Chez Jean-Luc Lagarce, tout est théâtre.
Son œuvre théâtrale, bien sûr ; mais pas seulement.
Ses récits également ; cela a été largement prouvé.
Mais aussi son journal.
Et cela me paraît évident encore d’avantage avec Du luxe et de l’impuissance, le recueil de ses éditoriaux.
Tout y est théâtre, parce que rien n’y est théâtral.
La Vie est là, à chaque mot, entre chaque mot. Évidente, simple, bouleversante, elle est là, à en pleurer, à en rire aussi.
La Vie ; et la Mort aussi.
Cette succession d’articles est un seul récit; qui a son unité de temps, de lieu et d’action.
Le personnage est chez lui (ou dans sa loge); il va sortir (ou entrer en scène); pour toujours (il se rend à l’hôpital où il sait qu’il va mourir) ; il doit se préparer à sa mort, choisir ce qu’il va emporter.
Aucun accessoire réaliste, ou le minimum; l’acteur et les mots les font exister.
La présence de l’acteur dans un grand espace presque vide et les mots de Lagarce, et toutes les pensées, les émotions non dites, et qui, je le souhaite, seront entendues, comme l’infini- ment grand et l’infiniment petit qui affleurent entre les mots du dernier texte du recueil, définition admirable du comédien, et de l’humain, ce qui chez Lagarce revient au même.
Crée en juillet 2014 au Théâtre des Halles (dir. Alain Timar). Nous ne «reprenons» pas ce spectacle, mais, comme le dit Peter Brook, nous le « refaisons », riches tous deux de nos ressentis depuis le plateau et depuis la salle.
Le cadre et le dessin sont les mêmes, mais nos doigts sur la toile ferons encore plus ressortir les détails, creusant, lissant, écrêtant…
Ivan Morane