Le Duel est une nouvelle initialement publiée en 1891, sous forme de feuilleton, dans la revue russe Temps nouveaux. De façon inédite dans son oeuvre, Tchekhov situe l’action sur un bord de mer du Caucase. C’est à la fois un lieu d’exil qui exacerbe les passions et une terre sur laquelle se projettent des utopies contradictoires. Si dans un premier temps, Le Duel s’apparente à une nouvelle idéologique, elle n’en reste pas moins une histoire d’amour, construite comme une pièce de théâtre et un roman policier. Elle met en scène deux héros que tout oppose : un scientifique darwiniste, raide de certitudes et un homme du siècle, un jeune homme indolent qui se laisse vivre, joue aux cartes et vit dans le mensonge. Un vrai duel va avoir lieu mais les deux hommes finissent par se rapprocher, changer d’avis l’un sur l’autre et mettre en cause leurs systèmes de pensée respectifs. Ainsi aucune vérité ne triomphe, aucune théorie ne l’emporte, aucune résurrection n’intervient mais la vie finit par changer les êtres et deux hommes destinés à se tuer se disent finalement adieu, de loin, sous une pluie fine. Davantage que le choc des idées, c’est cette pluie fine qui intéresse Tchekhov, dans laquelle se dissolvent les certitudes que nous prétendons opposer aux énigmes de la vie.
Archives
LÀ-BAS, chansons d’aller-retour
Deux sœurs, deux voix, un seul chant, ancré dans les petits trésors populaires des artistes déracinées.
L’Histoire des Diseuses est liée à l’exil, à l’histoire des flux migratoires, au « parlé- chanté » avec lequel elles ont porté la parole des femmes : Bien avant nous, Polaire ou Eugénie Buffet, entre Tlemcen et Marseille, sont les premières Diseuses pieds-noirs. À Cuba les Sœurs Faez créent la Trova familiale avec la forme des ida y huelta (aller-retour). Les Sœurs Abatzi s’exilent de Smyrne au Pyrrhée où les cabarets enfumés retentissent de haschich songs … Entre deux cultures, entre deux mondes, entre mot dit et mot chanté, la Diseuse telle que nous allons l’évoquer, est un modèle féminin de force et de courage, un levier pour les enjeux de notre monde actuel, la parité, l’égalité entre les sexes, une diversité culturelle.
« C’est l’exil qui a déterminé toute ma vie, entre deux cultures. Mon travail est un travail de séparation. De l’exil je suis passé à l’ex-il, quelque part entre la réalité et l’imaginaire, entre le connu et l’inconnu, là commence la poésie. » Mata (peintre Chilien)
ANTIGONES 2020
Antigones 2020 d’après l’Antigone de Sophocle
Antigone, contrôlée, interdite, emmurée vive, dit NON ! Non à un pouvoir de surveillance autoritaire, qui lui défend de voir son frère mort et lui interdit de l’enterrer.
Surgissement tragique d’Antigone, il y a 2500 ans. Dans la pièce écrite par Sophocle. Elle dit NON à Créon, son oncle qui gouverne. Ses deux frères se sont entretués pour la conquête du pouvoir. Le corps du premier, celui qui a été conforme au droit, reçoit tous les honneurs ; le corps du second, le corps du traitre, va être abandonné aux vautours. Antigone s’élève contre la loi édictée par Créon. Elle dit NON à Créon. Elle dit NON à Ismène, sa sœur, qui vient la rejoindre « trop tard » dans son combat : « Tu as choisi la vie, moi, je préfère mourir. »
Emmurée vive. Antigone, emmurée et condamnée à être nourrie jusqu’à la mort. Nourrie et enfermée. Enfermée pour qu’elle subisse, à chaque seconde des années qui lui restent à vivre derrière des murs, le désespoir de l’isolement. Avec la mort, pour seul projet. Elle se pend dans son cachot, et son NON continue de hurler à travers le temps, jusqu’à nous…
Effroyable symétrie. Symétrie de rébellion face à la gestion inhumaine d’une pandémie planétaire. Antigones 2020. Symétrie au temps présent. Délivrer celles et ceux qui sont reclus, cloîtrés dans les Ehpad par ordre politique. Les hommes âgés partagent le sort des femmes âgées emmurées vives. Ceux qui n’ont plus la force physique de dire NON, écroués. Agonie du temps présent. Emmurés dans des établissements de protection : serrures changées, fenêtres bloquées. Symétrie de mise à l’isolement. Pour sauvegarder la vie…
Interdiction aux proches de voir leurs morts. Symétrie de l’interdiction de les accompagner. Rungis transformé en morgue géante. Les marchés frigorifiques pour la viande animale transformés en chambres mortuaires pour les humains.
Interdiction du suicide. Interdiction du suicide assisté. Mise en captivité de ceux qui n’ont plus la force de s’évader. Pour les garder en vie. « L’État est, par nature, vorace et totalitaire… ». Symétrie du pouvoir autoritaire sur la vie et sur la mort des citoyens.
Violences infligées aux soignants. Il faut choisir. Entre les vivants. Lesquels va-t-on sauver ? Les plus jeunes, ceux qui pourront résister ? Ou les autres, déjà en fin de vie, qu’on peut mettre à l’isolement ?… Symétrie de choix guerriers.
Alors ? Y a-t-il encore quelque chose d’Antigone en nous ? Ou le NON qu’elle hurle depuis des siècles s’est-il définitivement éteint ?
Antigones 2020, trois femmes aujourd’hui, qui portent, chacune en elle, une part d’Antigone, plus ou moins grande, plus ou moins étouffée. Qui s’interrogent sur leur capacité de résistance. Sur leur capacité à dire NON. Elles vont jouer la pièce de Sophocle, comme une liturgie contemporaine qui interroge le texte phare de la rébellion… Elles vont interpréter tous les rôles, comme on le faisait dans l’antiquité, quand il n’y avait que trois acteurs, et quand le choeur représentait la cité, la « polis, la cité-État, composée d’une communauté de citoyens libres et autonomes, la cité qui était une structure humaine et sociale et non une organisation administrative »…
Trois représentantes des forces qui composent cette cité-État. Trois figures constituant les êtres humains qui vivent en république : la vie, Ismène, la mort, Antigone, et le pouvoir, Créon, dont la femme Eurydice est le porte-parole. Cet État composé « d’animaux politiques, réunis par le choix de vivre ensemble, pour bien vivre, une vie commune assurée par la justice, vertu politique par excellence »…
Antigones 2020, trois femmes face à la rébellion, au NON immémorial de l’Antigone de Sophocle, et à la gestion inhumaine d’une pandémie planétaire…
Laurence février. Mai 2020
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Les Antigones de George Steiner.
(Folio Essais. Gallimard)
Au micro d’Alain Veinstein, France Culture, « La nuit sur un plateau », 01/01/1986.
(Verbatim)
George Steiner : En 68/69, j’ai vu des photos de jeunes femmes, sur les barricades, à la Sorbonne, à Frankfort, à Berlin, mais surtout en Irlande, des jeunes femmes qui disaient « NON » ! À la vie ! Et à la survie ! Elles voulaient risquer l’absolu. J’avais eu l’idée, le projet, de faire quelque chose sur le symbole, le personnage de Saint-Just, dont le nom même hante/ le nom même est un manifeste. Ce groupe d’êtres humains qui disent : « je ne suis pas prêt à attendre la justice de Dieu, c’est lundi prochain à 11 heures 30, le matin, qu’il faut que le royaume de la justice se fasse sur terre ! C’est pas lundi après-midi, c’est lundi matin, à tout prix ! ». J’ai commencé à travailler ce thème des Antigones, sans encore préconiser sa richesse inépuisable. Puis petit à petit, quand on a su que je travaillais sur ce thème, par des conférences, par des essais, les Antigones ont afflué du monde entier. Et elles continuent à affluer, le livre est déjà périmé, il y a, depuis sa publication, dix nouvelles, vingt nouvelles, pièces, poèmes, romans, de l’Amérique centrale où on enterre vivant, attention ! De l’Asie, il y a une Antigone souterraine, on dit qu’il y a une Antigone qui va sortir du monde de Pol Pot, des grands massacres du Sud-Est de l’Asie. Et je me suis rendu compte que là, il y avait un thème absolument universel, beaucoup plus universel que le complexe d’Oedipe, qui est essentiellement occidental. N’en parlez pas dans les cultures où il n’y a pas la famille nucléaire, ni patriarcale, ça ne marche pas du tout. Les Antigones, ça marche partout.
Et un jour même, j’apprends – c’est là que j’ai commencé à écrire mon livre – je lis, que les corps de Baader et Meinhof ont été mis dans la chaux vive, les familles ne les ont pas reçus, et que l’État allemand, démocratique après tout ! L’État dit : « on regrette, mais on ne peut pas risquer qu’il y ait un culte des morts ». Ce sont les vers mêmes que dit Créon, c’est presque littéral, les mêmes mots que ceux qui allaient venger ce refus, quand ils ont en signé leur manifeste « Les Antigones rouges ». Ça a été pour moi/ j’ai dit « bon, on se met au travail ! ». Parce que, si vraiment ce mythe est une sténographie politique, une sténographie de l’inconscient, pour toutes les cultures et depuis des millénaires, ça vaut la peine d’en tracer l’évolution, la philosophie et la poétique. C’est un peu ça, l’origine de ce livre.
Alain Veinstein : Ce qui frappe évidement dans le titre, c’est le pluriel, « Les Antigones »…
George Steiner : Mais il est inépuisable. Il y en a des centaines et des centaines. Et voyez-vous, le mythe grec, c’est une base immédiatement connue, avec une liberté infinie de variations. J’irais plus loin, je voudrais, peut-être avec d’autres écrits, proposer, discuter, approfondir l’hypothèse – ce n’est qu’une hypothèse très préalable -, l’hypothèse que le schéma, thème et variation, n’est pas seulement un schéma formel dans notre littérature, mais que ce schéma fait partie de l’organisation du cerveau. L’hypothèse que nous sommes une machine avec une certaine économie de thèmes fondamentaux, et que nous les varions et re-varions à l’infini. Que cette structure, on parle d’un mythe, d’une légende, d’une image, d’une rencontre, pour la varier à travers les millénaires, et pour revenir à la base, qui appartient à la structure même de notre perception.
Alain Veinstein : Et avec Antigone vous avez pu, vous, réaliser un projet que vous aviez depuis longtemps, qui était de mener à bien une étude où seraient fondus le poétique et le politique ?
George Steiner : Absolument, je ne peux pas les séparer, tout poème est un acte politique, tout refus du poème est un acte politique. Mais dans la tragédie grecque, nous avons l’avantage énorme/ que nous avons un peu perdu, de situer même l’inconscient dans la cité, dans la « polis », comme on dit en grec. Si vous voulez, mon différent – très respectueux – avec la psychanalyse, c’est précisément l’isolement de l’inconscient, l’inconscient aussi, non pas seulement « une structure langagière » comme dirait Lacan, l’inconscient fait partie de la politique, de l’action, et les Grecs le savaient.
Alain Veinstein : Alors les Grecs, et en particulier Sophocle, puisque Antigone nous renvoie à Sophocle, qui est l’auteur de sept tragédies, alors pourquoi le destin particulier de celle-ci ?
George Steiner : Parce que je crois, que elle seule, cette tragédie groupe les cinq axes éternels de conflits : les jeunes contre les vieux, les hommes contre les femmes, l’État contre l’individu, la mort contre la vie, et le mortel contre les dieux. Dans d’autres tragédies, nous avons deux ou trois de ces axes. La chose époustouflante, c’est que dans une pièce infiniment limpide et concentrée, très courte, une pièce qui fait à peu près un acte d’un Claudel, et qui est d’une économie totale, nous avons les cinq grands conflits qui sont éternels, qui sont les archétypes du conflit. Toujours les jeunes diront aux vieux « on en a assez », toujours les femmes diront à l’homme « ça ne va plus, nous t’avons engendré, porté dans notre giron, et dans notre bras, nous n’allons plus accepter le massacre, la destruction de la ville », toujours l’État voudra mettre son emprise même sur les morts, l’État est, par définition, vorace et totalitaire. Toujours il y aura, pour trop d’êtres humains et particulièrement pour les jeunes, cette fascination de la mort, du suicide. Et songez, qu’Antigone/ le reproche que lui fait Créon « toi, tu es amoureuse la mort », c’est un reproche très très grave. Il lui dit « ça, c’est trop facile, moi je dois vivre », c’est le thème d’Anouilh, même de Brecht et de tant d’autres. Et, le cinquième conflit, le plus problématique si on est vraiment athée, si on est entièrement positiviste, aujourd’hui on dira « non je ne comprends pas ce que signifie cette possibilité d’intervention par les Dieux, ou par Dieu ». Il y a encore beaucoup d’entre nous qui saisissent l’enjeu, et tout ça, concentré dans un texte d’une puissance et d’une beauté sans limites.
Alain Veinstein : Donc, le pivot autour duquel toutes les variations vont tourner, pendant deux mille ans, c’est le dialogue Antigone et Créon ?
George Steiner : Et le choeur, et la ville détruite par ce conflit. Parce que comme vous le savez, dans ce livre, je discute toutes les Antigones de 1940, l’époque Vichy, je discute récemment l’Antigone époustouflante de Bernard-Henri Levy, qui proclame qu’on a mal lu la pièce pendant 2000 ans, et qu’au contraire, l’homme sacré, c’est Créon, etc. Les interprétations ne cessent. Ce dialogue est un des moments de cristallisation de la condition humaine, il n’y a pas de doute. Il y en a d’autres, dans les grandes œuvres, dans la tragédie grecque, mais là, c’est d’une transparence presque/ presqu’insoutenable, d’une clarté ! C’est le couteau qui coupe, qui coupe au centre de notre humanité. »
L’ÉCOLE DES MARIS
Léonor et Isabelle, deux sœurs orphelines, se voient confiées à la mort de leur père à deux frères d’âge mûr, Ariste et Sganarelle. Ces derniers sont chargés par contrat de les élever, de les éduquer et enfin ou « de les épouser » ou « d’en disposer ».
Les tuteurs bien qu’ayant des conceptions opposées sur l’éducation nourrissent tous deux des espoirs envers elles… Avec Léonor, Ariste choisit l’école du monde et la voix de la liberté. Sganarelle, lui épie les moindres agissements d’Isabelle, l’enferme, voire la séquestre.
Bien évidemment Isabelle tombe amoureuse. Elle va trouver en elle les ressources pour échapper au despote et rejoindre Valère.
Un théâtre qui convoque « des figures masculines ambivalentes». Sganarelle « l’arroseur arrosé » qui nous livre son désordre intérieur, Ariste qui défend « la tempérance », Valère « l’amoureux » initié par Ergaste, « l’expérimenté ».
Quant aux personnages féminins, ils sont d’une extrême modernité.
Isabelle déjoue un Sganarelle amoureux, aveuglé, infantile, Lisette dénonce les abus et les inégalités, Léonor exprime avec clairvoyance son libre-arbitre.
Une intrigue qui au final laisse le sentiment vrai l’emporter et mettre à mal la violence du pouvoir confisqué par les hommes.
Avec L’Ecole des maris, il en va du désir de raconter avec poésie la complexité des rapports amoureux mais aussi de mettre en résonance cette pièce de 1661 avec aujourd’hui témoignant du chemin qu’il nous reste à accomplir quant à la question d’équité entre la femme et l’homme.
« Tournant » dans l’œuvre de Molière, cette comédie en alexandrins aux allures de farce jubilatoire touche à des questions sociales et politiques et recèle une dimension existentielle et une force poétique.
Une partition théâtrale, chorégraphique et musicale pour 7 comédien.n.e.s.
DURAS/GODARD DIALOGUES
L’homme d’images fasciné par le livre et la femme de lettres attirée par le cinéma se sont rencontrés un après-midi. Elle lui a envoyé quelques vérités à la figure. Il a encaissé avec humour. Un dialogue passionnant.
Ses grosses lunettes de prof sur le nez, solidement installée derrière son bureau, quelques feuillets disposés devant elle, Marguerite Duras fixe un regard d’examinatrice attentive et froide sur le jeune homme timide qui vient se soumettre à un interrogatoire sans complaisance: Jean-Luc Godard se prépare à s’expliquer, entre autres, sur son dernier film, Soigne ta droite, mais aussi sur le cinéma en général, la littérature, la politique, la télévision…
L’élève Godard s’assied donc sur le bout de son siège, les yeux baissés et le sourire crispé. Il sait ou devine que le professeur Duras ne sera pas vraiment tendre avec lui, qu’elle s’apprête à passer au crible de sa redoutable intelligence la » copie » qu’il lui a remise. De fait, il va être servi!
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Extrait de la Critique du Journal Le Monde, autour de l’entretien filmé de «Godard-Duras » en 1987, dont est tiré le spectacle
Tout parait bien commencer, pourtant. » Ton film est très beau « , lui dit Marguerite. Tiens ! elle le tutoie. Cela fait cinq ans qu’ils ne se sont pas vus, mais ils s’estiment et même — on l’apprendra par la suite — se sentent assez proches l’un de l’autre, comme l’est souvent l’élève doué de sa maitresse. Il remercie, ému : » Tu sais bien dire du bien des choses. Moi, je ne sais bien dire que du mal « . Mais il ne perd rien pour attendre : pour dire du mal, elle s’y connait aussi. » Je ne vois pas chaque fois la raison d’être du texte « , dit-elle. Puis elle y va carrément : il aurait mieux fait de faire un film muet, avec beaucoup de son.
La conversation continue. Sur les rapports entre le cinéma et la littérature. Sur Shoah, dont Godard n’est pas enthousiaste. Sur Sartre, qu’il défend contre Duras, qui définit son parcours comme » une énorme carrière de nullité « . Sur la musique : elle aimerait qu’il porte à l’écran le Sacre du printemps ou Noces de Stravinsky.
Peu à peu, l’humour aidant, Jean-Luc relève la tête. Et on est content pour lui. Il retrouve son souffle, ses formules, son art de l’esquive. On ne comprend pas tout, ce serait trop simple, mais, comme toujours, c’est drôle, stimulant, injuste, profond. De son côté, Marguerite se fait moins rude, moins impérieuse. Au lieu d’interroger, elle parle, suggère, cherche. Un vrai dialogue se noue, un peu décousu quelquefois, passionnant le plus souvent. Lui, homme d’images fasciné par le livre ; elle, femme de lettres attirée par le cinéma. » Littérature et cinéma, dit-il, c’est l’envers et l’endroit. » Il ajoute, énigmatique : » Le cinéma commence par le temps retrouvé, la littérature commence par le temps perdu.
LETTRE D’UN SINGE AUX ÊTRES DE SON ESPÈCE
Le motif de base de la Résistance était l’indignation… nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l’héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! écrit Stéphane Hessel.
Ce qui indigne Stéphane Hessel en 2010 – l’existence des sans-papiers, les mauvais traitements réservés à la planète, les écarts de richesse dans le monde – est à rapprocher de la révolte de César, le premier des indignés, en 1781.
Les hommes, pis que des enragés, se servent de leur raison pour imaginer tout ce qui est propre à les rendre malheureux. D’abord, on dirait qu’ils ont établi qu’ils ne seraient pas égaux. Qu’il y aurait dans la même espèce des « Possédant tout » et des « N’ayant Rien ».
En 2019, si nous regardons le monde dans lequel nous vivons avec les yeux de César, il est évident que le saccage de la Nature, la disparition des autres espèces ne vont pas rendre l’Homme plus heureux. Encore une fois, l’Homme ne fait qu’accroitre son propre malheur. On retrouve aujourd’hui cette folle inégalité entre les êtres humains, qui révolte tant César. Cette même injustice entre les Possédant-tout et les N’ayant rien. Impossible de ne pas se dire, comme César : L‘Homme est dingue !
Nous allons prendre le relais. Faire entendre le cri de révolte du Singe et aussi son rire.
Faire entendre La Lettre d’un Singe aux êtres de son espèce de Restif de La Bretonne, un texte de salut public avec, dans le rôle de César-Singe, l’acteur Eddie Chignara.
MOLOCH
MOLOCH Un poème
Une ballade au royaume des Ogres, habitée de l’écho d’épopées barbares et amoureuses, où désir et sidération se côtoient dans un brasier ardent, peuplée de bourreaux, de militaires aux convictions nationalistes, d’ogres affamés d’enfants innocents, d’une jeune fille qui découvre que son père qu’elle aime passionnément est un psychopathe. La guerre, l’amour, nos champs de bataille… Dans le paysage, les ombres du Minotaure, du Roi des Aulnes, du siège de Sarajevo, du nid d’aigle du Führer…
Au plateau, deux hommes hantés, des presque fantômes. Et des pantins, traces d’enfances bouleversantes et bouleversées. L’Homme et le Pantin…
ET SI NOUS ÉTIONS DÉJÀ MORTS ?
Moloch le dit : « Comme c’est bon d’être vivant, et de savoir qu’en réalité vous êtes mort. Vous savez que vous pouvez tout vous permettre et que personne, pas même vous, ne peut vous nuire. Vous êtes là, mais vous n’existez pas. Vous respirez, vous parlez, vous marchez, mais vous êtes conscient que, pour les autres comme pour vous, ce n’est qu’une illusion. »
Moloch est un poème qui aurait pu débuter comme un conte : « Le soir de Noël fut marqué par une tempête de noroît qui semblait vouloir effacer le souvenir d’une année dans l’ensemble calme et ensoleillée. A une altitude immense, on voyait passer, criant de peur, des oiseaux de mer emportés par un souffle panique… »
Moloch dit (d’autres l’ont dit déjà) que nous n’arrivons jamais à savoir qui nous sommes, que nous n’arrivons jamais à être une seule des multiples personnalités qui nous habitent, que nous ignorons lequel de nos démons internes exhalera notre dernier soupir. Personne ne connaît vraiment personne : ni le frère sa soeur, ni l’amant sa maîtresse, ni la fille son père.
Moloch est un poème dont le paysage est la guerre.
« La guerre est en tous les hommes, quelles que soient leurs opinions politiques, leur religion, leur nationalité, leur race. C’est l’abîme sous notre peau à tous, à l’intérieur de nos crânes à tous. Et lorsqu’on a regardé dans cet abîme, qu’on a contemplé ce grand vide, on ne peut plus détourner les yeux, car l’abîme nous contemple à son tour. »
Moloch nous dit : « Prenez garde à l’Ogre ! il convoite vos enfants. »
L’Ogre est issu de la nuit des temps, il était déjà là il y a mille ans, il y a cent mille ans. « Prenez garde à l’Ogre ! »
Dans Moloch, « la guerre est une messe noire célébrée au grand jour, et les idoles barbouillées de sang devant lesquelles on fait agenouiller les foules mystifiées s’appellent : Patrie, Sacrifice, Héroïsme, Honneur.»
Soufflent sur Moloch les vents mauvais qui balaient l’Europe en ce début de XXIème siècle : « Nous serons heureux quand enfin nous serons seuls, à nouveau, dansant nos danses et chantant nos chansons, sans la compagnie polluante des autres ! »
Oui, peut-être sommes-nous vraiment morts…
Au coeur de Moloch, il y a le visage d’une jeune fille, Ana Mladic, qui, seule, mena la plus dure des révolutions : voir en son père, qu’elle aimait plus que tout au monde, un bourreau. Son père, l’Ogre.
Jean-François Matignon
L’IMPOSSIBLE PROCÈS
Les 26 et 27 mai, une grève se transforme en émeute dans les rues de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. les forces de l’ordre tirent à balles réelles sur ces ouvriers désarmés. Il y a des morts, des blessés et une population traumatisée. Dix-huit Guadeloupéens sont traduits devant les tribunaux pour un crime qu’ils n’ont pas commis, sinon celui de dénoncer la politique d’un système colonial. Ils sont défendus par dix-sept avocats et soutenus à la barre par des illustres personnalités : Jean-Paul Sartre, Aimé Césaire, Paul Vergès…
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Extraits de Presse
Presse 2020
Podcasts RFI
La Francophonie d’Outre-Mer
Article Outremers 360
Quand le théâtre se met au service de l’histoire contemporaine de la Guadeloupe à Paris
La 1ere France Info – Le portail des Outre-Mer
L’impossible procès » gagné aux Zébrures de Limoges
Les Francophonies – Des écritures à la scène
http://www.lesfrancophonies.fr/L-Impossible-proces
Madinin’Art – critiques culturelles de Martinique
https://www.madinin-art.net/histoire-et-theatre-limpossible-proces/
Toute la culture
https://toutelaculture.com/spectacles/theatre/les-zebrures-dautomne-ouvrent-la-premiere-de-limpossible-proces-qui-met-en-lumiere-les-emeutes-malconnues-de-mai-1967-en-guadeloupe/
Théâtre contemporain – le Laboratoire du Zèbre
https://www.theatre-contemporain.net/video/Le-laboratoire-du-Zebre-autour-de-L-Impossible-proces-m-e-s-Luc-Saint-Eloy?fbclid=IwAR1-T1dyg97ZQXVxV9Qrqw8Hv–fAwQsYGSPraZfwDXt0mN4GmL062mc2kY
Théâtre de l’Union – Interview de Guy Lafages
https://www.theatre-union.fr/fr/show/limpossible-proces
« … Avec son théâtre réel, le metteur en scène apporte ce qu’un article ou un documentaire ne pourrait exprimer : une dimensions humaine de l’émotion. Le message qui en jaillit explose avec d’autant plus de force… » Jacqueline Brunelle – FRANCE ANTILLES MARTINIQUE (juillet 2018)
« … Il faut bien continuer à coproduire de tels chefs d’oeuvres artistiques! … » Yvor J. Lapinard – FRANCE ANTILLES GUADELOUPE (décembre 2018)
« … On doit se féliciter de la réussite d’une entreprise ambitieuse qui a fait le pari d’une adhésion du public à une forme de théâtre pédagogique, au service de l’histoire… » Scarlet Jesus (février 2019)
« … Cette reconstitution est d’un grand intérêt historique. Elle rassemble la population autour d’une période importante d’une histoire que les archives officielles existantes n’ont jamais permis délucider… » Alvina Ruprecht – THÉÂTRE DU BLOG (février 2019)
« … Les festivaliers de Cap Excellence en théâtre ont salué la prestation des comédiens par une standing ovation, le 18 mai au complexe Félix Proto. Un plébiscite partagé par les vrais protagonistes, Serge Glaude, Ken Kelly – présents dans le public… Pierre Santini a endossé le rôle sur-mesure du Présidentdu tribunal… » Cécilia Larney – FA LE MAG (mai 2019)
ITALBANAIS
Italien ou albanais ? Aucun des deux ou les deux à la fois ?
S’inspirant d’un moment d’histoire méconnu, ce monodrame aborde le thème de l’identité avec humour et tendresse.
À la fin de la seconde guerre mondiale, des milliers de soldats et de civils italiens se retrouvent prisonniers en Albanie. Nombre d’entre eux – des hommes, pour la plupart – sont condamnés pour activité subversive mais sont rapatriés en Italie. Leurs femmes et leurs enfants, en revanche, sont retenus en Albanie et internés dans des camps de prisonniers où ils resteront plus de quarante ans, oubliés de tous. Le protagoniste est un de ces oubliés. Né dans le camp, il voue un culte à son père et sa patrie qu’il n’a connu ni l’un ni l’autre. À la chute du régime, en 1991, il part à la recherche de ce père mythifié avec le temps et découvre une Italie différente de celle qu’il s’était imaginée. Mais, si en Albanie lui et ses pairs était considérés comme des Italiens, en Italie ils sont perçus comme des Albanais…
Plus qu’un monologue psychologique, c’est un récit. Le récit d’une vie.
Le récit de toutes ces vies ballottées d’un pays à l’autre , d’un monde à l’autre, d’une culture à l’autre.
L’errant.
L’errant n’explique pas, il raconte.
Il ne se plaint pas, il éprouve.
Il ne demande pas d’aide, il partage.
– « Papa, on va où ? »
– « Eh, on va dans l’endroit le plus beau du monde. »
– « Et c’est quoi l’endroit le plus beau du monde ? »
– « L’Italie »
– « Et c’est comment l’Italie ? »
– « Eh, c’est un endroit très beau, l’Italie. »
– « Et pourquoi c’est un endroit très beau ? »
– « Mais parce qu’en Italie il y a les plus belles villes du monde : Florence, Rome, Venise.
– « Il n’y a rien de plus beau qu’être italien. »
– « Et pourquoi il n’y a rien de plus beau qu’être italien ? »
– « Mais parce qu’en Italie on est tous peintres, musiciens, chanteurs…. »
C’est du théâtre épique en miniature. Y apparaissent des prisonniers, des gardiens, des soldats, compagnons et adversaires, la terre, la mer, le ciel, des avions.
UN BON PETIT SOLDAT
Un Bon Petit Soldat nous fait entrer dans la tête de Karim, un jeune français d’origine maghrébine qui nous emmène avec lui un 24 décembre dans le métro parisien, où il doit faire un attentat suicide.
Karim se pose des questions. Et la pièce nous pousse à nous poser des questions aussi.
Le théâtre politique n’est pas forcément un théâtre à messages.
Un théâtre qui cherche la vérité risque de soulever plus de questions qu’il ne propose de solutions. Ce n’est pas une faiblesse, c’est une force. Il doit ouvrir les yeux des spectateurs et stimuler leur pensée.
Il doit aussi tenir compte de l’émotion humaine, sans que la pensée s’y noie, et faire en sorte que l’empathie puisse contribuer à la réflexion. Le théâtre nous aide à nous mettre à la place de l’autre. Il nous permet de vivre un drame à la fois de l’intérieur, en nous identifiant aux personnages, et de l’extérieur, en spectateur avec un regard critique.
C’est justement là sa vraie grandeur. C’est là qu’il joue un rôle essentiel dans la démocratie. Au moment où la classe politique semble oublier ce rôle, et où notre société toute entière semble vouloir ranger le spectacle vivant dans l’industrie du divertissement, il serait bien de s’en souvenir.
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MEDIAPART
« L’auteur fait dialoguer son personnage avec le public. Il lui confie ses doutes, mais aussi laisse voir son côté obscur. Par les questions qu’il pose dans sa pièce, il fait réfléchir sur un sujet sensible qui a vu plusieurs dénouements tragiques se répercuter à travers le monde. Cette lecture surprend, par son ambivalence entre le subjectif et l’objectif, de l’action réelle jusqu’à la fiction. C’est en cela que nous vous invitons à lire Un bon petit soldat (chez Lansman Editeur). À notre avis ce texte accompli devrait faire référence, sur le thème des attentats. »
Dashiell Donello
« Un Bon Petit Soldat » est né d’un projet plus grand, un ensemble de plusieurs pièces sur des attentats dans des capitales européennes. Ce projet a d’abord été conçu le lendemain de l’attentat dans le métro de Londres en juillet 2005. A l’époque je voulais parler d’un attentat dans le métro parisien, un peu pour dire « ça pourrait arriver ici ». La pièce est devenue de plus en plus ambitieuse et de plus en plus irréalisable. En 2015 j’ai été rattrapé par la réalité – c’est arrivé ici. J’ai pourtant continué à y penser et à suivre de nouvelles pistes. Finalement, sans renoncer complètement au projet d’ensemble, j’ai décidé de prendre un élément de ces multiples histoires et d’en faire une pièce simple, que je pourrais monter moi-même assez vite.
Un des éléments principaux de ce projet sans cesse reporté était l’histoire de deux frères, deux jeunes arabes avec des difficultés pour s’intégrer dans la société française. L’aîné se radicalise en prison et entraîne son jeune frère, qui lui est un peu plus intégré et un peu moins convaincu par le jihadisme, dans un projet d’attentat. L’aîné se fait exploser, mais le cadet rencontre une fille la veille et finalement bascule du côté de la vie. J’avais tout cela en tête bien avant que les frères Kouachi et Abdeslam ne viennent apporter leur grain de sel.
J’ai choisi de raconter l’histoire du petit frère, pas du grand, sans doute parce que je me sens plus proche d’un personnage en proie au doute, et que sur le plan dramatique je trouve cela plus intéressant. Karim descend dans le métro parisien un 24 décembre avec l’intention de se faire exploser en même temps que son frère et quelques autres dans d’autres capitales européennes. Il nous confie ses pensées, tout ce qui lui passe par la tête, sautant parfois du coq à l’âne et révélant malgré lui à la fois son inconscience et ses motivations profondes.
J’ai choisi une forme qui m’est familière depuis mes « Chroniques d’une Année de Crise », le monologue confidentiel, où un personnage confie tout ce qui lui passe par la tête au public, se révélant ainsi beaucoup plus qu’il n’en a lui-même conscience. Cela me permet de raconter une histoire avec humour et concision en utilisant le non-dit et les ellipses. Ce qui émerge, c’est le portrait d’un garçon sensible, attachant, sans cesse sur le fil entre l’intégration et le rejet de la société qu’on lui propose et qui ne l’accepte jamais complètement.
En filigrane apparaît le thème de l’empathie. Alors que son frère s’enferme dans une logique de mort, Karim reste ouvert à la vie et se révèle incapable de tuer parce qu’il se met à la place des autres.
J’aimerais que ma pièce aide les gens à se mettre à la place de garçons comme mon personnage. C’est le propre du théâtre : on vit l’histoire à la fois de l’intérieur, en s’intéressant aux personnages, et de l’extérieur, en les regardant et en les jugeant. Ce n’est pas parce qu’on comprend quelqu’un qu’on approuve tout ce qu’il fait, même si on le trouve sympathique…
Et j’aimerais bien que le théâtre reprenne sa place au centre de la démocratie.
Mitch Hooper