Archives pour la catégorie se joue en Septembre 2017

GEORGE DANDIN

J’ai choisi de mettre en scène cette comédie de Molière, parce que c’est une pièce qui cache son jeu ! D’une réplique à l’autre, on fait le grand écart entre le drame humain et la farce, sans savoir toujours très bien où l’on est et où il est très important de ne pas savoir, jusques aux rôles même, qui doivent de temps en temps échapper aux acteurs !

Cette pièce diffère des autres ouvrages de l’auteur en ceci qu’elle ne se partage pas entre le camp dit des bons et celui des méchants, où les personnages de bon sens usent de tous les stratagèmes pour faire renoncer les chefs de familles à leur égoïste plaisir et où les enfants réalisent, pour clore, le mariage qu’ils espèrent.

Ici, lorsque la pièce commence, le mariage entre George Dandin et Angélique est consommé. George Dandin se plaint de son alliance avec sa femme, qui – dit-il – se tient au-dessus de lui. A l’image de Molière et d’Armande Béjart, c’est l’histoire d’un couple qui se désagrège.

Et c’est sur cette fracture, conséquence d’un mariage forcé, que le scénario s’articule. D’un côté, nous avons George Dandin, qui, à l’ancienne, a acheté sa femme. De l’autre, nous avons Angélique (et sa servante), qui, après avoir subi chacune la loi et la domination des hommes (père, mari, amants) revendiquent désormais le droit à disposer d’elles-mêmes.

Dandin se plaint du comportement de son épouse, mais ne cherche pas à la comprendre, enferré qu’il est dans sa norme. Il ne développe, par ailleurs, aucune stratégie pour s’intégrer au cercle de sa belle-famille, qui pourrait éventuellement le soutenir. Tout ce qu’il cherche, naïvement, pathétiquement, est que l’on reconnaisse son infortune. C’est cette stagnation, qui va de plus en plus l’isoler, avant de le précipiter dans le gouffre.

Il s’est éloigné de lui-même en pensant faire abstraction du champ social dont il est pétri. Dans la séquence de la porte fermée, Dandin-le geôlier est à l’intérieur, et Angélique-la soi-disant captive est à l’extérieur ! D’un bout à l’autre de la pièce, Dandin restera le prisonnier de ce qui lui échappe.

Est-ce une tragédie pour autant ? Certes pas; car on rit en permanence de l’infortune ou du désespoir de celui qui vit son drame et presque tous les personnages sont concernés. Pour parler familièrement : on est toujours le pauvre ou le con de quelqu’un ! Ce n’est qu’après avoir ri, qu’on se demande si on a bien fait et c’est le piège que tend Molière au spectateur !

Avec Laurence Chapellier, la créatrice des costumes, nous voulions marquer le XVIIème siècle, parce qu’il nous semblait important de savoir d’où on partait, pour ensuite laisser courir notre imagination. Notre arrivée dans la Salle en Bois du Théâtre de l’Epée de Bois a prolongé notre désir, qui est à la fois de représenter la beauté et la profondeur.


Un excellent spectacle qui laisse sourdre le cauchemar que subit Dandin mais n’oublie jamais le rire.
LE FIGARO – Armelle Héliot

Un spectacle grinçant et drôle qui montre avec éclat le génie dramatique de Molière.
LA TERRASSE- Catherine Robert

Avec une patience et une humilité d’artisan rompu au polissage de texte, Patrick Schmitt façonne le classique [George Dandin] pour en faire un petit bijou. – LES TROIS COUPS – Elisabeth Hennebert

Une mise en scène de Patrick Schmitt, sobre, sans gras, mais intense et humaine.
THEATRE DU BLOG – Christine Friedel

APOCALYPSE SELON STAVROS

Apocalypse selon Stavros est né d’une intuition.  De partir avec Maxime Lévèque sur les traces de l’Apocalypse de Jean de Patmos et de l’essai critique posthume de DH Lawrence pour interroger ce que cette oeuvre révèle sur une partie du monde occidental appelé Europe.  12 jours d’immersions et d’improvisations en totale liberté. Voici comment on procède. On marche, on repère un endroit qui nous inspire, on s’arrête, on pose la caméra, et on avance dans les méandres du personnage de Stavros, performeur fictif Grecque, qui revisite l’Apocalypse, ou plutôt la retraverse,  sans le savoir, pour débarrasser l’homme de l’idée de la fin, de la sélection, de la punition et du jugement. Car il voit comme le décrit Deleuze dans son introduction du livre de Lawrence, que l’apocalypse n’est ni joué par Donald Trump dans le rôle de l’Antéchrist, ni inscrit dans le désastre écologique de la planète qui mène à la fin du règne humain, mais bien dans l’organisation du monde telle qu’elle existe déjà, avec ses frontières, ses iniquités, ses armées, ses chars Titus,  ses dettes, ses plans d’austérités, ses médias. De son effroi, de son incapacité à la traduire dans son art, Stavros assistera à un renouveau de son être, et ses possibles relations avec l’autre.

Apocalypse selon Stavros est bien entendu tout sauf un essai religieux. La seule religion que l’on y trouve est dans l’idée que la poétique et sa plus sincère expression est une religion en soi. Il s’agit d’un essai sur l’homme et sa manière de voir, ses visions, ses interprétations, sa difficulté à se débarrasser des fictions imposées, ses peurs, ses angoisses, et ses manières de les vaincre ou d’y succomber. D’un essai sur l’artiste et ses contradictions. Ses tentatives et ses difficultés à se faire comprendre. Sur le monde tel qu’il a été verrouillé, dans ses structures, son urbanisme, ses institutions, ses lois.

Dans notre méthode de travail, nous avons pris soin d’absorber le plus possible le travail de pensée, de recherches, de lectures avant de se lancer dans la fabrique du poème. Car le poème doit évidement le contenir organiquement et ne pas l’expliquer. Il ne s’agit donc pas d’un pensum mais d’une fabrication fictive  et poétique libre. Il conviendra au spectateur d’avoir le plaisir ou non d’y déceler ce qu’il exprime politiquement sur le monde. D’en déceler la force de vie et la qualité de ses contradictions. Nous avons cartographié différents espaces sur l’Ile de Patmos. Collines, clairières, monastères, baies, pour construire en improvisant les bases du récit, et surtout la structure affective et imaginaire de Stavros.

« L’apocalypse, ce n’est pas le camp de concentration, (Antéchrist), c’est la grande sécurité militaire, policière, et civile de l’état nouveau (Jérusalem Céleste). La modernité de l’apocalypse n’est pas dans les catastrophes annoncées, mais dans l’auto-glorification programmée, l’institution de gloire de la Nouvelle Jerusalem, l’instauration démente d’un pouvoir ultime, judiciaire, et moral. Terreur architecturale de la Nouvelle Jerusalem, avec sa muraille, sa grande rue de verre, « et la ville n’a besoin ni du soleil ni de lune pour l’éclairer » et il n’y rentrera rien de souillé, mais ceux là seuls qui sont inscrits dans le livre de l’agneau. »  Gilles Deleuze dans son introduction de « Apocalypse » de DH Laurence.

A Calais aujourd’hui ce ne sont pas des aides humanitaires qui sont envoyées, mais des policiers supplémentaires, pour s’assurer qu’une nouvelle Jungle ne s’y construise pas, pour empêcher des réfugiés de rejoindre Lille ou ils peuvent déposer des demandes d’asiles.  C’est l’Apocalypse dont parle Deleuze.

LES NOCES DE BETÌA

Le jeune Zilio est désespérément amoureux de la jolie Betὶa. Pour la conquérir, il demande l’aide de son ami Nale, prétendu expert en séduction…

Dans ce texte fondé sur le plaisir de la palabre et les numéros d’acteurs, Ruzante, comme son contemporain Rabelais, fait feu de tout bois pour parodier les controverses philosophiques et religieuses, railler tous les dogmatismes et chanter un hymne irrévérencieux au corps et à la liberté.