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PILOTE

Thème
Délivrer les vocations et avoir confiance sont les grands thèmes que nous voulons aborder avec « PILOTE« .

Se sentir lié au monde n’est pas une question de compétence mais de confiance. *  » Il n’y a pas de fatalité extérieure, mais il y a une fatalité intérieure : vient une où l’on se découvre vulnérable ; alors les fautes nous attirent comme un vertige ».
L’homme est sauvé à partir du moment où il a la vocation. L’Œuvre de Saint Exupéry est celle d’un homme qui a décidé de vivre en accord avec la nature profonde de sa personnalité où l’on retrouve fréquemment les mots vérité, vocation, terrain favorable … terrain qui fertilise les vocations ou pas : *« …Les vocations sans doute jouent un rôle. Les uns s’enferment dans leurs boutiques. D’autres font leur chemin, impérieusement, dans une direction nécessaire : nous retrouvons en germe dans l’histoire de leur enfance les élans qui expliqueront leur destinée. » Se sentir responsable, là réside le courage.

Le courage est un des grands thèmes de l’œuvre d’Antoine de Saint Exupéry. Il en a fait un axe majeur de son existence. « …/…se délivrer du monde des villes et de leurs comptables… de ces dimanches absurdes…de la machine à emboutir…lancer des passerelles. » Comme pour cet enfant, le petit prince, méconnu des grandes personnes qui crie son droit « d’être lui-même « .

Synopsis
Un PILOTE entreprend de faire une course reliant l’Europe à l’Asie en avion. D’abord la course puis la panne, l’accident, la chute. L’accident met à nu. Le dépassement de soi se fait dans l’épreuve du vide. Certaines nuits, l’enfant est là, il lui raconte son voyage … astéroïdes peuplés de grandes personnes. Ainsi durant 4 jours il marche en quête, jusqu’à sa délivrance, jusqu’à sa rencontre avec un homme, un touareg, qui le sauve à l’aube du 5e jours en lui donnant de l’eau.
Il s’oriente : Est/Sud/Est Nous sommes à une époque ou pour se diriger le pilote se repère au soleil et quand il se couche, aux étoiles et à la lune, seul, sans radio, il vole en évitant, s’il le peut ! les brumes et nuages. Il vole, traverse la méditerranée puis longe les côtes du nord de l’Afrique pour arriver aux abords du désert, royaume des sables, des vents et des Touaregs. D’abord la course puis la panne, l’accident, la chute. L’accident met à nu. Le dépassement de soi se fait dans l’épreuve du vide. Le mouvement agit comme essence du lien vital, celui qui nous rend en vie. L’obstacle devient alors découverte de soi. «L’accident comme souci de soi ou la rencontre mise en scène, de la fatalité, de la mascarade et de la grâce » (Cynthia Fleury -Pretium doloris) Il marche des heures durant malgré la soif, dès le lever du soleil. Est /Sud -EST : orienté. De mirage en mirage, en quête, il expérimente l’essentiel … l’eau. Enfance. Ses nuits sont peuplées de souvenirs.
Certaines nuits, l’enfant est là, il lui raconte son voyage … astéroïdes peuplés de grandes personnes : un roi, un businessman, un vaniteux … mais aussi un renard.

Solitude
Il se rend compte aussi qu’il n’est pas si seul finalement, des traces sur le sable lui rappellent que la vie s’installe partout, même dans le désert. Des traces : un renard, un serpent et son regard sur le monde. Ce monde, celui des grandes personnes perchées sur leur astéroïdes : *« ce monde… ses machines à emboutir… avec ces absurdes dimanches ». * « Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part. « Ainsi durant 4 jours il marche en quête, jusqu’à sa délivrance, jusqu’à sa rencontre avec un homme, un touareg, qui le sauve à l’aube du 5 e jours en lui donnant de l’eau. Ce qui sauve. Il survivra grâce à une orange et une gourde d’eau retrouvées dans la carcasse de l’avion. Mais surtout grâce à sa formidable envie de vivre et son courage. Au regard qu’il porte sur le Monde, au regard qu’il porte sur lui-même.

 Il sait que *« ce qui sauve, c’est de faire le premier pas. Encore un pas. C’est toujours le même pas que l’on recommence… »

*Terre des Hommes de Antoine Saint Exupéry

COMME S’IL NE MANQUAIT RIEN

Note d’intention
A la vue d’une peinture de Jean Pierre Schneider dont la figure est une jarre, suggestion du vide ou appel de la plénitude. Blandine Jeannest se remémore le vers de Yannis Ritsos « comme s’il ne manquait rien alors que tout manquait » extrait de « Les vieilles femmes et la mer ».
C’est à travers les voix de femmes grecques contemplant leur vie et la mer « sur le chemin d’en haut où commencent les vignes » que Yannis Ritsos aborde les grands thèmes de son œuvre poétique, sensuelle, intense et parfois désespérée : le temps, la mémoire, la mort, l’absence, la présence des objets du quotidien, la filiation. Ritsos est hanté par « son rocher» natal lourd de souvenirs historiques et de la mémoire d’une famille tôt détruite. Est évoquée la condition des femmes grecques en attente des hommes absents, partis en mer ou happés par l’histoire. Pour Yannis Ritsos l’engagement en littérature et en poésie va de pair avec l’engagement politique dans un 20e siècle grec ponctué par la seconde guerre mondiale et les dictatures.

Les musiques :
En écho à la parole de ces femmes, trois musiciennes  au chant, violoncelle, piano interprètent une musique méditerranéenne qui est à la fois la résonance, prolongement et silence du texte : le lamento d’Ariane de Monteverdi et les plaintes de Caccini, les chants populaires grecs de Ravel, les accents de Granados et Falla ainsi que les harmonies intemporelles d’Arvo Pärt répondent par leur intensité poignante au verbe du poète engagé dans l’histoire mais aussi dans une quête existentielle universelle.
La mise en scène de Jean Pierre Schneider divise le plateau en espace maritime et terrestre, les blocs d’une digue étayant la mémoire vacillante des femmes. Les matières de la peinture de Jean Pierre Schneider, leur matité disent un réel dont la parole poétique de Ritsos ne s’affranchit pas mais qu’il dépasse dans la lumière des horizons maritimes d’une Grèce éternelle. 

LA RETIRADA – « Espagne Au Cœur , Paroles d’Exil »

Espagne 1936/1939: c’est la guerre, le combat, l’exil, les camps de réfugié-e-s en France, l’engagement dans la résistance en 1940. Récit, poésie, danse, musique, chant, images projetées sont au rendez-vous dans la « Baraque de la culture », lieu intemporel, improvisé à l’intérieur du camp. Un spectacle pour le public incluant celui des collèges et lycées.

LA PRESSE EN PARLE

« Un cri qui appelle la mémoire de l’homme (…) Odile Michel, s’appuyant souvent sur des textes inspirés de périodes troublantes de l’histoire, nous convie, cette fois en Espagne, pendant la guerre. Ce spectacle a réuni des artistes de grand talent et suscité une grande émotion (…). »
Michel Grisey, Le Midi Libre

« (…) Un subtil assemblage de poèmes, de témoignages, d’images, de musiques et de chants. Un spectacle tout en noir et blanc, mis en scène par Odile Michel. Une présentation poignante. Le tout ponctué par des lettres qui une fois lues tombent des mains des comédiens comme des feuilles mortes. ”No Pasaran” est devenu le cri de tous les antifascistes du monde, “Pour ne pas oublier ”, raconter cette période sombre de l’histoire d’Espagne qui, à nos portes, trouve aujourd’hui encore bien des échos. Ce spectacle est le fruit de recherches approfondies et de réflexions (…). »
Marcelle Dissac, Dauphiné/Vaucluse

« (…) c’est avec la poésie de combat, les témoignages, les documents projetées sur écran, des musiques et des chants, qu’Odile Michel a fait partager avec sensibilité et sans misérabilisme, les fragments de cette vie d’exode et d’enfermement: L’histoire d’une guerre qui résonne encore aujourd’hui avec tellement d’actualité. »
Jacqueline Armand, La Provence

« Quand la poésie réveille les souffrances endormies de tous les déracinés de la terre. Avec “Paroles d’Exil” (…) entrecoupé d’images d’archives sur la fuite du peuple espagnol hors d’ un pays en proie à la folie fasciste, Odile Michel transporte le spectateur dans cet épisode tragique de l’histoire. Les déclamations sobres et profondes des poésies dépassent la contingence des lieux où ils ont pris naissance. Ce spectacle met en scène avec beaucoup de chaleur la portée universelle de la souffrance de tout un peuple. Comme des appels venus de loin, les sentiments exprimés ressemblent à nos peurs nomades endormies avec lesquelles, il y a longtemps, il nous a bien fallu survivre avec dignité. La poésie évoque la force suscitée par ces retrouvailles archaïques gravées au plus profond du désespoir entre “Les larmes et le Salut ». Un entre deux par lequel ” face à la mer des vents, pour être vivants à jamais, soyons d’éternels mourants”… »
Michel Ban, La Marseillaise

« (…) particulièrement émouvant et fort. On est plongé dans la lutte contre le fascisme où brillait l’espoir ”No Pasaran”, “La cause de toute humanité éprise de progrès ».(…)  »
M.H Loubatie, Grand Avignon

LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD

Silvia craint d’épouser sans le connaître Dorante, le jeune homme que son père, Monsieur Orgon, lui destine. Elle décide alors d’échanger les rôles avec sa femme de chambre, Lisette, en espérant ainsi mieux observer son prétendant. Mais Dorante a eu la même idée : il se présente chez Monsieur Orgon déguisé en serviteur, nommé Bourguignon, tandis que son valet, Arlequin, se fait passer pour lui. Seuls Monsieur Orgon et son fils, Mario, sont informés du travestissement des jeunes gens. Ils choisissent de laisser libre cours au « jeu de l’amour et du hasard » et d’en savourer le spectacle… tout comme nous. Une pure comédie !

Marivaux bouscule l’ordre établi et trouble les préjugés, en inversant les rapports maîtres/valets. Bien sûr, cela donne lieu à des situations délicieusement décalées, à des complications et quiproquos, à des dialogues étincelants. Ce sont les femmes, avec les serviteurs, qui tirent le mieux leur épingle du jeu… de l’amour et du hasard.
Marivaux est féministe avant l’heure et souhaite voir les femmes s’émanciper de la tutelle masculine, père, frère et mari. Le propos n’est pas si éloigné de notre époque, car faire exister son désir, pouvoir tout détruire pour lui, reste un combat éternel.

Pour le metteur en scène, le jeu de rôle tourne au jeu de massacre amoureux, chacun se trouvant en face de sa chacune sans le savoir : « Si cette pièce nous joue la comédie, c’est toujours au prix de la souffrance des quatre personnages principaux. Ils se débattent dans un monde où leurs propres sentiments leur échappent peu à peu. » Philippe Calvario signe une mise en scène furieusement décalée, joue avec les époques, instille les airs les plus torrides de Gainsbourg et des chorégraphies entre les actes, il casse les codes et ajoute de l’audace à un propos qui n’en manque déjà pas !

LA PRESSE EN PARLE

TT  – ON AIME BEAUCOUP
« Une réussite due aussi à Philippe Calvario, dont la mise en scène pleine de fantaisie donne un réel coup de jeune au texte de Marivaux. Sans le dénaturer. Sans le trahir. »
Michèle Bourcet – Télérama

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UNE LANGUE ÉTINCELANTE
« Un bonheur de langue étincelante, de faux semblants, de situations qui se moirent de mille et une nuances et une jolie troupe pour la jouer sous la très grande direction de Philippe Calvario. »
Armelle Helliot – Figaroscope

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MARIVAUX DANS SA VÉRITÉ
« L’intelligence faite théâtre. C’est cela qu’on a aimé dans la mis en scène de Philippe Calvario. Il casse les codes, il libère Marivaux des corsets dans lesquels on l’enserre trop volontiers, il le restitue dans sa vérité (…) la sincérité est là. La pièce dans ce qu’elle a de grave résiste, notamment grâce à une interprétation de qualité (une très sensible Marie Pierre Nouveau). C’est un spectacle très rafraîchissant, spirituel et vivant. »
Philippe Tesson, Le Figaro

UNE DÉMOCRATIE SPLENDIDE D’ARBRES FORESTIERS

Un orgue Farfisa, un piano Rhodes, un acteur, une cabane, des joncs, une chaise, la lune, des bouts de film, les mots d’un poète.
Chaque spectacle est un pari !
Celui que sur scène quelque chose va venir, quelque chose va s’adresser à nous et en nous à ce que nous avons de plus précieux.
Ici, ce quelque chose, ce seront les mots de John Keats.
John Keats – fils du propriétaire d’une écurie de louage, convaincu que l’humanité plutôt qu’une « lande rase » pouvait devenir « une splendide démocratie d’arbres forestiers », mort à 26 ans, devenu en moins de cinq ans un des plus grands poètes romantiques.
Durant 1h20, nous allons devenir les destinataires de ses lettres et de ses poèmes, destinataires de sa fougue, de sa jeunesse, de sa droiture, de sa profondeur, de sa fantaisie.

JUSTE LA FIN DU MONDE

« Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. »

J’emprunte à Nicolas Boileau cette strophe, tant elle paraît répondre à ma volonté de re-créer Juste la fin du monde.
Car il s’agit bien ici de « refaire » et non de reprendre, pour citer Peter Brook.
Depuis ma première mise en scène de ce texte, voilà déjà douze ans, j’ai exploré la totalité de l’œuvre de Lagarce. C’est en partie mon interprétation de Du luxe et de l’impuissance sous la direction d’Ivan Morane en 2014, qui m’a donné l’envie de refaire ce spectacle, m’en donnant une lecture nouvelle. Comme une nécessité.
Évidemment, le temps aussi m’a donné de nouvelles armes pour aborder un spectacle, sa forme et ses enjeux.
À l’origine, c’est l’écriture de Lagarce qui m’a tout d’abord captivé et fait découvrir son œuvre récente, mais déjà classique; cette nécessité et cette précision du langage pour mieux se connaître soi et les autres. Une écriture dans un entonnoir, des mots dans un alambic; une parole «en marche», qui bute, trébuche, s’accélère, ralentit, mais avance avec opiniâtreté dans le seul souci de dire, de résoudre, de remettre l’homme dans la cité.
2005/2017 : que c’est-il passé ? L’histoire nous apprend que le temps tente de nous apporter la paix et le progrès, tant industriel que social. Ces récentes dernières années et celles qui se dessinent clairement, semblent bien vouloir écrire une toute autre histoire du monde…
Juste la fin du monde, comme une expression de l’impossible: «Si je fais ça, ce sera la fin du monde!»?
Un homme «jeune encore», à la porte de sa propre disparition, la fin de son monde, son univers, son environnement, sa famille, ses communautés… tout cela à la fois! Le prisme familial de cette pièce est le reflet de nos sociétés, avec ses intolérances, ses replis, ses conflits, ses désirs, ses doutes, ses pulsions destructrices ou merveilleuses, dans un incessant aller-retour émotionnel.
À notre époque où domine le renoncement à l’autre, regarder autour de soi, rester éveillé, vigilant, dans une saine colère, c’est ce que nous dit Juste la fin du monde et au sens plus large, l’œuvre de Jean-Luc Lagarce et qu’il faut mettre en évidence ici.
Enfin, toute l’action de Juste la fin du monde est menée par l’unique volonté et le seul point de vue d’une personne: Louis. Sommes-nous dans la réminiscence, dans l’espoir, l’envie ou le fantasme de son retour? Il y a ici, une vision quasi cinématographique (une proposition d’angle de caméra, de montage) qui continue à m’interroger et me fasciner; c’est aussi à cet endroit que se trouve tout l’enjeu de notre travail, en s’appropriant la construction et la rythmique de l’écriture, sans la rendre formelle.
Et toujours «faire spectacle» de tout cela, sans lamentations, sans ennui.

La presse en parle

« Aussi cruel que brillant. »
L’humanité

« Une mise en scène taillée au cordeau. »
Marianne

« Une vision vertigineuse. »
Le Monde

« Universel et mordant. »
Le JDD

« Des acteurs bouleversants. »
Télérama

« Excellents ! »
Le figaro

DU LUXE ET DE L’IMPUISSANCE

Chez Jean-Luc Lagarce, tout est théâtre.
Son œuvre théâtrale, bien sûr ; mais pas seulement.
Ses récits également ; cela a été largement prouvé.
Mais aussi son journal.
Et cela me paraît évident encore d’avantage avec Du luxe et de l’impuissance, le recueil de ses éditoriaux.
Tout y est théâtre, parce que rien n’y est théâtral.
La Vie est là, à chaque mot, entre chaque mot. Évidente, simple, bouleversante, elle est là, à en pleurer, à en rire aussi.
La Vie ; et la Mort aussi.
Cette succession d’articles est un seul récit; qui a son unité de temps, de lieu et d’action.
Le personnage est chez lui (ou dans sa loge); il va sortir (ou entrer en scène); pour toujours (il se rend à l’hôpital où il sait qu’il va mourir) ; il doit se préparer à sa mort, choisir ce qu’il va emporter.
Aucun accessoire réaliste, ou le minimum; l’acteur et les mots les font exister.
La présence de l’acteur dans un grand espace presque vide et les mots de Lagarce, et toutes les pensées, les émotions non dites, et qui, je le souhaite, seront entendues, comme l’infini- ment grand et l’infiniment petit qui affleurent entre les mots du dernier texte du recueil, définition admirable du comédien, et de l’humain, ce qui chez Lagarce revient au même.
Crée en juillet 2014 au Théâtre des Halles (dir. Alain Timar). Nous ne «reprenons» pas ce spectacle, mais, comme le dit Peter Brook, nous le « refaisons », riches tous deux de nos ressentis depuis le plateau et depuis la salle.
Le cadre et le dessin sont les mêmes, mais nos doigts sur la toile ferons encore plus ressortir les détails, creusant, lissant, écrêtant…

Ivan Morane

LE TEMPS DES OGRES

Dans les contes, l’Ogre est souvent dépeint comme un monstre bestial, aveugle et sanguinaire, animé d’un appétit féroce de chair fraîche. Mais ce qui le rapproche « dangereusement » de nous, c’est sa faculté d’éprouver les sentiments qui nous animent tout au long de notre existence, la colère, la joie, la tristesse, la peur. Il est «L’homme sauvage qui mange les enfants », selon Charles Perrault, et qui nous inspire une crainte enfantine et ancestrale de la dévoration, mais il nous ressemble un peu. Qui sont les Ogres, où sont-ils ?
Débordant d’un désir insatiable de pouvoir et de richesse, l’Ogre des contes de notre enfance a changé d’apparence, et si je l’imagine en chef d’état, en chef religieux, il reste un Ogre, il est devenu celui qui dévore nos libertés. Je pourrais l’imaginer en apôtre de la finance, promoteur d’une machine économique néolibérale qui soumet les individus aux exigences de la compétition et du profit et qui menace nos libertés. Mais je préfère imaginer son visage d’enfant, et je me dis qu’avant d’être un monstre, il a connu les mêmes frayeurs que les autres enfants, et je suis sûr que lui aussi il a eu peur d’être englouti par le Grand Méchant Loup. J’imagine alors la paranoïa du tyran prendre le visage de ce Grand Méchant Loup, avec la peur de perdre le pouvoir et la richesse, une peur viscérale qui lui ronge les entrailles et qui va inévitablement provoquer sa chute. LA CHUTE DU TYRAN, c’est possible !
J’ai imaginé un grand jeu de massacre, une sorte de chamboultout géant où l’on pourrait incendier les effigies des Ogres Pol Pot, Hitler, Staline, Bokassa, Pinochet, Mao, Bachar el-Assad, et tous ceux qui sévissent encore aujourd’hui, comme un exorcisme pour crier sa colère et sa révolte contre les fossoyeurs de la LIBERTÉ, pour exprimer sa tristesse au souvenir de toutes les victimes de la barbarie des hommes. ALORS j’ai imaginé une version sanglante de « L’arroseur arrosé », un conte tragi-grotesque que l’on appellerait LE TEMPS DES OGRES, ou comment l’Ogre devient à son tour victime de la crainte qu’il inspire, celle de la DEVORATION.
Et puis des condamnations et des sentences de mort qui résonnent comme des coups de marteaux sur une enclume, depuis trop longtemps… et puis cet interminable cortège funèbre de martyrs, des noms de toutes les couleurs, depuis trop longtemps… 19 ans de prison pour avoir osé chanter dans sa langue maternelle le kurde. Torturée, violée, assassinée pour avoir manifesté son désir de justice, de liberté et d’égalité. Morts après plusieurs mois de jeûne de protestation contre la répression. 33 ans de prison et 148 coups de fouet pour avoir exprimé son désaccord avec l’obligation de porter le hijab. Morts pour la liberté d’expression. Nasrim Sotoudeh, Daniela Carrasco, Havrin Khalaf, les journalistes de Novaïa Gazeta, Nudem Durak, Ibrahim Gökcek et Helin Bölek, et tous les autres, des enfants, des femmes, des hommes, dans les pogroms d’Europe de l’Est, dans les camps d’extermination nazis, au Rwanda, au Cambodge, en Syrie, en Palestine, quel avenir pour les Kurdes? Combien reste-t-il d’Indiens sur le continent américain ? Depuis trop longtemps…
Alors, pleurer sur le sort des opprimés, OUI ! Mettre la tristesse, la révolte et la colère au service du rire, c’est encore mieux ! Alors j’ai choisi le rire, le rire cruel. L’humour et la cruauté pour aiguiser notre vigilance et notre sens critique face à la montée des doctrines nationalistes et des intégrismes religieux. L’humour et la cruauté pour évoquer le comportement despotique des dictateurs, la privation des libertés fondamentales et le déshumanisation de l’individu dans les régimes totalitaires. Du burlesque dans le tragique, et du tragique dans le burlesque, à la manière de Ionesco, Brecht, Jarry, et tant d’autres qui ont préféré choisir le rire cruel pour parler de la spirale infernale de la folie du pouvoir, et du pouvoir de la folie… du pouvoir. Plus qu’un désir, UNE NÉCESSITÉ.

Daniel Violette

La presse en parle

« La métaphore fait mouche, et la mise en scène laisse des images marquantes. »
Vaucluse Matin

« Signé Daniel Violette, Le temps des Ogres est un spectacle rare, pédagogique et d’une grande intelligence. Voilà un spectacle important sur le propos et exemplaire sur la forme déployée ici pour dénoncer en réalité toutes les dictatures. »
La Provence

« Le temps des Ogres mérite le détour. Il met en exergue de manière plutôt ludique et inventive les tensions des dictatures. Peuple opprimé, dirigeants ambitieux et quasi schizophrènes, armée lobotomisée et clown réfractaire. La compagnie Taïko nous entraîne dans une fresque décalée de ce régime politique pour mieux le dépeindre. »
Rue du Théâtre

« Meurtre, trahison et coup d’état glissent gracieusement au milieu des voix… mais même à la fin vous restez figé sur ce siège lorsque tout signe de vie quitte la scène. »
Le bruit du off Avignon

NAGASAKI

Monsieur Shimura, célibataire et méticuleux, habitant Nagasaki est convaincu qu’on vient lui chaparder des aliments dans son frigo pendant son absence. Il installe alors discrètement une webcam afin de surveiller sa cuisine depuis son lieu de travail. C’est ainsi qu’il découvre étonné qu’une femme inconnue se fait tranquillement un thé. Il appelle la police, mais se repend aussitôt. Trop tard. Elle sera arrêtée et jugée. Shimura apprendra qu’elle vivait chez lui dans un placard à futons à son insu depuis plus d’un an. Cette découverte bouleversera sa vie. Qui est-elle ? Pourquoi s’est-elle installée ici ? A sa sortie de prison, elle lui écrira une lettre où elle expliquera qu’elle ne s’est pas réfugiée chez lui par hasard…

Le récit de Mr Shimura et de cette femme énigmatique, c’est celle de deux êtres solitaires qui auraient pu se rencontrer, s’aimer et vivre une histoire commune. Mais comme deux planètes en orbite, ils étaient à la fois liés l’un à l’autre et condamnés à l’éloignement …

Écrit d’après un fait divers japonais, Éric Faye a obtenu en 2010 le grand prix de l’Académie Française pour son roman Nagasaki.

L’ESPÈCE HUMAINE

De sa captivité en 1945 en Allemagne, Robert Antelme a tiré un récit exceptionnel où il porte à sa dernière limite, la réflexion sur la volonté exterminatrice des SS : il met en lumière la logique de supériorité et le mépris sur lesquels se fondent, plus ou moins ouvertement, tous les systèmes d’exploitation et d’asservissement.

L’Espèce humaine est une œuvre unique, bouleversante, d’une élévation de pensée absolue et d’une actualité redoutable.

« L’Espèce humaine était le premier, je dirai même le seul, livre qui fût au niveau de l’humanité ; au niveau de l’expérience nue, vécue et exprimée avec les mots les plus simples et les plus adéquats qui soient. De ce fait-là, ce livre qui dans un sens était de l’anti-littérature, à juste titre parce qu’il ne voulait pas faire de la littérature sur la concentration, était un livre de pure littérature, c’est-à-dire qu’on ne pouvait plus rien écrire d’autre. » Edgar Morin

« L’Espèce humaine est un monument. 
Un de ces livres qui peut changer une vie. Il a changé la mienne. Miracle de la littérature, miracle de la conscience dans le temps.
Aujourd’hui, j’aimerais faire entendre cette parole vivante en lui donnant corps, le plus simplement du monde. »
Anne Coutureau