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UNE SAISON DE MACHETTES

Ils sont dix.

Dix copains rwandais, hutus, copains de classe, de matchs de foot, de travaux des champs. En trois mois, d’Avril à Juin 1994, ils ont massacré à la machette, « sans rien penser », tout ce que leur bourgade et les collines voisines comptaient de tutsis, près de cinquante mille, hommes, femmes, enfants, leurs « avoisinants », avec qui ils avaient aussi partagé bancs de classe, bancs d’église, soirées arrosées et matchs de foot.

Jean Hatzfeld les a rencontrés dans la prison où ils purgeaient leurs peines (A ce jour, tous, sauf un, ont retrouvé la liberté, leur village, et ceux qu’ils n’avaient pas eu le temps de tuer) : ils ont raconté calmement, placidement, d’une voix posée, presque neutre.

Paroles sans précédent, si l’on se réfère aux autres grands génocides du siècle (même si l’on pense, ici, au journal tenu par Rudolf Höss, le Commandant d’Auschwitz, ou, là, au film de Rithy Panh, S 21). Paroles littéralement sidérantes, au moins autant par la forme qu’elles prennent que par leur contenu, qui posent les questions essentielles sur l’homme, et ce qu’on a appelé, il y a moins d’un siècle « la banalité du mal », mais aussi sur les mécanismes – idéologiques, collectifs et individuels- qui en autorisent l’épanouissement. En 1995, j’ai mis en scène des Conversations avec Primo Levi, qui posaient déjà les mêmes questions, à propos d’Auschwitz. Un spectacle qui, vingt-huit ans plus tard, poursuit son chemin, dans toute la France. Ce travail en est le second volet. Le livre de Jean Hatzfeld alterne les paroles des « coupeurs », le regard aigu, bouleversant, de quelques rescapés – leurs « avoisinants »-, en majorité des femmes, et les réflexions, les mises en perspective de l’auteur. Tout y est passionnant. Le choix des textes, inévitable, s’est entièrement resserré autour des récits des cultivateurs, dans la volonté d’une confrontation nue, directe avec chaque spectateur. Pour que chacun, en toute liberté, se construise son jugement, ses interrogations. De Jean Hatzfeld, on a seulement conservé, en guise d’ouverture, les premières pages, et quelques interventions, comme autant de respirations nécessaires.

Difficile de parler de « spectacle ». Il s’agit plutôt d’une mise en voix collective, d’une « livraison » de récits : un choeur tragique du siècle – le tragique trouvant ici une dimension supplémentaire dans le décalage entre l’acte et la manière de le dire, un décalage tel qu’il frôle parfois, même s’il est difficile de le reconnaître, le burlesque. Tout le travail, ici, consiste à tenter de faire entendre ce décalage, dans la recherche de la transmission la plus juste, loin de toute réduction, ethnique ou psychologique. Quatre comédiens, une contrebasse, un mur et quelques lumières. Le mot, ici, est l’essentiel, et il s’agit, dans le temps et l’espace resserrés de la représentation, d’en dilater le sens, au maximum. Sans pathos ni métaphore. Primo Levi : « L’horreur est. Il vaut mieux laisser les choses se raconter d’elles-mêmes. »

Il ne s’agit pas de désespérer l’auditoire -à quoi bon ? – mais d’essayer de comprendre. Parce que ce qui interroge le plus, finalement, dans ces paroles, c’est leur insupportable proximité.

Dominique Lurcel

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LE MONDE LIBERTAIRE
par Evelyne Trân
« LE BRIGADIER FACE À L’HORREUR »

Le 7 avril dernier a eu lieu la journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsi au Rwanda, il y a 30 ans en 1994.
Pour mémoire entre avril et juillet 1994, 800.000 à 1.000.000 Tutsi ont été massacrés par les extrémistes Hutu. L’élément déclencheur, l’assassinat du président rwandais le 6 avril 1994, provoqua un déchainement de violence aveugle, alimenté depuis des décennies (les 1er massacres datant de 1959) contre l’ethnie Tutsi désignée comme race inférieure.

Les récits d’une dizaine de tueurs recueillis par Jean HATZFEL dans «Une saison de machettes » fait l’objet d’un spectacle en ce moment à L’Epée de Bois

Comment faire un spectacle d’un évènement atroce, le massacre de Tutsi dans l’indifférence internationale, à fortiori lorsqu’il s’agit de donner la parole aux bourreaux ?
Le metteur en scène Dominique LURCEL semble avoir trouvé la bonne distance pour rendre audible l’horreur par la voix même de ceux qui y ont participé.
Exit le sensationnel. Comme le souligne le metteur en scène, il y a un décalage entre l’acte et le dire. Les auditeurs plus que spectateurs dans la belle salle en pierre de L’épée de Bois, s’ils ne peuvent se représenter la réalité des massacres par l’image, peuvent être choqués par la crudité des récits où l’émotion ne passe plus, laissant la place à une sorte de ligne blanche comme si les tueurs ligotés par l’énormité de leurs actes avaient déposé leur conscience et ne pouvaient se regarder en face.
Ce que l’on comprend, c’est que la plupart ont massacré des Tutsi qui étaient auparavant leurs voisins comme s’ils étaient des animaux sauvages, et pour leur défense, déclarent avoir été enrôlés et avoir obéi à des ordres.
Suffit-il d’appuyer sur un bouton (on pense au bouton d’une radio) pour enclencher un mouvement de masse d’une population contre une autre ? Suffit-il qu’un gouvernement décrète que les Juifs doivent porter l’étoile jaune pour qu’en tant que citoyen l’on puisse s’éprouver complice par son silence de la Shoah ?
Il semble bien que les bourreaux étaient également victimes car ils ont été manipulés par des discours racistes si bien incrustés dans leurs cervelles que « les braves cultivateurs ou instituteurs » qu’il étaient se sont transformés en tueurs.

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LE CIMETIÈRE DES VOITURES

C’est le récit de la journée d’un hôtel, dont les chambres seraient remplacées par des carcasses de voitures rouillées… Où les personnages seraient chargés d’incarner les serviteurs, les puissants, les servis, les soumis, les artistes. Dans un monde où les femmes auraient presque toutes disparues et où la musique est interdite, une poignée d’individus survit dans un cimetière de voitures. Ils sont tous sur[1]veillés ou recherchés par une sorte de milice dont on ignore l’origine, et particulièrement l’un d’eux : Émanou, un musicien qui organise des concerts clandestins.

Mis en scène pour la première fois en France en 1966, et interdit  jusqu’en 1977, Le Cimetière des Voitures, a finalement été mis en scène en espagnol pour la première à la mort de Franco.
Le Cimetière des Voitures de Fernando Arrabal n’est pas à proprement une œuvre de théâtre au sens traditionnel mais plutôt un terrain de jeu, un champ d’investigation formidable pour le metteur en scène et les acteurs, parce qu’il propose moins un discours dramatique cohérent que des visions, une atmosphère et la possibilité d’une extrême théâtralité.

LE MISANTHROPE

En écrivant Le Misanthrope, Molière s’était lancé un défi ; il voulait réussir à représenter un homme entier, solitaire, totalement sincère, sans compromis et le confronter à une société contemporaine superficielle pleine de faux-semblants, aveugle et hypocrite, en besoin perpétuel de reconnaissance et incapable de donner un sens profond à son existence. Avec un Alceste amoureux, passionné, perdu, désespéré, sans repère, l’auteur cherche un chemin possible de salut pour l’homme. Faut-il partir vivre dans un désert, loin des hommes ou bien simplement se frayer un chemin entre ses frères et choisir un juste équilibre comme Philinte et Eliante ? Certes, il condamne Célimène à la fin mais ne nous donne pas de réponse. La vérité est-elle bonne à dire ? Quel pouvoir lui donner ? Que peut-on faire face à elle ? Et que peut notre homme face à nos travers, face à nos vices, face à l’amour et à la passion ? Molière cherchera toute sa vie, comme notre Alceste, « une » vérité dans un monde, son monde, condamné et broyé par le doute. Au contact de notre héros « donquichottesque » toute personne se heurte, se révèle comme face à un miroir brut qui ne mentira et ne trichera jamais : la vérité provoque et réveille l’autre, le fait sortir de lui même, de sa « zone de confort ». A la fin, malheureusement, le résultat est catastrophique : sans masque et en quelque sorte sans mensonge social, l’homme est une fatalité pour l’homme… et finalement ne peut aimer son prochain. Molière nous oblige à réfléchir sur l’art complexe du compromis afin de pouvoir vivre sereinement ensemble, en société et surtout avec l’être aimé, qui, comme Molière nous l’apprend, peut être notre contraire : Alceste est l’opposé de Célimène. Elle est tout ce qu’il déteste mais il l’aime passionnément.
Cette œuvre immense est à l’image de mon théâtre rêvé, fantasmé : un théâtre d’incarnation qui tend un miroir grossissant, tranchant, sans artifice au spectateur, à l’être humain. Par cette grande histoire et notre interprétation incarnée des personnages, je souhaite que le spectateur sorte de la salle ébranlé par ce qu’il a vu : une vision sans compromis de son époque.
Œuvre magistrale, pièce admirablement composée, à l’équilibre parfait entre comédie et tragédie, riche en rebondissements. Le Misanthrope n’a pas pris une ride et 400 ans après, est toujours à l’image du monde d’aujourd’hui. Manifeste social, politique et rêve de l’auteur, cette œuvre est et restera une pièce qui illumine ma vie de comédien et de metteur en scène, l’histoire d’un homme tendu vers la vérité et l’amour sincère mais harcelé par l’hypocrisie ambiante. Pour Molière le constat est amer : la bonté et l’amour ne sauveront jamais le monde et la vérité encore moins… Ne serait-ce pas lui le misanthrope ?

Thomas Le Douarec

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La presse en parle

« Le Misanthrope 2.0 fait le buzz… La mise en scène de Thomas le Douarec donne à son « Misanthrope » une dimension contemporaine, avec une troupe à la fougue enivrante… Tout le monde en parle, tout le monde veut le voir… les standings ovations s’y enchaînent… Une modernité des plus pertinentes… Un spectacle intelligent et d’une grande beauté. »
FRANCE INFO CULTURE. Jacky Bornet

« Notre coup de coeur… Après l’Idiot et le Portrait de Dorian Gray, Thomas le Douarec réitère l’exploit de revisiter le Misanthrope… Une vraie performance. »
LA PROVENCE. Jacques Charmasson

« Portée par 8 comédiens justes, talentueux et pleins d’énergie, cette pièce revisitée, entre rire et émotion est d’une étonnante modernité… Merci à Thomas le Douarec pour ce Misanthrope du XXIème siècle. »
LE VAUCLUSE – LE DAUPHINE LIBERE. Dominique Parry

« Rock, Glamour, connecté et rageur… Tout nous a séduit… Jean- Charles Chagachbanian est excellent… Le Misanthrope 2.0 endiablé…Bravo ! »
L’OEIL D’OLIVIER. Marie Céline Nivière.

« La Mise en scène de Thomas le Douarec est formidable aussi comique qu’atrabilaire, standing ovation… Les comédiens sont absolument formidables… On rit sans pause. »
TOUTE LA CULTURE.COM

« En cette année des 400 ans de Molière, Le Douarec (Le Portrait de Dorian Gray, L’Idiot…) revient en force ! (…) Un immense merci à l’ensemble des 8 comédiens pour ces deux heures inoubliables. »
SELECTION SORTIES

« Une transposition brillante et moderne qui fonctionne parfaitement avec le texte de Molière »
FRANCE 3

« Une pièce remarquable, admirablement bien servie qui va faire parler d’elle… Jean Charles Chagachbanian illumine la scène. Une vision moderne, décalée, déjantée et sans scrupule mais si drôle. … Une belle claque aux classiques. »
REGARTS. Fanny Inesta

« Si vous avez des adolescents, vous devez absolument les emmener voir ce Misanthrope. Molière aurait pu l’écrire hier. »
LES NOCTAMBULES D’AVIGNON. Vincent Pasquinelli.

LES LIAISONS DANGEREUSES

La marquise de Merteuil est très prisée. Elle est à la fois éminence grise et confidente. Il s’avère que, dans la coulisse, sa petite société a d’autres buts que seulement recevoir le grand monde. En effet, par un jeu de lettres, la marquise s’apprête à déshonorer sa pupille, Cécile de Volanges, grâce à son allié de toujours, le vicomte de Valmont. Le pacte passé entre les deux est scellé par le libertinage : en échange de la vertu de sa pupille, Merteuil promet de se donner à nouveau à son ancien amant.
Le plan de la prédatrice aurait pu réussir si la présidente de Tourvel n’était pas entrée dans l’équation. En effet, cette dernière, mue par la passion religieuse et des principes stricts, se refuse à la conquête ordonnée par Merteuil. Valmont, athée au dernier degré, va sentir basculer un point de son être : Tourvel lui fera prendre conscience de sa vacuité et l’éveillera à autre chose que le donjuanisme. De fait, Merteuil sera confrontée à la victoire du sentiment sur son instinct dominateur. Bien qu’elle soit quand même payée en retour par l’élimination de Cécile de Volanges, son ancien amant périra par le fer.
À force de vouloir « venger son sexe », elle ne sera plus maitresse du jeu, et son pouvoir passé la contraindra à être répudiée par toute la cour.

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La presse en parle

« Le dramaturge et metteur en scène, se servant des nombreuses thématiques présentes dans le roman, met en abyme le jeu des relations humaines, toujours aussi présentes aujourd’hui, où, par exemple, au moment où l’emprise manifeste qu’exerce la marquise de Merteuil sur les êtres qui l’entourent s’effrite et disparaît, seul l’orgueil qui la définit intrinsèquement lui permet de faire face. Beau travail d’écriture et belles incarnations à découvrir sur scène ! »
Fabrice Brunaud, Directeur du conservatoire à rayonnement régional de Rueil Malmaison

L’ENFANT DE VERRE

Quelque part dans les mers du Nord, perché sur une falaise, le royaume de verre de la famille Kilvik donne l’illusion d’un diamant parfait. À l’intérieur, tout, absolument tout est en verre : la vaisselle, les tables, les murs, et une délicate mésange, dont les filles héritent par tradition le jour de leurs 15 ans. Ce soir, Liv reçoit l’oiseau des mains de sa grande sœur. Mais au petit matin, la mésange s’est brisée dans sa paume. « L’accident » inaugure le début d’un bouleversement familial… comment trouver le courage de dire ? Faut-il percer la cloche de silence au point de fracturer tout l’édifice ?

Alain Batis, Léonore Confino et Géraldine Martineau nous plongent dans une fable lumineuse, aux confins du fantastique. L’enfant de verre puise son inspiration dans un sujet qui nous concerne tous : la famille, ses secrets et ses non-dits.

Un plateau de sable blanc. Sept miroirs verticaux sans teint occultent, dédoublent, révèlent…

Des costumes s’effeuillent comme des couches successives de la vie.

Un univers musical contrasté mêle percussions, piano et instruments électroniques.

Portée par sept comédien.n.e.s, la pièce tisse une partition théâtrale, visuelle, chorégraphique et convoque une parole profondément libératrice.

DÉSINTÉGRATION

« Nos parents ne joueront jamais au tennis, au badminton, au golf. Ils n’iront jamais au ski. Ils ne mangeront jamais dans un restaurant gastronomique. Ils n’achèteront jamais un bureau Louis Philippe, une bergère Louis XV, des assiettes Guy Degrenne, des verres Baccarat, ni même un store Habitat. Ils n’assisteront jamais à un concert de musique classique. Ils ne posséderont jamais de leur vie un appartement ou une jolie propriété quelque part en France où finir leurs jours tranquillement. Non, ils ont préféré investir dans des maisons au bled, en ciment, au prix de plusieurs décennies de sacrifices, qui ressemblent vaguement à des cubes et qu’ils appellent des villas. »

Une voix tente de se faire entendre. Celle d’une génération, celle que l’on nomme ‘issue de l’immigration’. Ils sont français, nés en France, mais un peu trop colorés pour être acceptés. D’un exotisme attachant lorsqu’ils a des gâteaux après l’Aïd, ce sont les mêmes que l’on regarde avec appréhension dans un wagon désert, le soir. Cette voix passe au crible tout ce qui les a construits, tout ce qui a généré ce tiraillement perpétuel, cette révolte sourde.

Les tabous, les traditions, la pauvreté et l’humiliation s’ajoutent au regard de la France qui, forte de son passé colonial, leur voue un amour hypocrite. Une nation en laquelle ils placent cependant leurs espoirs, mais pour les voir aboutir, les mentalités doivent changer. Alors que l’immigration ne quitte plus le débat politique, Ahmed Djouder écrit un texte d’une force inouïe dans laquelle il dresse les carences de l’intégration.

LES FLEURS DU TEMPLE

LES FLEURS DU TEMPLE
Un conte indien

La Pièce

Un prêtre brahmane mène une vie paisible, entièrement vouée à son temple et au Lingam, symbole du dieu Shiva et de l’énergie masculine.
Sa furtive rencontre avec Ranganayaki, courtisan d’une extrême beauté, vient soudainement bouleverser les conventions de son existence d’homme pieux, de mari fidèle et de sujet dévoué à son roi.
Confondu, il implore Shiva de lui venir en aide.
A travers l’adaptation de ce conte en un monologue dramatique, Girish Karnad, un des plus grands auteurs du théâtre indien contemporain, attire l’attention sur des sujets qui lui tiennent à cœur : l’hypocrisie des conventions, le conservatisme, le fanatisme religieux, qu’il combat tous.
Mais c’est aussi, et surtout, à mes yeux, un texte érotique sur le questionnement philosophique du désir et de la sagesse et les conflits intérieurs auxquels les êtres humains peuvent être confrontés.
Le péché même pour ceux qui n’ont pas la foi, est d’aller à l’encontre de sa propre conscience.
La vérité ne se résume pas dans la révélation divine mais le chemin que chacun parcourt dans sa propre conscience pour la découvrir et être en harmonie avec elle.

Cette pièce est  jouée et chantée par Asil Rais qui est aussi  le metteur en scène.

Asil Raïs

L’AVARE

Dans cette comédie, Harpagon impose à ses enfants et ses servant·e·s une austérité qui tourne au cauchemar. Il brime sa maison, rechigne sur chaque dépense jusqu’à plonger chacun·e dans un profond désarroi. Son avarice semble sans limite : il prive ses enfants des ressources indispensables à leur épanouissement, le cuisinier des moyens nécessaires pour nourrir la maison, les servant·e·s de leurs étrennes et les chevaux de leur foin…

Harpagon redoute ce que chacun·e peut lui coûter. Il cherche à marier sa fille sans devoir en payer la dot, s’adjoint les services d’une entremetteuse et d’un commissaire sans vouloir en payer les honoraires… Il lui est impossible de donner de l’argent sans avoir le sentiment qu’il se saigne, qu’il se vide de l’essentiel. Il veille sur ses économies comme sur sa vie, jour et nuit, redoutant que le moindre bruit annonce l’arrivée d’un voleur, suspectant son entourage jusqu’à ses propres enfants.

Il enterre et déterre mille fois par jour une cassette remplie d’écus, objet transitionnel, tentative désespérée de conjurer la mort. Persuadé que son or est un refuge au monde des vivants, il thésaurise. Harpagon est avare, certes, mais c’est pour lui une question de survie.

L’Avare est une pièce sur la mort, la jeunesse et l’argent. Molière y dépeint avec précisions, dérisions, excès, toute la folie d’un homme gagné par l’avarice. Cette comédie est une fable sociale sur l’ordre patriarcal, qui dénonce sa cruauté et la place réservée à la jeunesse.

LA PAIX PERPÉTUELLE

« Odin‚ Emmanuel et John-John sont les trois chiens finalistes du concours d’intégration à la prestigieuse unité antiterroriste K7. Il reste trois épreuves et un seul « collier blanc » à la clef. Selon Odin‚ les perdants seront « transformés en saucisses »‚ autant dire que l’atmosphère est tendue […       ]. Trois chiens‚ trois personnalités qui nous ressemblent. Sommes-nous meilleurs qu’eux ? À vous de juger ! »
Présentation des éditions Les Solitaires Intempestifs

Le lieu : un huis clos, sorte de rectangle vide, hangar sans ouverture et coupé du monde, vaste conteneur dont l’éclairage proviendrait dont ne sait où. Il y a de soudaines interventions de la musique.

La brutalité, la violence des personnages n’évacuent pas l’humour. Et l’humour n’évacue pas la brutalité et la violence. Et l’émotion.

Ces chiens trop humains sont-ils des mercenaires, des légionnaires de choc, des sous-prolétaires réquisitionnés et dressés pour être envoyés au feu moyennant finance ?

Qui a raison des trois chiens ? Odin, le rottweiler, lui le véritable mercenaire, rusé, revenu de tout, rejetant toute idéologie et toute morale et qui se vend au plus offrant ? John-John, le plus jeune, croisé entre plusieurs races, sorti frais émoulu – et passablement perturbé ! – de la meilleure école de combat et qui se veut résolument fidèle à l’homme ? Emmanuel, le berger allemand, en questionnement sur cette violence, humaniste, éduqué par une jeune maîtresse qui suivait des cours de philosophie ? Ou Cassius, le vieux labrador esquinté qui dirige le concours, figure héroïque et guerrière de l’anti-terrorisme ? Ne serait-ce pas en définitive L’Humain qui cherche le bon équilibre entre la violence de la raison d’Etat et la préservation de la démocratie ?

 Chacun à sa manière a ses raisons.

Aujourd’hui, en contraste avec la précédente pièce de Mayorga, Le Cartographe (ample pièce grave autour du ghetto de Varsovie), montée par la compagnie en 2021 au Théâtre de L’Opprimé, Hervé Petit, accompagné d’une partie de la même équipe,  a choisi cette allégorie animalière bouffonne et grave, profonde et légère. Un élément dramatique commun cependant  aux deux pièces l’a retenu particulièrement : la révélation d’un fait tragique  intime dans le cours de chacun des deux récits dramatiques, historique et politique dans Le Cartographe, contemporain, drolatique et d’actualité dans La Paix perpétuelle. Nous n’en dirons pas plus.

Juan Mayorga est né en 1965. Docteur en philosophie‚ professeur de dramaturgie à l’École royale supérieure d’art dramatique de Madrid‚ il est aujourd’hui l’un des auteurs espagnols les plus importants de sa génération. Il est auteur également d’essais sur la politique et sur le rapport de l’écriture dramatique à lʼHistoire. Ce questionnement se retrouve dans la trentaine de pièces qu’il a écrites à ce jour et qui ont quasiment toutes été mises en scène‚ publiées et traduites en plusieurs langues.

C’est un barcelonais, Josep M. Benet i Jornet, grande figure du théâtre catalan contemporain, et dont la cie a monté précédemment quatre de ses pièces traduites du catalan, qui a fait connaître à Hervé Petit le madrilène Juan Mayorga.  Josep –Papitu comme on l’appelait dans son pays- nous a quittés récemment. Qu’il lui soit ici rendu hommage.

PIRANDELLO SUITE

Pirandello Suite est un spectacle composé de trois pièces courtes, trois chefs-d’œuvre du maître sicilien Luigi Pirandello : Le brevet de sorcier, L’imbécile et La fleur à la bouche.

Dans le premier, Rosario Chiarchiaro, rendu fou par l’exclusion sociale, exige une licence, une sorte de brevet qui sera pour lui la reconnaissance de son présumé pouvoir de sorcier. Il se retrouve face au juge André, convaincu sérieusement que la malchance n’existe pas, mais Chiarchiaro est d’un tout autre avis.

Dans L’imbécile, Leopoldo Paroni est le directeur d’un petit journal de province qui n’hésite pas, via son journal, à diffamer ou souhaiter la mort de ses adversaires politiques. Quand il reçoit la visite d’un vieil ami un soir de grande agitation en ville, il est loin de s’imaginer que ses mots se retournent contre lui-même.

Dans le dernier volet de cette trilogie, l’action se passe une nuit d’été dans le bar d’une petite gare sur la côte sicilienne. Un homme qui a raté son train est entraîné dans une conversation troublante par « L’homme à la fleur à la bouche ». Petit à petit, celui-ci dévoile un fatal secret, un tremblement de terre intime, sous l’humour et l’élégance distanciée d’un homme affable.

Les pièces sont jouées en italien surtitré, ce qui permet aux spectateurs de découvrir la richesse de la langue et de la culture italiennes tout en appréciant ces chefs-d’œuvre intemporels.