Archives pour la catégorie se joue en Juin 2017

POLYEUCTE

Quel écho peut trouver à notre époque le martyr d’un seigneur arménien du IIIème siècle qui se dresse seul, au nom d’un Dieu unique, contre l’ordre religieux et politique de l’Empire romain, fondé sur le polythéisme ?

Comment comprendre, partager ou admirer l’exaltation d’un personnage qui décide de tout sacrifier : amour, carrière, honneurs, et jusqu’à sa vie pour un Dieu qui vient à peine de se révéler à lui ?
Dont l’enthousiasme iconoclaste et le propos vengeur ont toutes les apparences de la démesure ?

On peut penser que le Polyeucte de Corneille, « tragédie chrétienne » qui présente les principes d’une dévotion inspirée par la Contre-Réforme et d’une religion qui serait bientôt au fondement de la monarchie de droit divin, est relativement étranger à l’esprit de notre siècle – en particulier dans notre pays, où l’Etat a définitivement divorcé du religieux.

Je crois pourtant que, derrière les apparences de l’excès et du fanatisme, Polyeucte, ce « sacrilège impie », incarne par sa révolte des vertus morales qui peuvent placer notre époque sous un jour critique.

Par sa conversion, par son acte violent et flamboyant, par son sacrifice enfin, il propose, au nom de la seule vérité, un héroïsme saint qui convertit les esprits et transforme l’ordonnancement politique du monde. Or, notre siècle n’a-t-il pas lui aussi ses idoles familières, qu’une police morale a dressées pour le culte, et devant lesquelles on se prosterne avec l’aveuglement de l’habitude?

Polyeucte ne saurait pour autant se résumer à sa dimension morale et politique. Comme l’indique l’auteur dans son avant-propos, « les tendresses de l’amour humain y font un (…) agréable mélange avec la fermeté du divin». Conformément à la doctrine classique, la volonté d’instruire fait la part belle aux émotions que peuvent procurer le spectacle des passions humaines. Celles-ci sont exaltées de la manière la plus subtile par la rigueur morale de Polyeucte dont rien, ni la raison, ni les menaces, ni les coups, ni la tendresse, ni l’amour, n’est capable d’ébranler la constance.

C’est l’ensemble de ces enjeux, historiques, moraux, politiques et esthétiques, que je me suis attaché à traduire en mettant en scène un Polyeucte actuel : en optant pour des décors, des costumes et une scénographie dont la sobriété préserve la référence antique tout en restant en accord avec l’esprit de notre époque ; en privilégiant une diction modernisée du vers qui ne concède rien à la musicalité de l’alexandrin ; en cultivant l’émotion produite par l’exaltation des passions sans attenter à la retenue qui sied à la dignité de l’action, j’ai voulu proposer un Polyeucte qui soit à la fois strictement fidèle à l’esprit qu’a voulu lui donner son auteur et capable d’émouvoir les spectateurs d’aujourd’hui.

J’espère que ces derniers seront sensibles à l’âme d’un homme qui s’ouvre à la Révélation divine et, consumé d’amour, entraîne les autres à sa suite dans sa folie enthousiaste.

Ulysse Di Gregorio

LA MOUETTE

« La Mouette » se passe entre les larmes du lac, les couleurs claires et limpides de l’espoir, de la jeunesse, de l’amour, les brumes de la vie. Tous les Arts, lorsqu’ils sont beaux, sont placés entre le ciel et la terre, dans cet espace indéfini, secret, précieux. Nous leur donnons de la force en les dévoilant dans le cœur même de la vie.

LA MOUETTE – Teaser from Compagnie du Ness on Vimeo.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC

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Spectacle soutenu par France Musique.

Monsieur de Pourceaugnac est une comédie-ballet écrite par Molière et créée en octobre 1669 au Château de Chambord. Les parties musicales ont été composées par Jean-Baptiste Lully. Avec cette comédie de masques et de l’illusion aux allures carnavalesques, Molière crée un formidable jeu de théâtre dans le théâtre. Il utilise le procédé comique du provincial ridicule (qu’il reprendra un an plus tard dans Le Bourgeois gentilhomme) tout en y ajoutant un aspect cruel qu’il développera ensuite dans Les Fourberies de Scapin.

L’Histoire

À Paris, Éraste et Julie sont épris l’un de l’autre mais le père de Julie, Oronte, a décidé de la marier à un avocat de Limoges, Monsieur de Pourceaugnac. Ce n’est pas qu’il le connaisse. Il a simplement entendu dire qu’il était plus fortuné qu’Éraste. Sbrigani, un fourbe napolitain, et Nérine, une intrigante au service de Julie, conçoivent toute une série de stratagèmes pour chasser le fâcheux de Paris et permettre à Éraste d’épouser Julie. Le séjour du Limousin dans la capitale se révèle ainsi cauchemardesque pour lui, et jubilatoire pour le spectateur…

La Comédie-ballet

Monsieur de Pourceaugnac est la huitième comédie-ballet de Molière et l’une des plus abouties sur les rapports qu’entretiennent musique, danse et comédie. En effet, Molière, qui a jusqu’ici inséré la musique dans ses pièces sous forme d’intermèdes cloisonnés venant ponctuer l’histoire, opère dans Monsieur de Pourceaugnac une véritable fusion des genres entre musique et action : on passe très naturellement dans certaines scènes du texte à la musique et de la musique au texte, du langage parlé au chant.

Molière et Lully parviennent à tirer des effets comiques exceptionnels en utilisant notamment la musique dans les scènes burlesques et on atteint, dans cette pièce, un niveau exceptionnel de comique musical. Certains airs ont d’ailleurs été chantés à leur création en voie de fausset par Lully lui-même.

La mise en scène

L’ensemble La Rêveuse reconstitue une petite forme «de voyage», de la même manière que le Roi, en déplacement, emmenait avec lui une troupe réduite de musiciens qui jouait des pièces de circonstances arrangées pour être exécutées par un effectif plus modeste. Cette formation réduite n’est pas non plus sans évoquer le théâtre de tréteaux qui se jouait dans les foires et aux grands carrefours de la ville de Paris avec notamment le grand Tabarin, ses farces et ses mascarades, dont Molière évoque l’esprit à travers le personnage de Sbrigani. Ce petit orchestre est composé de trois chanteurs, deux violons, une viole de gambe, un théorbe et un clavecin, effectif mentionné par le Maître de Musique de Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois Gentilhomme.

Les musiciens ne resteront pas, selon une pratique plus moderne, cantonnés dans la fosse mais viendront souvent sur scène se mêler à l’action, comme on le faisait fréquemment à l’époque. Les comédiens interpréteront les parties dansées en s’inspirant des intermèdes des pièces de commedia dell’arte, des danses de carnaval et des chorégraphies de Kyôgen japonais.

Ce spectacle auquel quinze artistes prendront part, sera l’occasion de faire revivre le genre de la comédie-ballet.

 

 

FERMÉ POUR CAUSE DE GUERRE

Quelque part dans le monde – dans les Balkans – peut-être – la guerre. Sisyphe, maçon devenu ramasseur de morts déterre une femme enceinte et muette. Il la conduit à l’hôpital le plus proche. Hôpital fantôme dans une ville fantôme – où se terrent quelques survivants  oubliés : Gaïa, la collectionneuse de vœux humains aux jambes brûlées, le capitaine au cerveau abîmé, Orphée, la rescapée des camps atteinte du typhus, Sven, le soldat amputé d’un bras, et, épisodiquement, Juliette, la très jeune veuve usée par les maux de ventre. Tous cloîtrés.
Entre les mains d’une ombre de médecin invisible et d’une infirmière épuisée à qui il ne reste que des caisses de morphine pour soigner les douleurs et les cauchemars.
Il s’agit donc de vivre dans la mort – non loin des cadavres et du silence absolu Il s’agit de survivre…

L’auteur : « J’ai écrit cette pièce avec une sorte de rage, pour dire mon écœurement de l’Histoire sans cesse renouvelée dans sa saleté.
Pour dire que sans racine nous sommes tous des condamnés à mort en puissance et que nous avons tous droit à notre identité. Y compris nos morts. Pour dire que sans actions, la mémoire devient vaine et qu’il ne faut pas se contenter de souffrir. Pour dire aussi que la haine nous guette tous et qu’il faut veiller à ne pas laisser se réveiller nos instincts. Il existe encore des hommes de bonne volonté. A nous de les trouver au fond de nous-mêmes. »

Le metteur en scène : «  Fermé pour cause de guerre » est un texte de paix. C’est pour cela que j’ai voulu le mettre en scène et montrer l’horreur des conséquences de la guerre. Elle peut nous paraître lointaine et sans signification et pourtant elle est toujours aussi réelle et omniprésente.
Parler de différence et faire éclater la signification de l’appartenance à une « histoire », les problèmes que cela génère, la haine et le jugement. Nous sommes de cultures diverses, avec ou sans territoire ni appartenance : soyons à l’écoute de nos différences pour qu’enfin la compréhension et la tolérance triomphent. L’échange et le partage doivent prendre le dessus sur la peur de l’autre ou de l’inconnu.

Avec ce spectacle nous dénonçons le mal-être dans lequel nous vivons aujourd’hui et souhaitons enfin la paix pour demain …

« Fermé pour cause de guerre » est un cri pour la paix, contre toute cette horreur actuelle de la haine et de la peur… »

METTEZ LES VOILES

Après Mon ami paranoïaque et En attendant la mort, présentés au Théâtre de l’Épée de Bois en mai 2014, Mettez les voiles !, troisième volet de Raki (tétralogie des Balkans constituée de textes de Nino Noskin) est le constat d’une guerre engendrée par les intégrismes religieux et exacerbée par la question du voile.

La pièce n’est ni datée ni située et les trois religions monothéistes se rejoignent dans l’extrémisme.

A l’image du carnaval qui puise ses origines dans le travestissement ludique des bonnes gens en démons, les rôles sont inversés : ce sont les hommes qui portent le voile et non pas les femmes. Tout est jeu, mais jeu dangereux.

Comme la pièce qui débute sur un match de football, le port du voile est pris comme un jeu. Pour certains, le postulat de base est que le voile est non pas négatif, mais positif ; qu’il est le symbole non pas de l’enfermement, de la soumission, de la souffrance mais de la liberté, de la protection et de la joie.

A la devise « Liberté Égalité Fraternité » s’oppose un islam qui revendique le port du voile comme l’attribut de la femme épanouie. L’interdiction du port du voile, au cœur de la question de l’immigration, est-elle une entrave à la diversité culturelle ou une protection contre une double discrimination ? L’immigration vers un Occident qui refuse le port du voile impliquerait-elle un endoctrinement laïque ou une chance de renouer avec les Droits de l’Homme ?