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LA DERNIÈRE BANDE

Si nous avons la capacité d’enregistrer tous les moments de notre vie, nous pouvons donc chercher dans nos souvenirs le secret pour comprendre le présent.
Ce serait alors comme écouter la dernière bande de nos vies.
Dernière, car il n’y a pas de lendemain pour certaines personnes : il n’y a que le présent.

A. D.-F.

PHÈDRE

Ce grand poème dramatique rayonne intensément d’hier à aujourd’hui, et ne cesse de donner du sens en interrogeant nos vies. Ce poème dramatique est éclatant comme peuvent l’être les grands textes de Pasolini : un voyage immobile et visionnaire. Il trace bien sûr un lien ferme avec nos origines et notre vie contemporaine en évoquant en creux cette Grèce politique et culturelle des années soixante-dix. Et il réussit alors à parler du temps ; autrefois et ailleurs, ici et maintenant. Alors comment ne pas entendre par ce vrai- faux et superbe soliloque, un dialogue d’entre les morts à venir, une tentation/affirmation de la vengeance comme dernière œuvre ? Comment ne pas entendre le chaos du monde et de la Grèce « à la question » aujourd’hui ?
L’amante, le jeune homme et le mari, une situation de tragédie dans la cuisine qui nous ramène le mythe à un fait divers, et le fait divers au mythe. Une comédie de la vie ? C’est un peu cela, un moment privé nous est donné, une impudeur à cru. On se croirait dans une cage d’escalier, dans une tour de Babel où tout fait écho à la passion. Mais non, nous sommes dans un lieu calme, ouvert et beau et cela s’apparente à un coin de paradis. Mais sous les fougères et les herbes, à l’ombre de la nuit la conspiration, le meurtre, et la vengeance rôdent.

« La justice définitive de la mort et l’injustice de la vie » dit Phèdre.

Cette pensée à voix haute de Phèdre épingle ce moment qui s’étire entre eux, et définit d’une manière précise et hallucinée sa propre relation à son être, à sa famille, à son environnement, à ce lieu où elle rêve profondément éveillée. Elle convoque non seulement Hippolyte, mais elle-même pour une confession évidemment sans retour. Nous la verrons marcher entre ciel et terre sur ce fil de fer de la pensée, meurtrissant son corps tout entier avec pour objectif cette justice définitive de la mort face à l’injustice de la vie. Cette phrase accompagnera le travail de l’actrice qui vivra, mourra dans le corps de Phèdre. Se joindront à elle Hippolyte et Thésée. Nous serons tout entiers dans l’interstice de leurs jeux, les voyant courir à la catastrophe.
Pour convoquer ce travail et cette écriture, j’aimerais être dans un théâtre de sable où tout s’efface et perpétuellement recommence. Un théâtre qui semblerait immuable et qui s’inscrit malgré tout dans un changement presque imperceptible d’œuvre en œuvre. Un, deux, trois, soleil ! Et rien à peine n’a bougé… Un lieu qui évoque ce temps qui passe. Où l’on a l’impression d’être toujours chez soi et d’où l’on revisite tous les voyages possibles et à venir.
Pour être au plus près de ce théâtre je souhaite – avec Muriel Trembleau, la scénographe – métamorphoser un espace qui se définit comme la maison de Phèdre (un paradoxe, puisque dans le même temps elle n’est pas vraiment chez elle, à la fois forte et démunie, une invitée de trop).
Comment être à la fois dans la Grèce antique et celle d’aujourd’hui, transcendées toutes deux par le lieu singulier qu’est le théâtre, et être dans ce moment privé auxquels les spectateurs assistent ? Lieu immuable, temps immuable. Jouer sans doute sur cette idée du temps, élastique, qui interpénètre les époques. Un théâtre métaphysique ?
Un théâtre de fresques dont on a pris un seul fragment et qui joue pour nous la partie pour le tout.
La chorégraphie des corps sera celle du butoh. Cette danse de mort imperceptible, cette danse dramatique dédiée aux acteurs accompagnera le corps de nos personnages, accompagnera le mouvement des os dans leurs chairs. Travail que j’ai initié depuis plusieurs spectacles et qui m’accompagne à la fois dans mon parcours d’acteur et de metteur en scène.
La lumière de Georges Lavaudant sera comme un voile jeté sur la nuit de Phèdre. Nous serons aussi dans une convocation mais celles des essences. Que respirent-t-ils ? Et ces essences, nous devrons les sentir parce que nous les verrons.
À la fois sentir et voir.
Le son, l’espace sonore, feront écho à ces essences que je souhaite voir littéralement déchirées par les gestes des acteurs, un air vibrant et palpable comme la lumière.
La composition musicale de Marie-Jeanne Serero, à la fois âpre et aérienne, lancinera l’espace en répons aux corps des acteurs-danseurs. À la fois retrouver des sons anciens de la Grèce antique et redécouvrir l’œuvre des Pink Floyd. Interpénétration des époques encore une fois. Une mémoire. Pour mémoire.
Dans ce même ordre d’idée, les costumes travailleront cette fluidité des corps au féminin et au masculin dans la société populaire des années soixante-dix que je me plais à fantasmer. Je travaillerai avec les acteurs sur plusieurs sessions pour trouver une lente maturation, une lente descente dans le poème dramatique. Infuser. Toucher le fond.
Le théâtre étant à fleur de peau, il y a la nécessité et le désir de travailler en immersion pendant un temps très ouvert. Apprivoiser l’espace.
Et enfin, nous choisissons la traduction de Gérard Pierrat, qui réinvente la langue de Yánnis Rítsos. Elle a l’élégance, la sincérité, et la beauté des grands poèmes. Cette langue est comme une liane qui nous permet d’aller tout droit de sentiment en émotion pour transmettre en un éclair le grand théâtre des idées.
Cette Phèdre de Rítsos m’accompagne de longue date depuis la Phèdre de Racine que j’ai pu voir dans la mise en scène d’Antoine Vitez, à Avignon en 1976. Il y avait du Ritsos dans cette mise en scène. Le souci constant d’Antoine Vitez de traduire les poèmes de Rítsos a travaillé mon imagination et n’a cessé de solliciter mon désir de faire entendre et voir ce théâtre-là. Pour prendre date, enfin, je tournerai un film 3D en plan fixe de la mise en scène, à la manière de Wim Wenders.

Aurélien Recoing, Janvier 2023 Ce projet est dédié à la mémoire de Christian Gasc qui a créé les costumes de tous mes spectacles (1946-2022)

AURELIEN RECOING & ANN-SOPHIE ARCHER

L’AVEU, un impromptu sur le principe de la Princesse de Clèves

Une Autrice, un Acteur et un Réalisateur dans un espace vide flanqué d’un matériel de projection, d’un écran transparent et de matériel son… Le réalisateur vient d’achever le casting pour le rôle de la jeune princesse et déclare l’avoir enfin trouvée… Il propose d’essayer la lecture d’un dialogue écrit par l’Autrice entre Madame de Lafayette et Monsieur de la Rochefoucauld (amis fidèles) au sujet de la scène centrale de l’Aveu dans le roman « La princesse de Clèves», tentant d’introduire en vidéo quelques plans muets du personnage de la Princesse…

OH LES BEAUX JOURS

LES BEAUX JOURS….
Plus le temps passe plus on fait appel au passé pour retrouver l’hypothétique bonheur. Lorsque les instants présents nous semblent dérisoires ou même absurdes, il nous arrive de jeter un regard en arrière en quête d’un possible sens au présent. Mais, hélas, les beaux souvenirs sont toujours accompagnés des mauvais. La vie n’étant qu’une succession de jours et de nuits. Faut-il arriver au seuil de la mort, voulue ou subie, pour faire le bilan des nos beaux jours écoulés ? Voilà la question que le Poète nous poserait avant, pendant et après avoir vu sa pièce.

A. D.-F.
17.05.25

LE MAMELON
Une fois passé le temps des jeux avec les poupées, les marionnettes, les figurines, ceux qui ont le bonheur de rester liés au théâtre, peuvent nourrir le rêve d’achever leurs jours en jouant. Être enterré sous les planches où nous avons vécu tant de beaux jours, trouver notre dernière demeure sous la scène, mêler nos cendres à celles des innombrables personnages qui l’ont habitée, nous élancer du plateau devenu promontoire pour nous envoler vers l’au-delà, voilà notre souhait ultime.

A. D.-F.
23.05.25

CENDRES
L’enfant construit au bord de la mer un château de sable avec la joie et l’espérance qu’il restera sur pied, pour toujours, mais au fond de lui-même il sait que, dans quelques heures, la marée viendra et démolira tout, ne laissant sur la plage que du sable et quelques coquilles vides.
Devenu adulte, l’enfant continue à rêver et bâtit des villes, et même des théâtres, tout en sachant que demain d’autres hommes viendront tout détruire, tout brûler, ne laissant après leur passage que des cendres.
Mais l’homme sait aussi que sous les cendres couve la vie, que demain, une minuscule plante jaillira, faisant renaître un espoir.
Un jour, notre plateau, notre « mamelon », sera détruit et brûlé, la comédienne disparaîtra sous les cendres en se demandant « quel est ce vers merveilleux »…
Mais demain, le théâtre renaîtra, pour mourir à nouveau, et revivre…

A. D.-F.
24.05.25

LE TEXTE TOUJOURS
La passion pour un texte peut nous saisir dès la première lecture.
Au cours des répétitions, nous commençons à deviner pourquoi.
Plus on avance dans le travail, plus on est ébahi devant la beauté que l’auteur nous présente.
Mais il arrive que ce chemin merveilleux débouche tout à coup sur une impasse. Nous restons troublés, sans savoir quoi faire ni où aller. L’angoisse nous envahit alors, le vent du découragement commence à souffler sur la Troupe… c’est alors qu’il faut revenir à la source, c’est-à-dire au texte écrit par l’auteur.
Au bout de longues heures d’effort, il arrive que l’espace blanc qui sépare un mot d’un autre révèle soudain, comme sur un papier photographique, quelque chose de totalement inattendu.
« C’est génial ! », nous exclamons-nous ; mais ce mot peine à exprimer le sentiment d’être dépassés par quelque chose de plus puissant que l’auteur même… Le texte, toujours le texte.

A. D.-F.
30.05.25

*

« Soudain une souris… sur sa petite cuisse… plus haut… plus haut… et Mildred, lâchant Fifille dans son épouvante, se mit à crier ─ (Winnie pousse un cri perçant) ─ et cria et cria ─ (Winnie crie deux fois) cria et cria jusqu’à ce qu’ils accourent tous, dans leurs vêtements de nuit, Papa, Maman, Bibbie et la vieille… Annie, pour voir ce qui n’allait pas, ce que ça pouvait bien être mon Dieu mon Dieu qui n’allait pas. (Un temps.) Trop tard. »

WINNIE,
in Oh les beaux jours, Acte II

LES MISÉRABLES

Adapter Les Misérables, œuvre monumentale, en 1h50 est une audacieuse prouesse.

Une narration incarnée : Madame Thénardier comme fil rouge
L’originalité de cette version repose sur le choix de Madame Thénardier en narratrice. Avec une gouaille populaire et une adresse directe au public, elle brise le quatrième mur, créant une connivence immédiate. Ce procédé ancre l’épopée dans une forme vivante où la poésie hugolienne rencontre un théâtre résolument contemporain.

Une distribution virtuose et multidisciplinaire
Dix artistes incarnent la fresque humaine de Hugo : Fantine symbolise la douleur du peuple opprimé, les Thénardier en sont les bourreaux ; Javert incarne une justice inflexible, Monseigneur Bienvenue sa version idéalisée ; Gillenormand représente une bourgeoisie vieillissante, tandis qu’Enjolras, Gavroche et les étudiants éclairent l’avenir révolutionnaire. Au cœur de ce tumulte, l’amour de Cosette et Marius illumine l’obscurité, tandis que Jean Valjean incarne à la fois la quête de rédemption et le rôle de père déchiré.

Une scénographie cinématographique et une musique envoûtante
Une scénographie modulable traduit avec fluidité la dualité de l’œuvre : d’un appartement bourgeois à une auberge sordide, les décors se transforment à vue. Une création musicale en direct (accordéon, violoncelle, guitare, percussion et chant) renforce chaque tableau, mêlant mélancolie et intensité dramatique.

D’une beauté brute et organique, la mise en scène porte le paradoxe hugolien et confronte le grotesque au sublime. La grandeur de l’œuvre originale se conjugue à l’intensité du spectacle vivant, à la croisée de l’intime et de l’universel.

Extraits de presse

Le résultat est puissant et boulversant
C. Barbier – L’Express

Il peut paraitre étonnant de traiter en 1h50 seulement le chef d’oeuvre de Victor Hugo et c’est pourtant chose réussie ! Une adaptation aussi audacieuse qu’excellente !
Le Figaro

Réduire un roman de 2000 pages à un spectacle d’une heure et cinquante, voilà une compression digne de César. Servie par d’excellents comédiens, Manon Montel, qui signe l’adaptation et la mise en scène, accomplit avec brio cette mission impossible. Tant et si bien que, même si l’on a déjà lu et vu Les Misérables à satiété, on se laisse prendre.
J. Nerson – L’Obs

La mise en scène de Manon Montel gravite autour des personnages comme si elle était en train de les peindre au pinceau. Les tableaux d’une véritable beauté (Il faut saluer la costumière) palpitent sous une lumière très maîtrisée. Le spectacle, servi par d’excellents comédiens, impressionne.
Le Monde

Dans cette confrontation entre le grotesque et le sublime la symphonie hugolienne est à nouveau au rendez-vous. Avec des êtres ordinaires, des gentils et des méchants, des horribles et des pervers. Comme dans la vraie vie. Et c’est pour cela, aussi, que l’on y croit.
L’Humanité

RHAPSODIE POUR CHAUVE (Fantaisie pour six clowns quantiques)

Dans cette exploration libre de La Cantatrice chauve cinq clowns s’emparent du texte revisité et réinventé du chef d’œuvre d’Eugène Ionesco, recréant sur la scène un univers à la fois totalement cohérent tout aussi délirant mais jamais absurde. Jusqu’à nous emporter dans une folie proche de celle des Marx Brothers.

LE MOIS DES DIASPORAS

Le Mois des Diasporas est un événement musical unique pour découvrir toute la richesse des identités et des traditions musicales d’Europe, de Méditerranée et d’Orient.
Une série de représentations pour faire résonner à travers le temps et l’espace, une mosaïque de cultures qui met en lumière de multiples répertoires qu’ils soient autour des femmes, des cabarets ou encore de l’exil.

Pour chaque spectacle, on retrouve un univers musical dédié et un patrimoine culturel réhabilité :

11 janvier – 19h
Yiddishokl : L’âge d’or des cabarets yiddish à travers des chansons d’artistes originaires d’Europe centrale : une odyssée entre Rio de Janeiro, Buenos Aires et le Paris des années 50.

12 janvier -14h30
L’OrienBal : Les cabarets orientaux parisiens des années 30 à 50, parmi les plus dynamiques et populaires de l’époque. Au programme : Chansons d’Alger, du Caire et d’Istanbul.

18 janvier – 19h
Voix des Diasporas : L’ouverture des communautés en exode qui, au gré de leur exil ont conservé une grande partie de leurs identités et de leurs traditions.

Crédit : David Bourla

19 janvier 14h30
ExilOndE : La mémoire de l’Algérie avec toutes ses mosaïques culturelles et historiques dont les répertoires musicaux inspirent et fédèrent des générations.

25 janvier 19h00
L’Aimée de Tous : Un hommage aux artistes de la Tunisie des années 20 à travers l’histoire d’une artiste emblématique dans l’histoire du théâtre et de la musique arabe Hbiba Msika : l’Etoile de Tunis.

26 janvier 14h30
Hanina : Des noces séfarades de l’Ex-Empire Ottoman où la transmission des chants traditionnels permet à la sororité des femmes de rééquilibrer les pouvoirs.

 

 

 

LE DOUBLE

« Ô ne croyez pas à l’unité de l’homme » Dostoïevski

Cette adaptation du deuxième ouvrage de Dostoïevski, Le Double, est un projet auquel je pense depuis plus de 20 ans !

Ce qui m’a toujours passionné dans Le Double de Dostoïevski c’est la combinaison du tragique et du comique. Le petit fonctionnaire Goliadkine dans ses magnifiques monologues prête à rire et à pleurer. On a véritablement affaire à un personnage de théâtre, bien vivant, qui exprime son mal être, sa solitude, sa mesquinerie et sa frustration dans une superbe langue, très proche de l’oralité, très bien rendue par le traducteur.

Dostoïevski est aussi un romancier et il ne se prive pas de le montrer par de très belles descriptions sonores et visuelles comme l’orage sur St Pétersbourg qui surprend le pauvre Goliadkine chassé de la fête donnée par le conseiller d’état Olsoufi Bérendéiev. Ce qu’on essaiera de rendre par un film très musical. C’est dans ce déluge d’images et de bruits que Goliadkine, tout près du suicide, rencontre son double .

Fidèle à mes travaux précédents( Fin 2023 – dans ce même théâtre Il est interdit de vieillir) le film va une nouvelle fois DEVENIR UN PARTENAIRE DE JEU . Le cinéma que je mêle depuis toujours au théâtre offre dans cette perspective un double aspect : celui de représenter à la fois le réel et le rêve.
Le monde de Goliadkine est effectivement beaucoup un monde de fantasmes. Godliadkine se construit sa propre réalité et la provoque d’une certaine façon pour après s’en plaindre. Il veut entrer « dans ce film-là » celui de la haute société où sait si bien évoluer son double. Il dénigre la facilité, l’habileté, la duplicité de « l’intrigant » tout en l’enviant car lui ne sait pas s’y prendre.

Sur la scène, le même comédien interprètera Goliadkine et son double.
Ce qui est fascinant (on l’espère pour le spectateur) et exaltant pour le comédien c’est de donner à voir l’invisible. Faire exister par la force du regard, la précision du geste une personne absente. La confrontation entre les deux personnages doit faire illusion. Comment remplir le vide, lui donner vie ? Des questions troublantes et passionnantes pour un comédien et un metteur en scène.
Goliadkine a non seulement un double sur la scène mais aussi un autre à l’écran ! Un double qui pourrait être Dostoïevski lui-même qui s’amuse de son personnage, le commente, le désavoue, le ridiculise et parfois l’étreint comme un frère. Nous sommes tous un peu des « Goliadkine » souffrant de ne pas être reconnus, de ne pas être à notre place.et d’ailleurs Dostoïevski va jusqu’à avouer « je deviens de plus en en plus un Goliadkine »

Sur l’adaptation
L’action principale est la relation entre le petit fonctionnaire et son double ; j’ai ainsi éliminé les diverses lettres échangées et réduit le nombre des protagonistes. Parmi eux, j’ai privilégié Guérassimytch, le vieux serviteur du Conseiller d’État. Il est la figure paternelle qui se penche avec tendresse sur les désarrois du petit fonctionnaire, rêveur, solitaire et tragiquement comique. Il est interprété par Gérard Muller qui enfermé dans son film interpelle un autre enfermé, Monsieur Goliadkine conseiller titulaire de Neuvième rang.
L’autre grande question que soulève l’ouvrage est celle de son ambiguïté. Est-ce un récit fantastique ou une hallucination ? Ce récit a donné lieu à de multiples interprétations contradictoires. C’est un des ouvrages de Dostoïevski les plus commentés.
Dostoïevski lui-même, semble en effet ne pas avoir choisi. J’ai conservé en partie cette ambiguïté .
Et le récit oscille ainsi d’un aspect à l’autre . À vous de choisir .

Henri Gruvman

LES INNOCENTS

17 février 1905 à Paris. Maurice Paléologue, collaborateur de Delcassé au ministère des Affaires Étrangères, écrit dans son journal :

« Cet après-midi vers 15h (soit 13h à Paris), comme le grand-duc Serge, gouverneur général de Moscou, traversait le Kremlin, un terroriste lui a lancé une bombe, qui l’a mis en pièces. Aussitôt la nouvelle parvenue au Quai d’Orsay (17h), le ministre me charge d’aller la communiquer au grand-duc Paul.« 

La Russie, en 1905. L’assassinat du grand-duc Sergueï par le révolutionnaire russe Ivan Kalyaev. Le récit commence avec les préparatifs minutieux d’un attentat et se termine sur l’échafaud. Quatre révolutionnaires, prêts à se sacrifier pour leur cause, suscitent une question troublante : sont-ils finalement des assassins ou des innocents ? Alors que la Russie est en guerre, les révolutionnaires luttent contre le régime tsariste, inconscients que la dictature soviétique à venir sera une nouvelle geôle pour le peuple russe.

Un spectacle en français et en russe, avec des extraits des œuvres de Leonid Andreev, Ivan Kalyaev et Boris Savinkov

UNE ODYSSÉE EN ASIE MINEURE – Festival

Festival Une Odyssée en Asie Mineure – Diptyque

Première Partie – Ménélas Rebétiko Rapsodie
De Ménélas et d’Hélène, nous avons des idées, des points de vue qui tiennent souvent de l’arbitraire et du cliché. Le premier est toujours décrit comme un faible, un mou, voire un lâche. Le fait que son mari ne soit pas à la “hauteur” enlève à la fuite d’Hélène, toute force amoureuse. Elle ne part pas avec Pâris, mais elle fuit un type dénué de charme et de beauté. De ce fait elle devient l’archétype de la putain. Celle par qui viennent la discorde et la mort. On lui interdit le droit de disposer de son destin. Et dans cette période archaïque où la femme est l’objet de toutes les convoitises, il est pénible pour les hommes, encore aujourd’hui, de comprendre la décision d’une femme amoureuse.

Deuxième Partie – Hélène après la chute
Hélène après la chute, pièce à deux personnages et un pianiste, relatant les retrouvailles d’Hélène et de Ménélas, après la chute de Troie. Il y est question de l’appropriation du corps des femmes par les hommes, du rapport des femmes à leur corps, et de leur liberté.
Ce texte est le deuxième volet de la pièce Ménélas rebétiko rapsodie, écrit, mis en scène et interprété par Simon Abkarian en 2013.