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L’ATLANTIQUE / LA TRAVERSÉE

C’est en marchant dans la rade de Cherbourg qu’un parcours explicatif sur l’histoire des grands paquebots qui traversèrent l’Atlantique me donna l’idée d’un spectacle évoquant la condition des migrants d’Europe vers l’Amérique
J’ai imaginé la séparation d’avec leurs proches dans le cri de cette mère restée à quai et voyant s’éloigner le bateau, scène évoquée par Erri de Luca. J’ai pensé aux conditions des voyageurs de troisième classe, à leur arrivée à Ellis Highland avec l’incertitude de leur sort, lieu sobrement et magnifiquement décrit par Georges Perec, Kafka ou Gaelle Josse. J’ai aussi pensé à mon père qui se rendait régulièrement aux États-Unis pour son travail et dont les périodes d’absence ont rythmé mon enfance.
Chacun de nous a en lui une relation au départ et à l’exil. Que ce soit celui de ses ancêtres ou le sien. À l’heure où le monde change et où il frappe aux portes de la vieille Europe tentée de se refermer, évoquer ce sujet qui nous touche tous et chacun, est une évidence : Qui exprimera mieux la nostalgie ou la joie d’une vie meilleure que ces musiques qui tour à tour suggèrent le regret d’une terre natale ou l’enthousiasme d’une condition nouvelle ? Car dans ce parcours d’Est en Ouest comme dans le spectacle, c’est l’univers de la liberté symbolisée par le jazz qui finira par s’imposer : « Quand tu ne sais pas ce que c’est, alors, c’est du jazz » écrit Baricco dans Novecento pianiste.

Blandine Jeannest

CAPITAINE FRACASSE ou ET DE NOUVEAU SAURA LE MONDE QUE LE THÉÂTRE EXISTE

Inspirée du célèbre roman de Théophile Gautier, Capitaine Fracasse ou Et de nouveau saura le monde que le théâtre existe n’en sera pas moins, non pas une simple adaptation, mais véritablement la première pièce de théâtre écrite par Daniel Mesguich. Les personnage en seront, notamment – outre, comme dans les mélodrames, le bon et courageux héros, Sigognac ; la belle jeune première, Isabelle ; l’horrible traître, le Marquis de Vallombreuse – les plus grands acteurs, revenus sous forme de spectres, de l’histoire du théâtre français : Mounet-Sully, Rachel, Frédérick Lemaître, Adrienne Lecouvreur, Marie Dorval, etc.

Les veines de l’amour et de la haine, de la trahison, de la tendresse, de la violence, mais aussi de l’humour, et celles, encore, de l’écriture, ou, bien sûr, du théâtre, et même de la philosophie, marbrent ce chef d’œuvre de Théophile Gautier : Le Capitaine Fracasse.
Outre qu’il s’agit, dans cette adaptation pour la scène, de multiplier les possibilités de faire entendre différents niveaux de langues (et, partant, différents codes de jeu), de faire entendre, spectrales, subliminales ou avouées, quelques réminiscences d’autres textes (de Shakespeare à Hélène Cixous), de faire entendre quelques pistes de théories théâtrales aujourd’hui minoritaires mais à nos yeux fondamentales, ce spectacle veut – surtout – faire renaître et résonner les noms des plus grands comédiens de l’histoire du théâtre (Rachel, Frédérick Lemaître, Mounet-Sully, Adrienne Lecouvreur, Réjane, etc.) revenus, sous forme de spectres, hanter les aventures de cape et d’épée du Baron de Sigognac : c’est dire – surtout – qu’il se veut une déclaration d’amour au théâtre.

CE QUE LEUR DISENT LES ANGES

Sur scène, deux femmes et un homme. Une mise en espace simple. Deux lectrices et un musicien évoquent les mots, les tribulations, quelques fragments de la vie d’Annemarie Schwarzenbach et de Patti Smith.

Les lectrices s’invitent à leur côté : elles parlent, lisent, rêvassent un peu, l’une chante, l’autre pas… Parfois à leur pupitre, elles se retrouvent aussi à la petite table du café Zak, où Patti S sirote ses sempiternels cafés.

Elles évoquent, convoquent tour à tour l’une ou l’autre de ces artistes qu’un bon demi-siècle et un océan séparent, deux femmes transfuges, deux natures hors du commun, voyageuses, libres avant toute chose : Annemarie Schwarzenbach, l’écrivaine-journaliste parcourant le monde ou se perdant dans les cabarets du Berlin de l’entre-deux guerres, et Patti Smith, l’icône du rock, chanteuse-poète. Elles mettent leurs pas dans les leurs.

A l’écoute de la musique des mots, l’homme, contrebassiste et chanteur, les accompagne dans ce voyage. Et il est aussi la jeunesse d’Annemarie, il a l’âge qu’elle avait quand la vie l’a quittée.

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Pourquoi elles ?

Au début elles étaient là, bien présentes, sur ma table de chevet, et côtoyaient dans mon imaginaire des écrivains-voyageurs, des poètes : Nicolas Bouvier, Rabindranath Tagore, Jean-François Billeter, Ella Maillard et quelques autres. Je furetais de l’un à l’autre, suivant le fil invisible qui les liait comme les perles d’un collier.

Puis comme une évidence, ces deux-là se sont croisées et ne se sont plus quittées. Leur rencontre s’est imposée à moi et m’a fait écarter tous les autres, ceux que j’avais dans un premier temps pensé embarquer sur mon arche.

C’était la ligne de départ, elles deux, et elles deux seules.

Comment ces deux femmes si dissemblables, l’une ne parlant finalement que d’elle, l’autre n’en parlant à peu près jamais, à un demi-siècle de distance, s’accordent-elles pour toucher de façon très simple à l’universel, témoignant de l’expérience profonde, intime, la seule qui compte, peut-être, en approchant de la ligne d’arrivée ?

Leurs voix se font écho pour évoquer l’amour, la perte, la rencontre improbable avec leur part de rêve, avec l’écriture indispensable, avec la beauté et la cruauté du monde, elles disent leur intuition profonde de son unité, et témoignent de cette joie infime, toujours là, y compris derrière le masque de l’horreur.

Sandra Bessis

MERTEUIL, VARIATION

Quartett est une réécriture brève et étincelante des Liaisons dangereuses de Laclos. Merteuil et Valmont, les deux protagonistes du roman épistolaire, ont vieilli. On les retrouve cloîtrés à l’intérieur du musée de (leurs) amours avec les statues de (leurs) désirs en décomposition. Leur aire de jeu, leur terrain de chasse est toujours l’érotisme. Eros et Thanatos for ever.

Dans Merteuil, variation, spectacle imaginé à partir de fragments du texte de Quartett, la marquise de Merteuil est jouée par un homme, David Arribe. Après Moloch, spectacle dans lequel David incarne un Ogre imaginaire chez qui les fantômes du Boucher des Balkans et de Dracula se mêlent, s’est imposée l’idée de poursuivre avec lui l’exploration d’un territoire habité de prédateurs monstrueux, une plongée dans la nuit des corps. Merteuil est seule, elle rêve. L’image de Valmont l’habite, le désir palpite encore. Et la mort rôde, elle qui, selon Georges Bataille, « rejette l’homme dans l’animalité ». C’est dans la mise à mort qu’elle, qu’ils parviendront à l’apogée du désir. Au cœur de la pièce, il y a ces mots de Merteuil : Quelque chose vit entre l’homme et la bête. Que j’espère ne pas avoir à rencontrer, ni dans cette vie, ni dans une autre, à supposer qu’il y en ait une autre. A la seule pensée de son odeur, je sue de tous mes pores. Mes miroirs exsudent son sang… Il m’arrive de rêver qu’il surgit de mes miroirs sur ses pieds de fumier et sans visages, mais je vois ses mains avec précision, griffes et sabots, quand il m’arrache la soie des cuisses et se jette sur moi comme la terre sur un cercueil, et peut-être sa violence est-elle la clef qui ouvre mon cœur. Il y a dans ces lignes l’expression d’une peur primordiale,originelle, où désir et haine seraient mêlés inextricablement, où l’un des premiers gestes exercés par l’autre sur soi-même serait un geste d’agression, d’une volonté imposée par la violence.

« Continuons à jouer. L’art dramatique des bêtes féroces ». Comme dans Quartett, où Merteuil et Valmont « jouent » à être Madame de Tourvel et Cécile de Volanges, deux proies séduites par Valmont, dans Merteuil, variation, Merteuil « joue » à être Valmont et Tourvel dans ce qui se révèle être le rituel de la mise à mort (une nouvelle fois) de Madame de Tourvel. Les ombres familières d’Artaud et de Genet veillent en coulisse.

Frisson des identités mouvantes, obsession de la jouissance, angoisse de la mort, et parfois l’écho d’un rire salvateur qui est celui d’une liberté qui s’affiche sans pudeur et sans masque à une époque trop souvent marquée par un moralisme exacerbé.

La fonction de l’art du théâtre (s’il en a une) n’est pas d’apporter des réponses aux questions qui agitent la société des femmes et des hommes, mais d’exposer en pleine lumière, de la manière la plus crue, le théâtre des opérations de nos tourments intimes et collectifs.

Jean-François Matignon, 13 septembre 2020

ANDROMAQUE – Archives

En déroulant les fils enchevêtrés des passions amoureuses que met en scène Andromaque, Racine fouille la vertigineuse question du désir et démonte sa mécanique universelle : plus l’objet s’éloigne et plus le désir augmente. Mécanique ô combien dramaturgique ! Pour achever la démonstration et mener l’œuvre à sa forme tragique, Racine pousse le jeu à l’extrême et situe l’objet hors d’atteinte. Pour les personnages, les seules issues sont la mort ou la folie.

Malgré la démesure de la peinture, impossible de ne pas voir que la violence d’Hermione et de Pyrrhus, le délire d’Oreste et la cruauté d’Andromaque sont bien les nôtres. La puissance impérieuse du désir contient une sauvagerie qui menace, à tout moment, de démentir la raison et de renverser tous les ordres.

Impossible à chasser, difficile à apprivoiser, sa nature mystérieuse a beau être dérangeante, le désir est constitutif de l’être humain – aucune action ne pourrait exister sans lui, et le pire serait de s’en détourner.

Dans notre société moderne, hyper sensible au moindre danger, avide de contrôle et de « douceur », au point de donner, du désir, une image pathologique, la pièce de Racine provoque une sorte de collision historique à la fois abrupte et réjouissante.

Et si la violence contemporaine n’était plus de succomber à son désir, comme « une bête », mais de le nier, comme « un ange » ?

Une mise en scène centrée sur le jeu des acteurs : une distribution jeune, une scénographie épurée, sans décor, un travail au cordeau sur la langue française, pour une version moderne et réjouissante, dans un respect absolu de l’œuvre.

BUTTERFLY : l’envol

Prenant sa source dans l’opéra de Giacomo Puccini, « Butterfly : l’envol » fait le pari de la relecture de l’œuvre originelle, dans laquelle chaque artiste au plateau est tour à tour comédien.ne, chanteur.se, instrumentiste. Comme autant de différents points de vue d’un même drame. Comme autant de papillons autour d’une même flamme…

S’inspirant du récit des mariages éphémères entre marins et jeunes femmes japonaises, Leslie Menahem, auteure, propose une fiction moderne inspirée du livret de l’opéra Madama Butterfly. Elle donne la parole à Suzuki, confidente de l’héroïne. Stanislas Kuchinski réinvente des pages emblématiques de l’opéra et d’autres pièces choisies pour une formation originale : violon,clarinette, basson, contrebasse. La série de pièces originales composées par Graciane Finzi sur des Haïkus viendront ponctuer le récit. Comme des pensées musicales et poétiques, hors du temps.

Jouant l’intimité et la confidence, l’action se noue autour d’un dispositif unique, modulable, au centre du plateau. Les quatre instrumentistes, qui seront aussi récitants, joueront par coeur : gage, d’une part, de la fluidité du spectacle et opportunité, d’autre part, de laisser parler leur instrument sans la contrainte visuelle d’un pupitre. Ajoutées à ce quatuor, une soprano et une comédienne.

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La Presse en parle

« Le théâtre de l’Epée de Bois nous propose une magnifique oeuvre poétique et lyrique(…) Cette oeuvre est un véritable enchantement des sens marquée par sa délicatesse et sa beauté esthétique ». Laurent Schteiner, Théâtre.com

« C’est une superbe réussite (…) Un très beau spectacle qu’il faut courir voir ». Micheline Rousselet, La lettre du SNES

« La virtuosité des musiciens et leur complicité, la pureté de la voix de la chanteuse qui interprète, conférent à ce Butterfly une beauté rare ».Nicolas Arnstam, Froggy’s Delight

« La musique, le texte et le chant s’enchevêtrent, et se soutiennent pour donner un résultat très agréable. C’est à la fois, doux et pur, léger et fort (…) Un très joli moment de théâtre. A voir ! ». ManiThea

QUARTETT

DE SADE A MÜLLER

Je me suis toujours passionné pour les courants libertins du XVIIème & XVIIIème siècles et je reviens toujours vers eux, dès que je sens ma réflexion devenir prisonnière des filets de la bien-pensance, quand il devient urgent pour moi de retrouver ma hargne avec ma profondeur. J’entreprends alors une plongée dans les gouffres de l’antimorale (et notamment sadienne), afin de m’extirper, pour un temps du moins, de cette propreté apparente du monde, d’un monde où pour notre bonheur, il sera bientôt interdit de vivre !
Commence donc mon exploration par Aline et Valcour. Lire Sade, c’est faire place nette, désapprendre, partir à la conquête du vide. D’un roman épistolaire à l’autre, je fais irruption chez Laclos qui me dirige droit sur Müller. Je viens inconsciemment de tisser un fil. Quartett ! J’ai lu la pièce, il y a très longtemps, mais je ne l’ai jamais vue jouée. Je retrouve très vite la partition, je m’y engouffre. Avant d’arriver au bout, je pense déjà à mon actrice, et j’en fais mon essentiel !

ET PUISQU’IL FAUT TOUT DE MÊME PARLER DE LA PIÈCE

Celle-ci met en scène la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, les deux protagonistes des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Mais Heiner Müller ne fait en aucun cas une adaptation du célèbre roman épistolaire. Et c’est ce qu’il indique d’entrée au lecteur en introduction à sa pièce :
“Un salon d’avant la Révolution française / Un bunker d’après la troisième guerre mondiale“
S’il calque le parcours et le caractère de ses personnages sur le parcours et les personnages de Laclos, il va néanmoins les emmener ailleurs, et autrement.

En effet, dans ce Quartett, Merteuil et Valmont apparaissent toujours en libertins oisifs et maléfiques de la seconde moitié du XVIIIème siècle, mais il se pourrait fort bien aussi qu’il s’agisse de personnages endossés par des acteurs se retrouvant une dernière fois pour une cérémonie à la fois baroque et funèbre ; un rituel parfaitement orchestré pour enterrer avec eux la fin d’un monde, du leur.

Du jeu au jeu-dans-le-jeu, la frontière est poreuse et favorise les glissements qui s’opèrent entre l’univers du réel et celui du fantasme. Nos deux naufragés, comme survivants d’une guerre des sexes, vont s’affronter à “tour de rôles“ sur leur terrain de jeu privilégié l’érotisme ; remède unique pour repousser la mort et à la fois s’y fondre, et avec une arme redoutable le langage.

Merteuil pose la situation et entame la joute, Valmont réplique. Puis vient le jeu des rôles : Merteuil endosse le rôle de Valmont et Valmont endosse (par défaut) celui de La Tourvel. Valmont reprend ensuite son propre rôle devant Merteuil qui endosse celui de Cécile de Volanges. (Voici le titre clarifié !) Enfin, et pour conclure : “le sacrifice de la Dame“ ! Valmont reprend le rôle de Tourvel et Merteuil celui de Valmont. Fin de partie !

Personnages-acteurs, mais aussi spectateurs d’eux-mêmes, chacun est pour l’autre à la fois miroir et adversaire. Inséparables, qui sait, peut-être ? « Maintenant nous sommes seuls cancer mon amour ».
Ce sont les derniers mots de la pièce et de Merteuil, celle-là même dont le double s’affranchissait ainsi dans le roman de Laclos : “Je suis née pour venger mon sexe“.

Patrick Schmitt

CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL

Juin 1939, à 26 ans, Aimé Césaire, né en Martinique, publie la première version de Cahier d’un retour au pays natal. Premier poème d’une œuvre qui allait faire de lui un des plus grands poètes de langue française du 20e siècle. Texte fondamental symbolisant la fierté et la dignité retrouvée des peuples noirs mais aussi des peuples opprimés à travers le monde.

Cahier d’un retour au pays natal est fermement ancré dans la réalité sociale, historique et géographique des Antilles françaises de l’entre-deux-guerres. À cette époque, la France et l’Europe régnaient en maîtres sur leurs empires coloniaux, notamment sur l’Afrique et les Antilles. À cette époque, les thèses racistes du diplomate et écrivain français, le comte de Gobineau, sur l’inégalité des races nourrissaient la philosophie du IIIe Reich. À cette époque, dans le Mississippi, Bessie Smith mourait d’une hémorragie devant un hôpital réservé aux blancs qui refusait de la soigner. À cette époque, Joséphine Baker, « Reine de Paris », déposait sa ceinture de bananes. À cette époque, Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor et Léon Damas inventaient la négritude et rendaient à la femme et à l’homme noirs leur dignité d’êtres humains.

80 ans plus tard, alors que de nombreux citoyens dans le monde scandent « black lives matter », la situation ne semble pourtant pas avoir tant bougé sur le fond. D’où l’importance de revenir à Aimé Césaire et à son Cahier d’un retour au pays natal.

Celui-ci nous invite à un voyage dans l’espace et dans le temps pour comprendre les bases historiques, sociales et sociétales sur lesquels se sont construites les relations entre Europe, Afrique et Amériques. Pour comprendre et pour effacer l’oubli, reprendre conscience et confiance en l’humain et re-construire un monde plus respectueux de l’autre, qui promeut la diversité culturelle et favorise un Vivre ensemble apaisé.

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La Presse

« Jacques Martial surgit dans la brèche d’un vaste rideau, […], S’ensuit une sorte de juste miracle permanent. C’est tout un monde qui se crée, là, sous nos yeux et par l’ouïe, dans ce grand corps mobile et ces mains qui sculptent l’espace. »
Jean-Pierre Léonardini, L’Humanité

« … Que dire de plus ? Que Jacques Martial est tout bonnement magistral par sa présence et son incarnation. Que nous vibrons au rythme de ses incantations, qu’il nous fait non seulement entendre la beauté et la nécessité de cette litanie Césairienne mais nous fait aussi percevoir toute la genèse de l’homme noir opprimé qui est bien là, ressuscité. »
Moussa Kobzili, Le Choryphée

 « La voix s’élève. Tantôt impérieuse et tumultueuse, tantôt sourde et caverneuxe, elle n’est point banale récitation, elle psalmodie corps et maux à l’empreinte des mots de cet emblématique Cahier d’un retour au pays natal ! Visage et peau ruisselants sous la chaleur tropicale roulent en larmes argentées les noirs sanglots de l’identité créole autant que la poétique flaboyante d’une langue archipélisée. »
Yonnel Liégeois, Chantiers de culture

« Car si Césaire se lit, il est encore plus puissant quand on l’écoute. Jacques Martial lui donne toute sa présence par sa voix vibrante, un corps imposant et une gestuelle redoutable. Le sens ne passe pas par l’intellect, mais la poétique des formes, verbales, mouvantes, chorégraphiées. A l’heure de black lives matter, Cahier d’un retour au pays natal est d’une contemporanéité subjuguante, avec la beauté sonore d’un texte aux volutes oniriques. »
Jacky Bornet, France Télévision

« Vêtu de vêtements informes tel un pauvre erre, portant des gros sacs, [Jacques Martial] investit progressivement le plateau. Transmettant avec précision et intensité le texte de Césaire, le comédien traverse tous les mouvements du texte, de l’évocation de l’enfance de Césaire, marquée par la misère, à celle de la traite des populations noires ; des clichés qui leur sont accolés ainsi qu’aux Antilles, à la résignation des peuples colonisés. »
Caroline Châtelet, sceneweb.fr

« Jacques Martial a la carrure du guerrier assuré marchant contre les pensées les plus rétrogrades et réactionnaires, obtuse, contrites, empêchées et mortifères, en mal de souffle et de vie respirée. L’acteur porte haut et fort le poème éclairé d’Aimé Césaire. […] Un temps inlassable de méditation poétique, à la mesure de belles promesses existentielles. »
Véronique Hotte, Hottello

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Extrait du spectacle 

Téléfilm de Philippe Bérenger 

EL ÚLTIMO DIARIO DE JOSÉ MARÍA ARGUEDAS

Qu’est-ce qui fait qu’un auteur concentre en son œuvre la sensibilité des différentes nations andines ? José María Arguedas, après 58 ans de défense de la culture indienne, perd ses forces et finit, hélas, par se suicider. Nous qui lui survivons momentanément pouvons prendre son dernier journal, El último diario, et tâcher d’en faire le porte-étendard de son rêve : unir tous les peuples, Todas las sangres.

 

 

LA VAGUE

Naissance du projet

C’est en cours d’histoire au lycée, qu’Alexandre Auvergne découvre le film « La Vague », réalisé par Dennis Gansel. Il décide ainsi de se renseigner sur l’expérience de Ron Jones qui a inspiré le roman de Todd Strasser dont s’est servi D. Gansel pour son film et d’en réaliser un Travail de Fin d’Études (TFE), avec l’envie d’emmener cette pièce en dehors des murs de l’école. Alexandre décide de monter sa propre Vague et de l’adapter à la population résidente en France, contrairement au film où l’action se passe en Allemagne. La pièce permet d’évoquer et de faire exprimer la jeunesse à travers les élèves de M. Perrot. De façon générale, les adolescents traversent une période de vulnérabilité, ils peuvent être très influençables, et n’ont souvent aucun filtre. Le but de la Vague est d’éveiller les esprits sur le monde d’aujourd’hui, et c’est ce que prouve l’expérience de Ron Jones : l’autocratie n’a ni frontière, ni âge, tout le monde est concerné. Le nazisme a beau avoir été vaincu en 1945, le monde contemporain montre qu’il peut ressurgir à tout moment. L’adaptation de «La Vague» d’Alexandre Auvergne et de Prune Bonan propose ponctuellement une interactivité avec le public. Cela permet aux spectateurs de plonger progressivement dans la mise en place d’une communauté autocratique en étant les élèves de cette classe puis en observant les diverses techniques de manipulation d’une population pourtant consciente de l’Histoire.

L’expérience de Ron Jones

Ron Jones est un professeur d’histoire au Lycée Cubberley de Palo Alto en Californie. En avril 1967, lors d’un cours sur l’Allemagne nazie, il décide de mettre en place une étude expérimentale en y impliquant ses élèves. L’idée qu’une population puisse commettre un génocide sans aucune réaction, leur paraissait totalement impossible. Il décide de leur montrer comment Hitler s’y est pris. Il crée un mouvement intitulé « La Troisième Vague », dont l’idéologie vante les mérites d’une communauté. L’objectif étant d’alerter les élèves sur le conditionnement de masse, tout en leur faisant vivre une expérience au sein d’un groupe totalitaire. Cependant, plus l’expérience avance au fil des jours et plus la classe se plaît à faire partie d’une communauté. Les élèves et le professeur portent désormais un uniforme commun, se saluent d’un geste distinctif et de là, naissent des slogans inquiétants. Quiconque s’opposerait aux règles choisies se verrait immédiatement exclu de l’expérience et ainsi de la communauté. Ron Jones avouera, plus tard, avoir été pris à son propre jeu. Il confiera avoir pris un certain plaisir à être le leader du groupe d’étudiants. La pièce, « La Vague », s’inspire de ces faits et du roman « The Wave » écrit par Todd Strasser, ainsi que de différents téléfilms inspirés de cette expérience psychologique.