voyage … astéroïdes peuplés de grandes personnes. Ainsi durant 4 jours il marche en quête, jusqu’à sa délivrance, jusqu’à sa rencontre avec un homme, un touareg, qui le sauve à l’aube du 5e jours en lui donnant de l’eau.
Il s’oriente : Est/Sud/Est Nous sommes à une époque ou pour se diriger le pilote se repère au soleil et quand il se couche, aux étoiles et à la lune, seul, sans radio, il vole en évitant, s’il le peut ! les brumes et nuages. Il vole, traverse la méditerranée puis longe les côtes du nord de l’Afrique pour arriver aux abords du désert, royaume des sables, des vents et des Touaregs. D’abord la course puis la panne, l’accident, la chute. L’accident met à nu. Le dépassement de soi se fait dans l’épreuve du vide. Le mouvement agit comme essence du lien vital, celui qui nous rend en vie. L’obstacle devient alors découverte de soi. «L’accident comme souci de soi ou la rencontre mise en scène, de la fatalité, de la mascarade et de la grâce » (Cynthia Fleury -Pretium doloris) Il marche des heures durant malgré la soif, dès le lever du soleil. Est /Sud -EST : orienté. De mirage en mirage, en quête, il expérimente l’essentiel … l’eau. Enfance. Ses nuits sont peuplées de souvenirs.
Certaines nuits, l’enfant est là, il lui raconte son voyage … astéroïdes peuplés de grandes personnes : un roi, un businessman, un vaniteux … mais aussi un renard.

Solitude
Il se rend compte aussi qu’il n’est pas si seul finalement, des traces sur le sable lui rappellent que la vie s’installe partout, même dans le désert. Des traces : un renard, un serpent et son regard sur le monde. Ce monde, celui des grandes personnes perchées sur leur astéroïdes : *« ce monde… ses machines à emboutir… avec ces absurdes dimanches ». * « Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part. « Ainsi durant 4 jours il marche en quête, jusqu’à sa délivrance, jusqu’à sa rencontre avec un homme, un touareg, qui le sauve à l’aube du 5 e jours en lui donnant de l’eau. Ce qui sauve. Il survivra grâce à une orange et une gourde d’eau retrouvées dans la carcasse de l’avion. Mais surtout grâce à sa formidable envie de vivre et son courage. Au regard qu’il porte sur le Monde, au regard qu’il porte sur lui-même.

 Il sait que *« ce qui sauve, c’est de faire le premier pas. Encore un pas. C’est toujours le même pas que l’on recommence… »

*Terre des Hommes de Antoine Saint Exupéry

COMME S’IL NE MANQUAIT RIEN

Note d’intention
A la vue d’une peinture de Jean Pierre Schneider dont la figure est une jarre, suggestion du vide ou appel de la plénitude. Blandine Jeannest se remémore le vers de Yannis Ritsos « comme s’il ne manquait rien alors que tout manquait » extrait de « Les vieilles femmes et la mer ».
C’est à travers les voix de femmes grecques contemplant leur vie et la mer « sur le chemin d’en haut où commencent les vignes » que Yannis Ritsos aborde les grands thèmes de son œuvre poétique, sensuelle, intense et parfois désespérée : le temps, la mémoire, la mort, l’absence, la présence des objets du quotidien, la filiation. Ritsos est hanté par « son rocher» natal lourd de souvenirs historiques et de la mémoire d’une famille tôt détruite. Est évoquée la condition des femmes grecques en attente des hommes absents, partis en mer ou happés par l’histoire. Pour Yannis Ritsos l’engagement en littérature et en poésie va de pair avec l’engagement politique dans un 20e siècle grec ponctué par la seconde guerre mondiale et les dictatures.

Les musiques :
En écho à la parole de ces femmes, trois musiciennes  au chant, violoncelle, piano interprètent une musique méditerranéenne qui est à la fois la résonance, prolongement et silence du texte : le lamento d’Ariane de Monteverdi et les plaintes de Caccini, les chants populaires grecs de Ravel, les accents de Granados et Falla ainsi que les harmonies intemporelles d’Arvo Pärt répondent par leur intensité poignante au verbe du poète engagé dans l’histoire mais aussi dans une quête existentielle universelle.
La mise en scène de Jean Pierre Schneider divise le plateau en espace maritime et terrestre, les blocs d’une digue étayant la mémoire vacillante des femmes. Les matières de la peinture de Jean Pierre Schneider, leur matité disent un réel dont la parole poétique de Ritsos ne s’affranchit pas mais qu’il dépasse dans la lumière des horizons maritimes d’une Grèce éternelle. 

JUSTE LA FIN DU MONDE

« Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. »

J’emprunte à Nicolas Boileau cette strophe, tant elle paraît répondre à ma volonté de re-créer Juste la fin du monde.
Car il s’agit bien ici de « refaire » et non de reprendre, pour citer Peter Brook.
Depuis ma première mise en scène de ce texte, voilà déjà douze ans, j’ai exploré la totalité de l’œuvre de Lagarce. C’est en partie mon interprétation de Du luxe et de l’impuissance sous la direction d’Ivan Morane en 2014, qui m’a donné l’envie de refaire ce spectacle, m’en donnant une lecture nouvelle. Comme une nécessité.
Évidemment, le temps aussi m’a donné de nouvelles armes pour aborder un spectacle, sa forme et ses enjeux.
À l’origine, c’est l’écriture de Lagarce qui m’a tout d’abord captivé et fait découvrir son œuvre récente, mais déjà classique; cette nécessité et cette précision du langage pour mieux se connaître soi et les autres. Une écriture dans un entonnoir, des mots dans un alambic; une parole «en marche», qui bute, trébuche, s’accélère, ralentit, mais avance avec opiniâtreté dans le seul souci de dire, de résoudre, de remettre l’homme dans la cité.
2005/2017 : que c’est-il passé ? L’histoire nous apprend que le temps tente de nous apporter la paix et le progrès, tant industriel que social. Ces récentes dernières années et celles qui se dessinent clairement, semblent bien vouloir écrire une toute autre histoire du monde…
Juste la fin du monde, comme une expression de l’impossible: «Si je fais ça, ce sera la fin du monde!»?
Un homme «jeune encore», à la porte de sa propre disparition, la fin de son monde, son univers, son environnement, sa famille, ses communautés… tout cela à la fois! Le prisme familial de cette pièce est le reflet de nos sociétés, avec ses intolérances, ses replis, ses conflits, ses désirs, ses doutes, ses pulsions destructrices ou merveilleuses, dans un incessant aller-retour émotionnel.
À notre époque où domine le renoncement à l’autre, regarder autour de soi, rester éveillé, vigilant, dans une saine colère, c’est ce que nous dit Juste la fin du monde et au sens plus large, l’œuvre de Jean-Luc Lagarce et qu’il faut mettre en évidence ici.
Enfin, toute l’action de Juste la fin du monde est menée par l’unique volonté et le seul point de vue d’une personne: Louis. Sommes-nous dans la réminiscence, dans l’espoir, l’envie ou le fantasme de son retour? Il y a ici, une vision quasi cinématographique (une proposition d’angle de caméra, de montage) qui continue à m’interroger et me fasciner; c’est aussi à cet endroit que se trouve tout l’enjeu de notre travail, en s’appropriant la construction et la rythmique de l’écriture, sans la rendre formelle.
Et toujours «faire spectacle» de tout cela, sans lamentations, sans ennui.

La presse en parle

« Aussi cruel que brillant. »
L’humanité

« Une mise en scène taillée au cordeau. »
Marianne

« Une vision vertigineuse. »
Le Monde

« Universel et mordant. »
Le JDD

« Des acteurs bouleversants. »
Télérama

« Excellents ! »
Le figaro